Le quartier Didot-Sud, au coeur de Plaisance, déploie, le long de la rue Didot, son paysage urbain pittoresque. Les façades haussmanniennes de pierre blonde y conversent avec les immeubles de tailles réduites en brique rouge ou grise dans la pure tradition faubourienne. Artère commerçante vivante, squares, écoles, jardins, cet environnement chaleureux attire les familles parisiennes séduites par la vie de quartier. De part et d'autre de la rue Didot, s'étirent selon un plan en arête de poisson de nombreuses villas et cités ouvrières devenues aujourd'hui petit luxe pour les citadins. Planquées à l'abri de ces venelles en impasse, les maisons individuelles, vieilles bicoques des faubourgs restaurées avec soin et nouvelles constructions respectueuses de l'esthétique générale, rappellent l'histoire des villages parisiens. De bâti ancien, cet ilot préservé, vestige du Petit Montrouge village intégré à Paris lors de l'annexion des communes de 1860, date de la seconde moitié du XIXème siècle. Le quartier Didot-Sud délimité par les rues d'Alésia, des Suisses, des Plantes, les hôpitaux Broussais et Saint Joseph, la Petite Ceinture, a su résister à une certaine forme de l'urbanisme moderne. Les grands travaux des années 1970 n'ont pas atteint cette partie du XIVème arrondissement. Et la vie y semble bien douce.
Trapèze aux trois monts, Montparnasse, Montsouris, Montrouge, le XIVème arrondissement est le produit d'une histoire des villages parisiens. Avant l'annexion de 1860, au-delà des barrières d'octroi, l'Enceinte des Fermiers généraux puis les fortifications de Thiers construites de 1841 à 1845, un ensemble de petits bourgs s'étend entre des terres maraîchères et des collines plantées de moulins.
On y trouve des fermes modestes, des vergers et quelques terres de Garenne qui sont chasse préservée de la noblesse dans le prolongement du domaine de Sceaux
Entre le gros bourg de Vaugirard et le mur d'octroi, les communes de Montrouge et du futur Petit-Montrouge prolongent cette vocation agricole qui est bientôt concurrencée par celle de la fête populaire avec les guinguettes et le vin hors taxe. Directement au pied des Fortifs, la zone extérieure est décrétée non aedificandi, non constructibles. Plâtriers des carrières, biffins et nécessiteux y installent des campements de fortune. Les bidonvilles, malgré l'interdiction, prennent de l'ampleur et les cahutes de misère se font constructions solides empiétant sur les terres isolées dépendantes de Vaugirard.
A partir de 1832, ces terres incultes trouées de carrières attirent l'attention des spéculateurs. Des lotisseurs achètent des terrains à bas prix et les revendent en parcelles étroites à une population modeste employés et ouvriers. Les lots irréguliers se déploient en parcelles anarchiques tandis que surgissent des cités ouvrières dont le regroupement reproduit la communauté des villages traditionnels.
Les rumeurs rattachement des communes limitrophes à Paris se précisent et les opérations spéculatives se multiplient. Les promoteurs investissent massivement dans les terrains à bâtir aux portes de Paris dont le plus célèbre Alexandre Chauvelot, investisseur privé, a de grandes idées pour la plaine de Montrouge. Son travail va marquer durablement la physionomie du futur arrondissement et plus particulièrement de Plaisance avec des opérations telles que la Petite Californie, la rue des Thermopyles dont je vous parlais ici.
Sans souci de plan d'urbanisme général, les lots irréguliers sont distribués en lopins disposés le long d'une voie principales. Peu à peu la ville se développe dans une logique d'étroites ruelles rayonnant en arêtes de poisson autour de la rue principale originelle. Dans le quartier Didot, le long de la rue éponyme, les villas Deshayes, Mallebay dont je vous parlais ici plus en détail, Junot, Duthy, Collet, la Cité Bauer reflètent parfaitement cet agencement urbanistique qui se précise dès 1860.
A cette époque, Plaisance, héritier du Petit-Montrouge, est le plus pauvre des quatre quartiers qui composent le nouvel arrondissement du XIVème. Urbanisé de façon anarchique sans plan d'ensemble, ni vision générale, les propriétaires ont naturellement recréé, en suivant le caractère particulier du lotissement, la disposition des petits villages édifiés autour d'une rue principale.
De nos jours, ce quartier dense, très urbanisé conserve la trace d'un passé champêtre grâce à la préservation des maisons ouvrières et de leur jardinet. Et c'est à ses origines très modestes que l'ensemble doit sa subsistance. En effet les sols instables minés par les carrières souterraines auraient nécessité des travaux d'envergure pour que des immeubles de taille importante soient construits. Peu propice aux grandes transformations onéreuses, pas atteinte par les modernités des années 1970, le quartier Didot est aujourd'hui une jolie enclave propice à la flânerie, une pépite parisienne prisée des familles.
Quartier Didot le long de la rue Didot - Paris 14
Débute au 146 rue du Château, se termine au 79 boulevard Brune
Métro Pernety ligne 13 / Mouton Duvernet ligne 4
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du promeneur 14è arrondissement - Michel Dansel - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
L'invention de Paris - Eric Hazan - Editions du Seuil - Edition de poche Points
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit
Sites référents
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