Paris : Passage du Prado, heures troubles de l'un des plus anciens passages parisiens - Xème



Le passage du Prado, dans le quartier du Faubourg Saint Denis où les parcelles étroites s'ouvrent sur de nombreux passages ouverts entre le boulevard de Strasbourg et rue du Faubourg Saint Denis, est un curieux alliage entre décrépitude et charme dépaysant. Son tracé en coude déployé sur une longueur 120 mètres et une largeur 4 mètres, est articulé autour d'une place carrée, rotonde couronnée d'une coupole octogonale. En 2012, une campagne de rénovation a bien tenté de lui redonner un semblant de lustre mais sans tout à fait y parvenir tant les échoppes qui le bordent ont triste mine. Si l'atmosphère y est singulière, l'architecture intéressante malgré le manque visible d'entretien, se promener avec un appareil photo y est mal vu. La discrétion est recommandée.








L'existence du passage du Prado est attestée sous la forme d'un passage découvert dès 1785. Il s'appelle alors le passage du Bois-de-Boulogne du nom d'un bal public qui s'y est établit. En 1836, y tient commerce un commissionnaire du Mont de Piété tandis que la société Les voitures de Paris à Saint-Denis y ont leur siège. En 1925, le passage est recouvert d'une verrière dont la charpente métallique est ornée de motifs Art déco. Les fermes, arcs doubleaux en bois hourdés de plâtre façon staff, reflètent le goût de l'époque exprimé lors de l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes. Vers 1930, il prend le nom de passage du Prado, en référence au musée madrilène.

En 2012, des travaux de rénovation auxquels la Ville de Paris a participé à hauteur de 100 000 euros, soit le quart du montant total, ont permis de nombreuses réfections, alimentation, évacuation, électricité. Au sol a été coulée une dalle de béton, recouverte d'un revêtement d'asphalte poli incrusté de morceaux de verre. La mise en place d'un nouvel éclairage imaginé par le plasticien, Yann Kersalé, et la rénovation des fermes repeintes de couleurs vives ont apporté une note de gaité dans le passage. Spécialiste des projets d'installation incorporés à l'architecture, passionnés par les espaces publics urbains, Yann Kersalé a beaucoup travaillé In situ à l'occasion de commandes publiques ou privées. L'installation créée passage du Prado rend hommage au quartier indien. Des carafes lumineuses inversées, luminaires pensés par Yann Kersalé et SNAIK pour la cristallerie Baccarat ont été fixées sous les éléments décoratifs en plâtre.








Pendant des années, les riverains ont fait face à des problèmes d'insécurité larvés. Insécurité, trafic de drogue, prostitution, délinquance en tout genre, le passage du Prado vétuste et mal éclairé était l''un des plus anciens passages parisiens mais également l'un des plus dégradés. Les habitants du quartiers réunis en trois associations de riverains ont tenté de retrouver une sérénité perdue et d'améliorer leur cadre de vie.

Afin d'apporter une forme de quiétude à cette enclave cosmopolite, les riverains ont pris des mesures de sécurité. Public la journée, le passage qui est ouvert de 8h à 20h retourne dans le domaine privé le soir et le week-end. Communautés turques, indo-pakistanaises, afghanes y cohabitent dans une multitude d'activités.









Autrefois dédié à la chapellerie, on se trouve encore les traces dans les arrières salles des boutiques, le passage du Prado hésite aujourd'hui entre plusieurs vocations. Les échoppes de confection et les ateliers de retoucheurs côtoient salons de beauté, barbiers, coiffeurs africains, ongleries dont les émanations de solvant ont chagriné un temps les habitants. Minuscules salons de thé, gargotes à kebabs ainsi qu'un restaurant mauricien représentent l'esprit foodie du coin. Plus originaux, des boutiques de dvd indiens et un bureau de traduction tiennent le haut du pavé.

Passage du Prado - Paris 10
Accès 18 boulevard Saint-Denis et 12 rue du Faubourg Saint-Denis
Métro Strasbourg Saint Denis lignes 4, 8, 9



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Passages couverts parisiens - Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois - Parigramme
Le guide du promeneur 10è arrondissement - Ariane Duclert - Parigramme
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Félix et Louis Lazare

Sites référents