L'Hôtel Titon, oeuvre de l'architecte Jean-Charles Delafosse (1734-1789), témoigne des nombreux hôtels néoclassiques édifiés à la fin du XVIIIème siècle dans le quartier du faubourg Poissonnière. Désormais, des façades construites au cours du XIXème siècle dissimulent au regard ces remarquables bâtisses néoclassiques. Les jardins des élégantes résidences privées ont disparu pour faire place à des locaux variés, dont la vocation industrielle s'est effacée au profit des activités du secteur tertiaire.
Au 58 rue du Faubourg Poissonnière, entrée principale de l'Hôtel Titon, le beau portail du XVIIIème siècle s'inscrit dans une façade entièrement repensée au milieu du XIXème. Mais l'édifice demeure inaccessible. En fond de parcelle, de l'autre côté du pâté de maison, la Cité Paradis révèle aux curieux, sur un bras en impasse, la seconde façade préservée de l'Hôtel Titon. La Cité Paradis, aujourd'hui voie publique, a été tracée sur les anciens jardins de l'hôtel particulier. Au débouché du 43 rue de Paradis, la première portion a été ouverte en 1893. Le tronçon qui aboutit au 57 rue d'Hauteville date de 1906.
Les façades de l'Hôtel Titon, sur la cour intérieure et sur la Cité Paradis, sont inscrites au titre des Monuments historiques depuis 1927. Une nouvelle inscription par arrêté du 25 octobre 2007 a étendu la protection à de nombreux éléments, toitures, sols, plafonds peints, décors de certaines pièces et escaliers. La beauté de l'Hôtel Titon et de son voisin l'Hôtel Goys dessinés tous les deux par Jean-Charles Delafosse atteste du talent d'un grand architecte. Pourtant celui-ci, victime d'escrocs, n'a pas accédé à sa juste renommée. Les deux chantiers de la rue du Faubourg Poissonnière ont causé sa ruine et sonné la fin de sa carrière. Un peu d'histoire.
En 1776, Antoine-François Frémin, avocat au Parlement de Paris, se porte acquéreur de terrains aux numéros 58 et 60 rue du Faubourg Poissonnière. Depuis les premiers efforts de couverture du Grand Égout mené par des particuliers à partir de 1735, le quartier en plein développement a pris de la valeur. Les parcelles constructibles attirent investisseurs et autres promoteurs immobiliers en quête de bonnes affaires.
Le sculpteur Nicolas-Vincent Cardon et le peintre Pierre-Hyacinthe Deleuze, propriétaires des numéros 50 et 52 rue du Faubourg-Poissonnière, recommandent à Antoine-François Frémin les services de leur confrère de l'Académie de Saint Luc, l'architecte Jean-Charles Delafosse. Auteur en 1768 d'un ouvrage important en son domaine, "Nouvelle iconologie historique", son nom commence à circuler dans les cercles huppés.
Lorsque Frémin prend contact avec Delafosse, ce dernier travaille à la rénovation d'une maison acquise, rue Sainte Apolline, auprès de la comédienne Melle Guimart, en 1775, par Marie Anne Thérèse Coulbeau, épouse Delbarre, séparée de son époux François Delbarre. L'architecte supervise, également pour celle-ci, un second chantier sur une propriété située à Pantin.
Jean-Charles Delafosse dessine à l'intention d'Antoine-François Frémin deux hôtels particuliers destinés aux parcelles du 58 rue du Faubourg Poissonnière, futur Hôtel Titon, et 60 rue du Faubourg Poissonnière, futur Hôtel de Goys. Selon un plan traditionnel, l'Hôtel Titon est conçu entre cour et jardin. Sur rue, le corps de bâtiment simple ouvre sur la cour par une porte cochère. Des vases caractéristiques du style de Delafosse, similaire au vase qui décore le frontispice de son "Cinquième Livre de Trophées" ornent des niches latérales du passage.
Au fond de la cour intérieure, deux ailes de communs en retour encadrent la façade de l’hôtel à deux niveaux, corps de logis double. Le décor néoclassique remarquable alterne frontons et de motifs en guirlande. Les cours secondaires sont accessibles par l'intérieur. Les façades sur la rue du Faubourg Poissonnière ont été altérées, les élévations sur cour et jardin modifiées par l’ajout d’un étage carré.
Alors que le chantier progresse, Antoine-François Frémin s'abstient de régler les honoraires de l'architecte et les salaires des artisans, notamment le maître maçon, Hilaire-François-René Guyon. Les deux hôtels du faubourg Poissonnière sont achevés en 1779. L'avocat les revend aussitôt à Madame Delbarre, désormais veuve et détentrice d'un pécule inattendu. Les deux compères s'engagent dans une opération financière lucrative aux dépends du malheureux Delafosse.
Dès 1780, des procès-verbaux inquiétants témoignent de la situation difficile de l'architecte qui réclame ses émoluments à Madame Delbarre. De 1780 à 1783, il cherche désespérément à obtenir justice auprès des tribunaux. La débitrice récalcitrante louvoie, ne se présente pas au tribunal, fait retarder le paiement autant que possible.
Le 28 septembre 1783, Madame Delbarre vend, en secret, le plus grand des deux hôtels particuliers à Jean-Baptiste Maximilien Titon, seigneur de Villotran et de La Neuville, conseiller au Parlement, et petit-neveu de Titon du Tillet, et le petit hôtel à Nicolas-Lois Goys (ou Goix), négociant à New York. Finalement condamnée par le Tribunal de Paris, elle parvient néanmoins à reprendre la main. Sa dette se trouve quasiment divisée par deux, au détriment de Delafosse dont les finances sont durement éprouvées par la mésaventure. L'importance de son endettement personnel sonne la fin de sa carrière en 1785.
La surélévation des communs vers 1814-15 date de l'acquisition de l'Hôtel Titon, par Pierre Gareau fournisseur des armées. Un second niveau est ajouté au logis originel d'un étage au-dessus du rez-de-chaussée. La surélévation reproduit la composition. Dans les niches du premier, des statues inspirées de la mythologie et au deuxième des bustes reprennent l'idée d'un programme décoratif à l'antique. À l'occasion de ce chantier d'agrandissement, la façade sur rue est révisée en incluant le portail originel du XVIIIème.
L'Hôtel Titon a été rénové en 2006-07. Dans la cour, se trouvent les vestiges d'une pompe à bras, un ancien abreuvoir et une cloche.
Hôtel Titon et Cité Paradis
58 rue du Faubourg Poissonnière / 9-10 Cité de Paradis - Paris 10
Métro Poissonnière ligne 7
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Le guide du promeneur 10ème arrondissement - Ariane Duclert - Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
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