Paris : Théâtre Antoine, salle patrimoniale à la programmation éclectique - Xème

 

Le Théâtre Antoine, au 14 boulevard de Strasbourg, appartient au patrimoine scénique parisien. Le comédien et metteur en scène André Antoine (1858-1943), fondateur de la troupe du Théâtre-Libre, y a initié une certaine philosophie naturaliste de l'art dramatique. Sur ses planches, ont résonné les textes de Jean-Paul Sartre, Albert Camus, dans des mises en scène de Peter Brooke, Louis Jouvet, interprétés par des comédiens de légende, Pierre Brasseur, Jacqueline Maillan. Théâtre à l'italienne édifié en 1880, sur les plans de l'architecte Marcel Deslignières (1847-1914), la salle de 799 places, classée à l'inventaire des monuments historiques par arrêté du 20 novembre 1989, est un lieu de mémoire unique. Programmation éclectique, équilibre entre tradition et modernité, cette salle se distingue par son théâtre populaire de qualité couplé aux avant-gardes les plus pointues. Son nom est associé à ceux des plus grands, Harold Pinter, Louis Jouvet, Colette, Claude Régy, Peter Brook, Michel Vitold, Alain Cuny, François Perrier, Jean-Pierre Marielle, Isabelle Huppert, Jean Louis Trintignant, Tania Balachova, Roger Blin, Michel Bouquet, Delphine Seyrig, Sami Frey, Jean Rochefort, Annie Girardot, Denise Grey, Raymond Devos. 








En 1866, est inauguré le théâtre des Menus Plaisirs est inauguré à l'emplacement d'un café-concert, sur le tronçon de l'ancien boulevard Sébastopol qui deviendra le boulevard de Strasbourg. Cette dénomination fait alors référence à l'intendance royale qui, sous l'Ancien régime, gérait les divertissements de la cour, festivités, spectacles, réceptions. La salle, exploitée par la suite sous le nom de théâtre des Arts, puis Opéra-Bouffe ne rencontre pas le succès. Désaffectée, elle est rasée.

En 1880-81, le théâtre est entièrement reconstruit sur les plans de Marcel Deslignières. Architecte du pavillon de l’Union céramique à l’Exposition universelle de 1878, il choisit de poursuivre ses recherches esthétiques par une façade polychrome au décor de céramique, marquée par un beau fronton triangulaire. Il fait appel à des artisans prestigieux. Les mosaïques sont signées de la maison G.-D. Facchina, les faïences Jules Loebnitz, les terres cuites d’Émile Müller tandis que carrelage et balustrade sont réalisés par la maison H. Boulenger & Cie.

La Comédie Parisienne ouvre ses portes en avril 1881. La salle reprend le titre de Théâtre des Menus Plaisirs en 1882. La troupe du Théâtre-Libre fondée par le comédien et metteur en scène André Antoine y réside une première fois de 1888 à 1894 avant de s'installer brièvement au théâtre de l'Odéon. De 1894 à 1897, la Comédie parisienne est administrée par le comédien Larochelle.

André Antoine renoue avec cette salle en 1897, et donne son nom au Théâtre Antoine. Il y développe une conception de l'art dramatique qui se rapproche d'un naturalisme, détaché des contraintes académiques. Au sein de ce laboratoire d'expérimentations, il renouvèle le genre. André Antoine introduit au répertoire les auteurs scandinaves et russes comme Strindberg, Léon Tolstoï, Henrik Ibsen. Il monte des pièces d'avant-garde, des adaptations de Zola, Daudet, Balzac, Jules Renard, Henry Bernstein.







En 1901, le théâtre Antoine se dote de structures techniques à la pointe de la modernité, éclairages et décors d'une société qui deviendra incontournable à Paris, la maison Clémançon. Firmin Gémier en 1906, René Rocher en 1928 et Marcel Paston en 1934, se succèdent à la tête de la salle sans retrouver le souffle originel. 

En 1943, la comédienne Simone Berriau prend la direction du théâtre qui se trouve dans un état avancé de vétusté. Les toitures fuient, il pleut sur la scène. La nouvelle directrice se lance dans d'importants travaux. Elle apporte un soin particulier au foyer du théâtre, rénové dans un style éclectique Napoléon III. C'est là que se tiennent les soirées privées des premières. Simone Berriau programme les pièces de ses amis Jean-Paul Sartre, Albert Camus et s'attache à faire vivre un théâtre populaire engagé sur le plan artistique et politique. 

À son décès en 1984, sa fille Héléna Bossis prend le relais avec son époux Daniel Darès (1931-2011). Sous sa direction, deux fresques signées Drian, pseudonyme de Adrien Désiré Étienne (1885-1961), illustrateur, peintre portraitiste, sont réalisées dans le foyer. Elles représentent Héléna Bossis en compagnie du comédien Jacques Charon (1920-1975). Drian exécuté également le rideau de scène. Héléna Bossis meurt en 2008. Daniel Darès poursuit seul. Il disparaît en juillet 2011.

La direction est alors reprise par Laurent Ruquier et Jean-Marc Dumontet qui se portent acquéreurs de la société de gestion du théâtre Antoine. La famille Darès-Bossis reste propriétaire des murs. En 2018, Laurent Ruquier revend ses parts.

Théâtre Antoine 
14 boulevard de Strasbourg - Paris 10
Métro Strasbourg Saint Denis, lignes 4, 8, 9




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 10è arrondissement - Ariane Duclert - Parigramme
La céramique dans l'architecture à Paris aux XIXème et XXème siècle - Bernard Marrey - Éditions du Linteau