Paris : Carré Saint Lazare, mémoire de la prison Saint Lazare, vestiges réinventés, l'infirmerie devenue médiathèque Françoise Sagan et la chapelle Saint Lazare restaurée - Xème

 

Les vestiges de la prison Saint Lazare, fondée sur les ruines de l'enclos Saint Lazare propriété d'une congrégation religieuse dissoute à la Révolution, connaissent une renaissance placée sous le signe de la culture. Centre pénitencier politique sous la Terreur, l'établissement devient une prison pour femmes à partir de 1794 où l'espionne Mata Hari, la communarde Louise Michel seront internées. Par la suite, prison-hôpital souvent dernière demeure des malades de la syphilis et autres infections vénériennes, les travailleuses du sexe doivent s'y soumettre à la visite médicale obligatoire. L'établissement pénitentiaire clos en 1927, les bâtiments les plus anciens sont en grande partie démolis. Demeurent néanmoins l'infirmerie spéciale et la chapelle construites en 1824-34 sur les plans de l'architecte Louis-Pierre Baltard (1764-1846), père de Victor Baltard, auteur des pavillons des Halles. Affectée à l'hôpital Lariboisière à partir de 1955, cette annexe est désaffectée définitivement en 1998. Dès 1994, la Mairie de Paris s'attache à valoriser les terrains de l'ancien enclos Saint Lazare. Des équipements publics sont aménagés, une école, une crèche, un centre social, un gymnase. Les bâtiments du XIXème siècle protégés, inscrits aux Monuments historiques par arrêté du 25 novembre 2005, sont réaffectés. La Médiathèque Françoise Sagan, l'infirmerie spéciale réhabilitée, est inaugurée en 2015. La restauration de la chapelle s'achève à la fin de 2023.








Au XIIème siècle, l'Ordre des Hospitaliers administre une léproserie, dédiée à saint Lazare patron des lépreux sur des terrains situés en périphérie de Paris. La maladie se diffuse en Europe à la suite des croisades menées en Orient. Au début du XVIème, les chanoines de Saint Victor s'installent au sein de l'hospice. La Mission de Saint Vincent de Paul investit l'ancienne léproserie en 1632. Les religieux de l'enclos Saint Lazare sont rapidement désignés sous le terme de Lazaristes. Ils participent du rayonnement du Faubourg Saint Denis. 

Le prieuré prend de l'ampleur, les religieux édifient de nouveaux bâtiments conventuels et de nombreuses dépendances, ainsi que des fermes pour exploiter les cultures maraîchères, les champs de blé et les vignes, les pigeonniers. Aujourd'hui, les dénominations de la voirie telles que la "rue de la Ferme Saint Lazare" témoignent de cette activité. La congrégation compte en ses rangs jusqu'à deux-cents ecclésiastiques. 

Au XVIIème siècle certains bâtiments sont affectés au service d'une "maison de force", maison de correction destinée aux fils de famille débauchés, aux prêtres dévoyés. En 1778, Beaumarchais est interné à la suite de la première des "Noces de Figaro" et de la vive polémique que suscite la représentation, séjour de trois jours doublé d'une bastonnade en règle.








Dans la nuit du 12 au 13 juillet 1789, en pleine Révolution, alors que la famine sévit à Paris, des émeutiers prennent d'assaut la Maison Saint Lazare dans l'espoir d'y trouver des réserves de blé. Les greniers sont pillés, les granges incendiées et les vingt-mille volumes de la bibliothèque disparaissent. En 1792, les biens du Clergé sont nationalisés, la congrégation des Lazaristes dispersée. Les terrains de l'enclos Saint Lazare vendus seront lotis au cours du XIXème siècle, périmètre de la rue du Faubourg Saint Denis à l'Ouest, jusqu'à la rue de Paradis au Sud. 

En 1793, l'ensemble conventuel est transformé en prison politique, la Maison Saint Lazare où sont détenus hommes et femmes promis à l'échafaud. Incarcéré avant son exécution, le poète André Chénier (1762-1794) y compose "L'Ode à la jeune captive", inspirée par Aimée de Coigny, duchesse de Fleury également prisonnière. Au lendemain de la Terreur, en 1794, Saint Lazare devient une prison pour femme. Doublé d'un centre de détention hospitalier destiné aux péripatéticiennes dès le début du XIXème siècle. 









En 1802, dans une tentative d'endiguer l'épidémie de syphilis, les autorités instituent une visite médicale obligatoire pour les prostituées. Les maisons closes sont légalisées en 1804. La Brigade des moeurs est chargée du contrôle des travailleuses du sexe, de leur inscription sur les fichiers et de la délivrance des cartes. Le service fait la chasse aux insoumises ou clandestines non déclarées à la préfecture, non inscrites aux fichiers, ou celles en carte qui s'affranchissent de la visite médicale obligatoire. Les prostituées peuvent faire l'objet d'un internement arbitraire sur simple avis médical. La loi Marthe Richard, votée le 13 avril 1946, abolit le régime de la prostitution réglementée et entraîne la fermeture des maisons de tolérance.  

Le 9 avril 1811, la prison Saint Lazare passe sous la direction du département de la Seine. À la suite de la démolition de l'église Saint Lazare en 1820, Gaspard de Chabrol (1773-1843), préfet de 1815 à 1830, ordonne la réorganisation de l'ensemble des bâtiments. En 1824, les anciens édifices pénitentiaires sont rasés. L'architecte Louis-Pierre Baltard est chargé de construire le nouveau complexe. Le chantier débute en 1828. Le bâtiment de l'infirmerie spéciale, largement destinée aux syphilitiques, et la chapelle sont achevés en 1834. Au cours de l'année 1837, 11 063 femmes et jeunes filles séjournent au sein de cette prison.

En 1857, l'établissement détient environ 1300 prisonnières. La prison Saint Lazare s'organise en trois sections. La première est destinée aux détenues de droit commun, prévenues et condamnées. La deuxième réunit le lieu d'internement administratif et l'hôpital des prostituées, celles infectées par des maladies sexuellement transmissibles, ainsi que les insoumises. Et troisième section, la maison de correction pour les jeunes filles, détenues mineures, enfermées soit par application des articles 66 et 67 du code pénal, soit par voie de correction paternelle, un placement en institution à la demande des parents. La prison Saint Lazare, insalubre, ferme en 1927. La majorité des bâtiments est démolie entre 1935 et 1940.








En 1931, l'ancienne infirmerie restaurée par Gaston Lefol, devient la Maison de Santé Saint Lazare. L'établissement hospitalier accueille notamment le service des femmes prostituées, où elles sont conduites pour examen médical à la suite des rafles de la police dans la rue. Le service ne fermera qu'en 1975. L'établissement perdure dans ces dispositions initiales jusqu'en 1955, date à laquelle la préfecture cède une partie des lits à l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. Le 1er janvier 1961, la préfecture transfère l'entière administration de l'hôpital à l'APHP qui devient une annexe de l'hôpital Lariboisière. 

À partir de 1994, la Ville de Paris lance un grand réaménagement de l'ancien enclos Saint Lazare, débuté en 1963 avec la création du square Alban Satragne. Le projet prévoit le développement d'équipements publics, culturels, sportifs. L'hôpital ferme définitivement fin 1998. La reconversion de l'ancien enclos Saint Lazare prend de l'ampleur avec la réhabilitation de l'infirmerie menée par les architectes Stéphane Bigoni et Antoine Mortemard. Le bâtiment devient la médiathèque François Sagan, inaugurée le 16 mai 2015. La chapelle est le dernier élément du complexe à bénéficier d'une restauration.

Vestiges de l'ancienne prison Saint Lazare
- Square Alban Satragne 
107 rue du Faubourg Saint Denis - Paris 10
- Médiathèque Françoise Sagan
8 rue Léon Schwartzenberg - Paris 10
Métro Gare de l'Est, lignes 4, 5, 7



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages 
Le guide du promeneur 10ème arrondissement - Ariane Duclert - Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette