Paris : La Lithographie Parisienne, ancienne Maison Romanet & Cie - Xème

 

Ancien siège de la Lithographie Parisienne, entreprise gérée en coopérative ouvrière depuis la fin du XIXème siècle jusqu'en 1992, l'immeuble du 27 bis rue Jacques Louvel-Tessier date de 1923. Cette imprimerie à la longévité remarquable, dont l'activité n'a cessé officiellement qu'en 1992, était spécialiste de la lithographie technique d'impression à plat d'un dessin sculpté sur une pierre, un calcaire à grain fin. La belle façade, structure métallique et briques, conservée intacte avec ses plaques, témoigne du passé industriel de l'arrondissement. Acquis en 1996 par un collectif de réalisateurs et d'architectes, l'édifice a été reconverti en bureaux et logements. Une galerie d'art établie dans l'un loft propose ponctuellement des expositions éphémères. 







La création de la Lithographie Parisienne s'inscrit dans le cadre de l'utopie marxiste du XIXème siècle, l'idée de la réussite professionnelle et sociale des ouvriers. La Première Internationale, est fondée le 28 septembre 1864, à Londres, à l'initiative de travailleurs et militants d'origines diverses, qui diffusent les idées socialistes à travers l'Europe. Le succès rapide entraîne dès l'année suivante la constitution de sections nationales notamment en Suisse, en Belgique, en France, en Allemagne. Le mouvement ouvrier en quête de justice sociale prend de l'ampleur avec l'essor de l'industrialisation et la mécanisation du travail.

En 1865, une centaine d'ouvriers imprimeurs parisiens mène une grève durant sept semaines. Le conflit a pour origine des revendications relatives à la Société de résistance et de solidarité. Ces prémices de syndicat qui prévoit un secours mutuel, une caisse de solidarité, un soutien financier des ouvriers lors des grèves et des périodes de chômage technique, sont remis en question par le patronat. 

En mars 1866, trente-deux lithographes, anciens grévistes, choisissent de quitter leurs patrons pour créer une association ouvrière, première forme d'émancipation du système capitaliste. Ils réunissent les fonds nécessaires pour acheter un brevet d'imprimerie au nom d'André Guillemin, (né en 1824) qui était contremaître aux imprimeries Bergery lors de la grève de 1865-66. Ensemble, ils font l'acquisition de l'ancienne imprimerie Chevillard, située au 149 quai de Valmy qui comporte alors deux presses à bras. 

En 1869, l'entreprise coopérative "Guillemin Schmit & Cie", comptabilise quarante-cinq presses, quarante-cinq sociétaires. La production se diversifie entre les illustrations de faible qualité, affiches de spectacles, cartes publicitaires et les impressions haut de gamme. En collaboration avec l'entreprise Firmin Didot, qui imprime les textes et les nombreuses gravures sur bois, l'Association ouvrière Lithographie Schmit et Cie Paris réalise les chromolithographies dessinées par Kellerhoven pour des éditions de prestige. Parmi les plus belles, se trouvent deux recueils de Paul Lacroix, "Les arts au Moyen-Âge et à l'époque de la Renaissance" (1869), "Moeurs, usages et costume au Moyen-Âge et à l'époque de la Renaissance" (1871), ainsi que "Les chefs-d’œuvre de la peinture italienne" (1870) de Paul Mantz. 








Malgré une bonne réputation et la qualité du travail, la mauvaise gestion et le manque d'expérience commerciale conduit à de mauvaises affaires. L'association se trouve endettée de 95 000 francs de dette. L'entreprise est déclarée en faillite mais obtient un concordat, étalement du remboursement. L'activité reprend en juin 1871 au 5 rue du Faubourg Poissonnière. La coopérative déménage, en 1877, au 27bis rue Corbeau, devenue rue Jacques Louvel-Tessier en 1946.

En 1878, le travail de l'imprimerie est distingué par une médaille d'argent lors de l'Exposition Universelle. Dettes soldées, les investissements permettent de moderniser les machines. Les presses à vapeur remplacent celles à bras. Mais un incendie en 1881 menace la santé financière de l'imprimerie qui fait à nouveau faillite en 1882. L'association obtient un nouveau concordat et un délai de dix ans pour rembourser ses dettes. A. Romanet, figure de la franc-maçonnerie ouvrière, dont les idéaux associatifs se rapprochent des valeurs maçonniques, prend la direction de l'imprimerie. La production se diversifie : images pieuses, calendriers, chromos éducatifs, publicités pour le Bon Marché, La Samaritaine, les chocolats Louit, le tapioca de l'Étoile...

En 1896, à l'expiration des statuts de l'association, au bout de trente ans, comme stipulé par la loi, l'entreprise associative est liquidée. Quarante-huit des soixante-trois sociétaires fondent une nouvelle entreprise, La Lithographie Parisienne. En 1897, elle compte en son sein vingt-quatre associés et quarante auxiliaires. Maison particulièrement estimée dans la corporation pour sa rectitude dans les affaires et la qualité de son travail, la Lithographie Parisienne fait preuve d'une longévité remarquable et perdure jusqu'au début des années 1990.

La Lithographie Parisienne
27 bis rue Jacques Louvel-Tessier - Paris 10
Métro Goncourt ligne 2



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 10ème arrondissement - Ariane Duclert - Parigramme
Paris ville ouvrière - Une histoire occultée (1789-1848) - Maurizio Gribaudi - La Découverte