Paris : Le Xème arrondissement en 20 étapes patrimoniales, du Canal Saint Martin à la Gare du Nord en passant par la rue de Paradis et les Grands Boulevards, de la Gare de l'Est à la Porte Saint Denis jusqu'à l'Enclos Saint Lazare et l'Hôpital Saint Louis

 


Le Xème arrondissement, arrondissement cosmopolite, se trouve à la croisée des quatre faubourgs, Poissonnière, Saint-Denis, Saint-Martin, du Temple. Composés de quartiers populaires en cours de gentrification, ses multiples facettes font cohabiter classes sociales et architectures éclectiques. L'image aimable de carte postale du Canal Saint Martin ne doit pas faire oublier l'histoire laborieuse et la réalité des conditions de vie ouvrière. L'arrondissement manifeste son caractère protéiforme entre ancien tissu urbain hérité du XVIIème siècle et les hôtels particuliers préservés, immeubles faubouriens, et grands ensembles industriels du XIXème siècle, réhabilités avec inventivité. Vaste de 289 hectares, le Xème est délimité par les boulevards de la Chapelle et de la Villette, la rue du Faubourg du Temple, les boulevards Saint Martin, Saint Denis et de Bonne Nouvelle, la rue du Faubourg Poissonnière et le boulevard Magenta. Son nom peu usité, "arrondissement de l'Entrepôt", fait référence à l'ancien entrepôt des Douanes de 11 rue Léon Jouhaix. L'arrondissement se divise en quatre quartiers administratifs, Saint Vincent de Paul, Porte Saint Denis, Porte Saint Martin et Hôpital Saint Louis. À l'Ouest, se trouvent les Grands Boulevards, lieux de divertissement, où se multiplient théâtres, cinéma, cafés. Au Nord, l'activité industrielle qui fut longtemps au coeur du développement économique de l'arrondissement, s'est déployée à partir des deux gares ferroviaires, Gare du Nord, plus grande gare d'Europe et troisième plus grande gare mondiale, et Gare de l'Est à la moitié du XIXème siècle. Les artistes et les ouvriers. 

Les congrégations religieuses déterminent l'essor originel du territoire du Xème arrondissement. Au Nord du Faubourg Saint Denis, hors des limites de la ville, se trouve, dès le XIIème siècle, une léproserie fondée par l'ordre de Saint Lazare. Elle tombe en désuétude avec le recul des grandes épidémies. La Congrégation de la Mission de Saint Vincent de Paul reprend l'enclos Saint Lazare en 1632. Avec l'expansion des activités maraîchères et viticoles, le développement du bâti, le domaine s'enrichit. La Maison Saint Lazare prison pour mineurs puis pour femmes, hospice, se trouve au coeur du dispositif. Au Sud le couvent des Filles-Dieu connait son apogée au XIVème siècle. Le couvent des Récollets, congrégation constituée à la fin du XVème siècle à la suite d'une réforme de l'ordre des Franciscains, s'établi en 1604. Le monastère est nationalisé en 1790. Transformé en 1802 en hospice des Incurables-Hommes, il devient hôpital militaire Saint-Martin avant sa fermeture définitive en 1968. 

Pour des raisons de salubrité publique, le Grand Égout, hérité de l'ancien "rû" de Ménilmontant canalisé au XVIème siècle, dont les désagréments limite le pouvoir d'attraction des quartiers qu'il traverse, est couvert en 1760. Cette opération marque un retour en grâce du Faubourg Saint Denis. Redevenu fréquentable, ses terrains d'envergure permettent la construction d'hôtels particuliers prestigieux. En 1773, une Caserne des Gardes Français, caserne de la Nouvelle France, s'installe au numéro 82 rue du Faubourg-Poissonnière. La nouvelle salle de l'Opéra, inaugurée en 1781, divertit les nouveaux riverains. Sous Louis XVI, les spéculateurs immobiliers grignotent peu à peu les vastes domaines des congrégations religieuses. Ces opérations d'urbanisation réduisent l'étendue des terres agricoles. À la Révolution, les biens du Clergé nationalisés sont vendus, lotis et construits de petits immeubles de rapport. La petite bourgeoisie s'installe peu à peu favorisant le développement du commerce. 

L'actuel Xème arrondissement est bordé au Nord par l'ancienne barrières des Fermiers Généraux et au Nord par l'ancienne enceinte défensive Charles V. Cette dernière, construite entre 1356 et 1383, se voit amputée du tronçon occidental vers 1640. Sa démolition libère une vaste promenade de la Porte Saint Denis à la Porte Saint Martin, lieu de rencontre et de divertissement des classes populaires. Au pied du mur des Fermiers Généraux, édifié entre 1784 et 1790, les guinguettes, côté faubourg qui échappent à l'octroi, se multiplient. 

En 1821, un groupe de financiers, à la tête duquel se trouve le banquier d'affaires Jacques Laffitte, fait l'acquisition de l'ancien enclos Saint Lazare et se charge du lotissement des terrains autour de la terrible prison Saint Lazare. Les boulevards populaires fréquentés par une population ouvrière deviennent les hauts-lieux des révolutions de 1830 puis 1848. Lorsque les faubourgs s'embrasent, les barricades se dressent et les combats sanglants font rage. Sous la Monarchie de Juillet puis le Second Empire, les boulevards redeviennent paisible promenade où pullulent cafés, restaurants, boutiques à la mode. Le tronçon vers la Porte Saint Martin se dédient aux théâtres, aux cafés-concerts. 

L'implantation des deux gares ferroviaires, Gare du Nord inaugurée en 1846 et Gare de l'Est en 1849, favorise le développement du commerce et de l'industrie. Les anciens hôtels particuliers du XVIIIème siècle se reconvertissent en fabrique grâce à leurs vastes espaces et leurs jardins préservés. Cette réhabilitation les préserve de la destruction. À partir des années 1860, la rue de Paradis devient le fief des grandes maisons de cristallerie. Dépôts et magasins sont conciliés dans un même espace, boutique sur rue et atelier en fonds de cour. Les cristalleries attirent une clientèle fortunée mais versatile qui peu à peu reporte son attention sur la rue de Rivoli. C'est le début d'un lent déclin. Le long du Canal Saint Martin, entrepôts et usines se multiplient. Le secteur se paupérise au début du XXème siècle, une situation qui perdure jusqu'aux années 1990. Du côté des Grands Boulevard, le petit artisanat prend le relais des grandes industries notamment fourrures et pelleteries ainsi que prêt-à-porter avec la proximité du Sentier. 

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, l'arrondissement échappe aux opérations d'urbanisme qui défigure Belleville dans le même temps. Le Xème conserve ainsi un certain charme faubourien. Aujourd'hui les anciens ensembles industriels sont réhabilités en logements, en bureaux. Ce parc immobilier atypique attire les secteurs d'activité innovant, ingénierie, informatique, ainsi que les professions libérales, architectes, graphistes. La rédaction vous invite à découvrir le Xème arrondissement en 20 étapes patrimoniales. 




1/ Hôtel Titon et Cité Paradis 
58 rue du Faubourg Poissonnière / 9-10 Cité de Paradis - Paris 10
Métro Poissonnière ligne 7

L'Hôtel Titon, oeuvre de l'architecte Jean-Charles Delafosse (1734-1789), témoigne des nombreux hôtels néoclassiques édifiés à la fin du XVIIIème siècle dans le quartier du faubourg Poissonnière. Désormais, des façades construites au cours du XIXème siècle dissimulent au regard ces remarquables bâtisses néoclassiques. Les jardins des élégantes résidences privées ont disparu pour faire place à des locaux variés, dont la vocation industrielle s'est effacée au profit des activités du secteur tertiaire. Au 58 rue du Faubourg Poissonnière, entrée principale de l'Hôtel Titon, le beau portail du XVIIIème siècle s'inscrit dans une façade entièrement repensée au milieu du XIXème. Mais l'édifice demeure inaccessible. En fond de parcelle, de l'autre côté du pâté de maison, la Cité Paradis révèle aux curieux, sur un bras en impasse, la seconde façade préservée de l'Hôtel Titon. La Cité Paradis, aujourd'hui voie publique, a été tracée sur les anciens jardins de l'hôtel particulier. Au débouché du 43 rue de Paradis, la première portion a été ouverte en 1893. Le tronçon qui aboutit au 57 rue d'Hauteville date de 1906. 



2/ Maison François Pinet Chaussures 
42-44 rue de Paradis - Paris 10
Métro Poissonnière ligne 7

Aux numéros 42/44 rue de Paradis, subsistent en façade, au-dessus de deux restaurants, les vestiges du siège de la Maison F. Pinet, spécialiste des souliers de luxe, « Chaussures fines cousues pour dames, filles, fillettes et enfants » selon la réclame. Cette entreprise fondée en 1855, installée dans le quartier en 1865 témoigne de son industrialisation au cours du XIXème siècle. Les deux immeubles ont été conçus pour accueillir le siège social, la fabrique du département souliers de luxe et les bureaux de la Maison F. Pinet en 1885-86. Deux cariatides, allégories du Commerce et du Travail, oeuvres du sculpteur Léon Auguste Perrey (1841-1900), surmontent la porte du numéro 44 rue de Paradis. Il s'agissait de l'entrée de la grande boutique-atelier Pinet. Une mosaïque mentionne le nom "F. Pinet" et le terme "chaussures" répété deux fois. Autrefois un fronton curviligne coiffait les étages au-dessus de la corniche. Ce décor a disparu lors de l'ajout de quatre niveaux résidentiels en 1912. Du temps, de la Maison Pinet, le porche de droite, au numéro 42, donnait accès aux ateliers. Une grosse horloge de cette époque a été conservé au fond de la cour. Cette partie réhabilitée dans les années 1980 a vu disparaître les traces de l'activité industrielle. 



3/ Passage Brady 
Accès partie couverte 46 rue du Faubourg Saint-Denis et 33 boulevard de Strasbourg - Paris 10
Accès partie à ciel ouvert 20 boulevard de Strasbourg et 43 rue du Faubourg Saint-Martin
Métro Strasbourg Saint Denis, lignes 4, 8, 9 / Château d'eau ligne 4

Le passage Brady, avec ses airs de bazar indien, fait les délices des Parisiens en mal de dépaysement. Réputé pour ses restaurants, ce passage couvert atypique s'ouvre au voyage des sens dans les parfums d'épices et d'encens. Malgré la présence d'une importante communauté pakistanaise, à laquelle se mêlent sri-lankais, réunionnais et mauriciens, il est surnommé Little India. Outre les cantines indiennes, les commerces du passage jouent la carte du folklore épanoui. Échoppes ayurvédiques, épiceries de produits exotiques côtoient institut de beauté traditionnel, salons de coiffure, barbiers. Les boutiques de vêtements proposent saris colorés, penjabis modernes, étoles. Les magasins de décoration lorgnent du côté des arts de la table, du linge de maison, des objets d'artisanat. Populaire et charmant aujourd'hui, le passage Brady a connu quelques heures sombres avant de renaître de ses cendres.



4/ Théâtre Antoine 
14 boulevard de Strasbourg - Paris 10
Métro Strasbourg Saint Denis, lignes 4, 8, 9 / Château d'eau ligne 4

Le Théâtre Antoine, au 14 boulevard de Strasbourg, appartient au patrimoine scénique parisien. Le comédien et metteur en scène André Antoine (1858-1943), fondateur de la troupe du Théâtre-Libre, y a initié une certaine philosophie naturaliste de l'art dramatique. Sur ses planches, ont résonné les textes de Jean-Paul Sartre, Albert Camus, dans des mises en scène de Peter Brooke, Louis Jouvet, interprétés par des comédiens de légende, Pierre Brasseur, Jacqueline Maillan. Théâtre à l'italienne édifié en 1880, sur les plans de l'architecte Marcel Deslignières (1847-1914), la salle de 799 places, classée à l'inventaire des monuments historiques par arrêté du 20 novembre 1989, est un lieu de mémoire unique. Programmation éclectique, équilibre entre tradition et modernité, cette salle se distingue par son théâtre populaire de qualité couplé aux avant-gardes les plus pointues. Son nom est associé à ceux des plus grands, Harold Pinter, Louis Jouvet, Colette, Claude Régy, Peter Brook, Michel Vitold, Alain Cuny, François Perrier, Jean-Pierre Marielle, Isabelle Huppert, Jean Louis Trintignant, Tania Balachova, Roger Blin, Michel Bouquet, Delphine Seyrig, Sami Frey, Jean Rochefort, Annie Girardot, Denise Grey, Raymond Devos.



5/ Passage du Prado 
Accès 18 boulevard Saint-Denis et 12 rue du Faubourg Saint-Denis - Paris 10
Métro Strasbourg Saint Denis lignes 4, 8, 9

Le passage du Prado, dans le quartier du Faubourg Saint Denis où les parcelles étroites s'ouvrent sur de nombreux passages ouverts entre le boulevard de Strasbourg et rue du Faubourg Saint Denis, est un curieux alliage entre décrépitude et charme dépaysant. Son tracé en coude déployé sur une longueur 120 mètres et une largeur 4 mètres, est articulé autour d'une place carrée, rotonde couronnée d'une coupole octogonale. En 2012, une campagne de rénovation a bien tenté de lui redonner un semblant de lustre mais sans tout à fait y parvenir tant les échoppes qui le bordent ont triste mine. Si l'atmosphère y est singulière, l'architecture intéressante malgré le manque visible d'entretien, se promener avec un appareil photo y est mal vu. La discrétion est recommandée.



6/ Porte Saint Denis
Croisement rue du Faubourg-Saint-Denis, boulevard de Bonne-Nouvelle et boulevard Saint-Denis - Paris 10
Métro Strasbourg-Saint-Denis lignes 4, 8, 9

La Porte Saint Denis, édifiée en 1672, sur les plans de l'architecte François Blondel (1618-1686), s'inspire de l'arc de Titus à Rome. Premier arc de triomphe parisien destiné à durer, sa conception ainsi que ses décors font directement référence à la Rome antique. Louis XIV, roi Soleil, monarque absolu, revendique l'héritage des empereurs romains conquérants. Rive droite, du boulevard de Bonne Nouvelle jusqu'à la Bastille, la portion de l'enceinte Charles V, construite ente 1356 et 1383, persiste jusqu'en 1633 tandis que l'enceinte Louis XIII, dite des Fossés jaunes, voit le jour sous le règne du souverain éponyme (1610-1643), de la place de la Madeleine au boulevard Poissonnière. La démolition de cette muraille défensive composite est planifiée au cours des années 1640. Abattre les remparts permet d'agrandir la ville. Les terrains libérés tracent un arc de cercle libre de toute construction propice à la percée de nouvelles voies, les Grands Boulevards. Des portes monumentales à la gloire du roi doivent ponctuer "le Nouveau Cours". La Porte Saint Denis est le premier arc de triomphe construit au niveau d'une entrée emblématique de la ville, traditionnel accès royal depuis la route qui mène à la Basilique Saint Denis, nécropole des rois de France. La reine Victoria, en visite à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1855, est le dernier souverain à avoir emprunté ce chemin pour entrer dans Paris.



7/ Cour des Petites Écuries 
Accès 61 - 63 rue du Faubourg Saint Denis / 18 rue d'Enghien - Paris 10
Métro Château d'eau ligne 4 / Strasbourg Saint Denis lignes 4, 8, 9

La Cour des Petites Écuries, passage pittoresque, révèle des charmes presque champêtres à condition d'en situer les entrées discrètes. Sous un porche atypique dans son jus côté rue du Faubourg Saint Denis et un second moderne sans charme sur la rue d'Enghien, elle ouvre également sur une ruelle récente, boyau peu affable. Dans ce quartier animé, les bureaux ont remplacé manufactures et maisons d'industriels enrichis dont quelques vestiges subsistent derrière les portes cochères. La désindustrialisation de Paris, au cours de la seconde moitié du XXème siècle, a profondément transformé la topographie du faubourg Saint Denis. Aujourd'hui, pléthore de restaurants et de bars se dispute l'attention des start-upers et jeunes yuppies qui travaillent ici. La Cour des Petites Écuries, prisée des Parisiens pour ses établissements "branchés mais pas trop" est également fort appréciée des touristes américains près à se déplacer tout exprès pour la célèbre Brasserie Flo au numéro 7 de la voie.



8/ Passage du Marché - Paris 10
Accès 60-62 rue du Faubourg Saint-Martin et 19-25 rue Bouchardon 
Métro Château d'eau ligne 4

Le Passage du Marché, typique du quartier, débute au 60-62 rue du Faubourg Saint Martin et mène jusqu’à l’une des entrées du Marché Saint Martin. Il entame son chemin par un étroit tronçon couvert qui traverse un immeuble. Les street artistes s’y expriment en abondance. Interventions, fresques, graffitis apportent une correction violemment colorée au lieu. Bordé d’immeubles en briques coiffés de toits à la Mansart, le discret passage, a été percé sous le Second Empire vers 1858. Il s’évase jusqu’à former une sorte de courette ouverte vers le 19-25 rue Bouchardon et fermée à la circulation. Un petit hôtel a installé la terrasse de son bar-restaurant. Tables et parasols disposés par les petits bars riverains invitent les passants à s’arrêter pour prendre un verre au calme, loin de la cohue des grands boulevards. De modestes commerces de détails soulignent le charme villageois de cette ruelle, véritable pépite cachée.



9/ Plus petite maison de Paris 
39 rue du Château-d’Eau - Paris 10
Métro Château d'eau ligne 4 / Jacques Bonsergent ligne 5

La plus petite maison de Paris, construction relativement récente, livre peu de secrets quant à ses origines. Malgré ses proportions particulièrement étriquées, la construction indépendante, comprimée entre deux immeubles de six étages beaucoup plus banals, possède bien son propre numéro de rue. Au 39 rue du Château-d’Eau dans le Xème arrondissement, elle passerait presque inaperçue, minuscule édifice rencogné dans une brèche. Ses dimensions, 1m40 de largeur en façade, 5 mètres de hauteur, 3 mètres de profondeur, en font la détentrice d’un record incongru, celui de maison la plus petite de la Capitale. L’espace commercial au rez-de-chaussée, un magasin de prêt-à-porter, est surmonté d’un étage, une pièce de même volume dont la modeste fenêtre ouvre sur la rue. Cette chambrette qui ne communique pas avec l’échoppe est accessible par les appartements situés au 41 rue du Château-d’Eau. Du fait de son extrême exigüité, la plus petite maison de Paris ne peut être habitée. 



10/ Villa du Lavoir 
68bis - 70 rue René-Boulanger - Paris 10
Métro Jacques Bonsergent ligne 5

La Villa du Lavoir doit son joli nom fleurant bon la Belle Epoque à la présence d’un ancien lavoir. Les fantômes d'un autre temps voguent sur les souvenirs de "Nana" ou encore "L'assommoir" d'Emile Zola. Depuis la rue René Boulanger, courte incursion à travers le tissu urbain, cette voie longue d’à peine 54 mètres file en impasse, parallèle à la cour Riverin et à la rue Taylor. Intégrée à la voirie parisienne sous l’appellation provisoire de A10, elle ne devient la Villa du Lavoir par arrêté municipal que le 27 mai 1997. Cette courette a longtemps été la gardienne d’une sous-station électrique chargée d’alimenter les théâtres environnants. Aménagée, à partir de 2003, elle accueille l’association L’entreprise culturelle dont l’action vise à mettre en oeuvre des projets à caractère culturel, promouvoir et valoriser les arts et les artistes. L’espace de travail dont elle dispose, niché au cœur de la villa du Lavoir, demeure à disposition pour de courtes résidences. Cette initiative va donner des idées à la Régie Immobilière de la Ville de Paris. En 2012, la RIVP rachète la vaste bâtisse située au 4 villa du Lavoir afin de la reconvertir en cité artisanale, cité à laquelle sera associée des logements sociaux. Et cette belle entreprise qui investit dans les métiers d’art va se réaliser d’ici la fin du mois de mai 2019.



11/ Porte Saint Martin
33 boulevard Saint Martin - Paris 10
Métro Strasbourg Saint Denis lignes 4, 8, 9

La Porte Saint Martin, arc de triomphe dédié à Louis XIV, a été édifié en 1674 sur les plans de Pierre Bullet (1639-1716) architecte de la Ville, élève de François Blondel (1618-1686), auteur de la Porte Saint Denis voisine. Plus modeste que cette dernière, le monument, tracé dans un carré parfait de 18 mètres, marque symboliquement l'ancienne entrée dans la ville, frontière entre le territoire parisien et le faubourg. Héritière de trois ouvrages consécutifs, la Porte Saint Martin, est érigée sur le segment des nouveaux boulevards tracés de 1668 à 1705, à l'initiative de Colbert, sur les vestiges de l'enceinte Charles V. Elle succède à la porte dite "archet Saint Merri" au débouché de la rue Saint Martin, construite au Xème siècle, remplacée au début du XIIIème siècle par une porte encadrée de deux tours défensives plus au nord entre la rue Saint Martin et la rue du Grenier Saint Lazare. Celle-ci sera troquée au XIVème siècle contre une porte alternative, accolée à une bastide, rasée en 1673, située à soixante mètres au sud de l'actuel ouvrage, au croisement des rues Saint Martin, Blondel et Sainte Apolline.



12/ Théâtre de la Renaissance 
20 boulevard Saint Martin - Paris 10
Métro Strasbourg Saint Denis lignes 4, 8, 9

Le Théâtre de la Renaissance, grande salle de spectacle de la Porte Saint Martin, se distingue par sa façade éclectique, caractéristique de l'esthétique fin XIXème siècle. Façade en pierre de taille et opulence ornementale. L'architecte Charles de Lalande (1833-1887), réputé pour ses théâtres à l'italienne, édifie la salle entre 1872 et 1873 sur un menu parvis, occupé par une bouche de métro, de l'ancienne station Saint-Martin désaffectée. Le programme décoratif sculpté, oeuvre d'Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887) souligne la cadence des trois étages rythmés par trois travées. Les arcades surmontées de macarons, du premier alternent masques grimaçants, allégories du Drame et de la Comédie. Quatre couples de cariatides engaînées portent le balcon du deuxième niveau. Un portique corinthien à colonnes géminées définit cet étage noble aux trois baies rectangulaires coiffées d'oculi encadré d'enfants musiciens. Une balustrade cerne le dernier niveau en retrait. Deux femmes allongées, une guirlande tendue entre elles, encadrent la fenêtre centrale. Le toit d'ardoise à pan brisé est percé de lucarnes.




13/ Palais du Commerce
105 rue du Faubourg du Temple - Paris 10
Métro Belleville ligne 2

Le Palais du Commerce, curiosité Art déco, dresse sa singulière silhouette au coeur d'un quartier populaire pourtant peu enclin à la majesté architecturale. Cette galerie couverte édifiée entre 1923-24 sur les plans de l'architecte Ferdinand Bauguil, semble avoir renoncé depuis longtemps à sa vocation marchande. Dans les années 1920, Théo Cremnitz, le commanditaire de l'édifice, propriétaire d'une manufacture de coutellerie et orfèvrerie fondée en 1895, dont la boutique principale La Coutellerie se trouve alors au 70 rue de Bondy, mène pourtant une opération immobilière réussie de prime abord. Cette bâtisse décline et modernise le concept des passages couverts du XIXème siècle. Au début du XXème siècle, les galeries commerçantes l'instar de la Galerie Argentine de 1907, connaissent un bref retour en grâce. De fait, lors de son inauguration, le Palais du Commerce assume son rôle de pôle d'attractivité. En 1925, s'y trouvent une cinquantaine de commerces répartis sur les trois niveaux ainsi que le syndicat des coiffeurs parisiens et le célèbre bal musette la Java où se produisent Maurice Chevalier, Édith Piaf, Fréhel, Jean Gabin, Django Reinhardt. La galerie est inscrite à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté du 29 mars 1994.



14/ La Lithographie Parisienne
27 bis rue Jacques Louvel-Tessier - Paris 10
Métro Goncourt ligne 2

Ancien siège de la Lithographie Parisienne, entreprise gérée en coopérative ouvrière depuis la fin du XIXème siècle jusqu'en 1992, l'immeuble du 27 bis rue Jacques Louvel-Tessier date de 1923. Cette imprimerie à la longévité remarquable, dont l'activité n'a cessé officiellement qu'en 1992, était spécialiste de la lithographie technique d'impression à plat d'un dessin sculpté sur une pierre, un calcaire à grain fin. La belle façade, structure métallique et briques, conservée intacte avec ses plaques, témoigne du passé industriel de l'arrondissement. Acquis en 1996 par un collectif de réalisateurs et d'architectes, l'édifice a été reconverti en bureaux et logements. Une galerie d'art établie dans l'un loft propose ponctuellement des expositions éphémères. 



15/ Sous-station Temple 
36 rue Jacques Louvel Tessier - Paris 10
Métro Goncourt ligne 2

La sous-station Temple, au 36 rue Jacques Louvel Tessier dans le Xème arrondissement, se distingue, touche de gaieté colorée, par l'ampleur de ses baies vitrées dont la charpente métallique a été repeinte de turquoise. Elle est édifiée en 1908 par Paul Friesé (1851-1917), architecte reconnu pour ses bâtiments industriels et commerciaux. Salarié, depuis 1898, de la CMP, la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris, l'homme se consacre, à partir de 1903, aux projets du groupe Empain-Schneider dans le cadre de ses deux filiales la CMP et la Compagnie parisienne de distribution d’électricité (CPDE).



16/ Canal Saint Martin
Métro Goncourt ligne 2 / Stalingrad lignes 2, 5, 7

Le Canal Saint Martin invite à la promenade, au fil de l'eau apprivoisée. Entre le quai de Valmy et le quai de Jemmapes, ces berges arborées séduisent de nombreux Parisiens qui viennent y pique-niquer l'été. Jolis cafés, brasseries branchées, galeries d'art et boutiques coquettes ponctuent les rives de ce parcours pittoresque. À la belle saison, les soirées y déploient des charmes indolents au rythme des flots paresseux. Voie d'eau artificielle au passé industrieux, le Canal Saint Martin se consacre désormais à l'activité touristique. Le fret de marchandises originel a fait place aux croisières de loisir, les barges commerciales aux péniches d'agrément. Menacé de disparition au profit d'une autoroute urbaine dans les années 1960, le Canal Saint Martin est classé aux Monuments historiques par arrêté du 23 février 1993. La protection concerne l'ensemble du canal et de ses infrastructures, de la place Stalingrad à la place de la Bastille, le canal dans son intégralité, portion couverte et tronçon découvert, les passerelles, les ponts tournants et les neuf écluses.



17/ Hôtel du Nord
102 quai de Jemmapes - Paris 10
Métro Goncourt ligne 11, Jacques Bonsergent ligne 5, Gare de l'Est lignes 4, 5, 7

L'Hôtel du Nord, nom célèbre dans le monde entier, attire les touristes cinéphiles et les nostalgiques du Vieux Paris. Quai de Jemmapes, la façade anodine contraste avec la notoriété du lieu devenu une étape incontournable du Canal Saint Martin. Le film du réalisateur Jean Carné, sorti en 1938, adapté du roman d'Eugène Dabit de 1929, a propulsé l'établissement dans les imaginaires des amateurs de cinéma réaliste. Depuis 2022, la passerelle Arletty, sur l'écluse des Récollets, rend hommage à la comédienne qui a rendu éternelle, par son interprétation et sa gouaille, la réplique : "Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?". Le quartier du Canal Saint Martin pourrait avoir perdu en authenticité, il a depuis gagné en effet carte postale, commerce de la nostalgie. Les commerçants alimentent un certain folklore où les titis parisiens d'origine ont été remplacés par le carton-pâte de la gentrification.



18/ Ancienne caserne Château Landon
12 rue Philippe de Girard - Paris 10
Métro Louis Blanc lignes 7, 7bis

L'ancienne caserne de sapeurs-pompiers Château Landon, à l'angle des rues Philippe de Girard, Louis Blanc, de l'Aqueduc, connait une deuxième vie à la suite de sa réhabilitation en nouveau lieu de vie et de travail. Valorisation du patrimoine architectural et restructuration d'ensemble ont été confiées à l'agence Chaix & Morel et associés qui a repensé ce vaste espace de 4000m2. Désormais, cette pépinière d'entreprises de la mode écoresponsable joue un rôle d'accompagnateur auprès d'une quarantaine d'entre elles. La Caserne met à leur disposition les infrastructures et tout l'écosystème propice au développement écoresponsable de leurs activités : bureaux, ateliers de formation, ateliers de fabrication aménagés par l'agence Sisto Studios, showroom de matières écoresponsables, agence de presse et studio photo. Inaugurée en 2021 après deux ans et demi de travaux, La Caserne, se revendique plateforme d'innovation, espace culturel et évènementiel. Le programme d'animation a pour objectif de sensibiliser le public à la mode éthique par le biais d'ateliers, d'expositions, de concerts tout en proposant en parallèle restauration, club et autres pop-up stores tel que celui de la YouTubeuse Léna Situations installée durant tout l'été 2023. Dans un quartier en pleine mutation, entre la gare de l'Est et le canal Saint Martin, La Caserne s'inscrit dans le nouveau paysage culturel comme un incubateur de mode durable et éthique, à vocation locale et sociale.




19/ Carré Saint Lazare / Vestiges de l'ancienne prison Saint Lazare
Square Alban Satragne  - 107 rue du Faubourg Saint Denis - Paris 10
Métro Gare de l'Est, lignes 4, 5, 7

Les vestiges de la prison Saint Lazare, fondée sur les ruines de l'enclos Saint Lazare propriété d'une congrégation religieuse dissoute à la Révolution, connaissent une renaissance placée sous le signe de la culture. Centre pénitencier politique sous la Terreur, l'établissement devient une prison pour femmes à partir de 1794 où l'espionne Mata Hari, la communarde Louise Michel seront internées. Par la suite, prison-hôpital souvent dernière demeure des malades de la syphilis et autres infections vénériennes, les travailleuses du sexe doivent s'y soumettre à la visite médicale obligatoire. L'établissement pénitentiaire clos en 1927, les bâtiments les plus anciens sont en grande partie démolis. Demeurent néanmoins l'infirmerie spéciale et la chapelle construites en 1824-34 sur les plans de l'architecte Louis-Pierre Baltard (1764-1846), père de Victor Baltard, auteur des pavillons des Halles. Affectée à l'hôpital Lariboisière à partir de 1955, cette annexe est désaffectée définitivement en 1998. Dès 1994, la Mairie de Paris s'attache à valoriser les terrains de l'ancien enclos Saint Lazare. Des équipements publics sont aménagés, une école, une crèche, un centre social, un gymnase. Les bâtiments du XIXème siècle protégés, inscrits aux Monuments historiques par arrêté du 25 novembre 2005, sont réaffectés. La Médiathèque Françoise Sagan, l'infirmerie spéciale réhabilitée, est inaugurée en 2015. La restauration de la chapelle s'achève à la fin de 2023.




20/ Jardin Saint Lazare
Médiathèque Françoise Sagan
8 rue Léon Schwartzenberg - Paris 10
Métro Gare de l'Est, lignes 4, 5, 7

Le Jardin Saint Lazare, espace vert de la Médiathèque François Sagan, a été conçu dans l'esprit des cloîtres méditerranéens. Il déploie ses charmes luxuriants dans la cour classée de l'ancienne infirmerie spéciale de la prison Saint Lazare, bâtiment édifié au XIXème siècle sur les plans de Louis-Pierre Baltard (1764-1846), père de Victor Baltard. À l'occasion de la restructuration de l'enclos Saint Lazare menée par la Ville de Paris, les édifices de la prison devenu hôpital Saint Lazare dans les années 1950 avant désaffectation à la fin des années 1990 sont confiés aux architectes Stéphane Bigoni et Antoine Mortemard. Ils conçoivent la Médiathèque Françoise Sagan et répondent à une triple mission de réhabilitation, architecture, paysage et mobilier. Le chantier débute en mars 2012 pour s'achever en janvier 2015. Espace public de convivialité, fréquenté par les habitants du quartier, pas forcément les lecteurs de la médiathèque, le jardin Saint Lazare invite à la méditation.




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.