Paris : Le XXème arrondissement en 20 étapes patrimoniales, de Belleville à Ménilmontant, en passant par le Père Lachaise et Charonne, de la porte de Bagnolet et la porte de Montreuil jusqu'à Saint Fargeau, les Lilas et la porte de Vincennes

Rue des Vignoles - Paris 20
 
Le XXème arrondissement, populaire, attachant, a été constitué en 1860, à la suite de l'annexion des communes limitrophes au territoire de la ville de Paris. Ses cinq-cent-quatre-vingt-dix-huit hectares réunissent alors une partie de la commune Belleville, l'autre moitié rejoint le XIXème arrondissement, une portion de la commune de Saint-Mandé et quasiment toute la commune de Charonne. Il se divise en quatre quartiers administratifs, Belleville, Saint-Fargeau, Père Lachaise et Charonne. Bordé par les communes des Lilas, de Bagnolet, de Montreuil, de Saint-Mandé, le XXème arrondissement est délimité au Sud par le cours de Vincennes, à l'Ouest par les boulevards de Charonne, de Ménilmontant et de Belleville. Ces voies ont été établies sur le tracé de l'ancien mur d'octroi des Fermiers généraux, construit entre 1784 et 1790, rasé lors de l'extension des limites de la ville jusqu'à l'enceinte défensive de Thiers en 1860. Au Nord, l'arrondissement suit la frontière de la rue de Belleville et de l'avenue de la Porte-des-Lilas, à l'Est, les rues des Frères-Flavien, Évariste-Galois, Pierre-Soulié, Jean-Jaurès, avenues du Professeur-André-Lemierre, Benoît-Frachon, Léon-Gaumont, ainsi que la rue du Commandant-L'Herminier et l'avenue de la Porte-de-Vincennes.

Agricole puis ouvrier dès le milieu du XIXème siècle, l'arrondissement conserve les traces de ses vocations successives malgré de grandes transformations destructrices dans les années 1970. Aujourd'hui encore, le parcellaire du XXème arrondissement témoigne du passé paysan de ces agglomérations champêtres, les terres maraîchères de la Ferme des Savies, ancienne propriété de l'abbaye de Saint Martin des Champs, les vignes des Coteaux de Belleville. Les noms des rues entretiennent la mémoire des domaines agricoles des congrégations religieuses et aristocratiques de la fin du XVIIIème siècle, la Ferme des Chanu, les vignobles des Panoyaux et des Montiboeufs, le clos des Cendriers et les dépendances du parc du Château de Saint Fargeau. Le parc du château de Ménilmontant, un temps propriété de la marquise de Pompadour, s'étend jusqu'au Mont-Louis, domaine des Jésuites et du confesseur de Louis XIV, François d'Aix de La Chaize (1624-1709) où sera établi, sous le Premier Empire, le grand cimetière de l'Est, le cimetière du Père Lachaise ouvert en 1804. Ces biens sont nationalisés à la Révolution, les terrains morcelés et les lotissements progressivement urbanisés. Au XIXème, au-delà fortifications se développent des lieux de fêtes exemptes d'impôt sur les marchandises. Le dimanche, la population fréquente les guinguettes de la Courtille, les bals populaires où se boit le vin aigrelet bellevillois ou se promène en famille le long de la petite ceinture. 

Foyer de soulèvement populaire, l'arrondissement est marqué par l'histoire de la Commune en 1871, le mur des Fédérés, les otages de la rue Haxo. À la fin du XIXème, y nait la légende des Apaches et de Casque d'or, les mauvais garçons de Belleville et les filles de joie. Le XXème conserve quelques traces d'une activité industrieuse révolue, quelques courettes artisanales dissimulées au regard, manufactures réhabilitées et habitat populaire traditionnel, maisonnettes agrémentées de jardins potagers, modestes immeubles faubouriens. 

L'action des promoteurs immobiliers au cours des années 1970 a profondément transformé le XXème arrondissement entre enjeux financiers et politiques. Défaire le lien humain, désamorcer les capacités d'engagement dans des quartiers historiquement militants et repousser les populations ouvrières vers la banlieue et la périphérie de la ville. L'ancien tissu urbain amputé par des choix radicaux a laissé place à de nouveaux quartiers exemples frappant de l'urbanisme sur dalle développé au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Les ZAC Saint Blaise à Charonne, les Amandiers à Ménilmontant, la place des Fêtes à Belleville rendent compte de cette évolution, démolition de l'habitat traditionnel pour construire des ensembles immobiliers marqués par le béton. Les quelques confettis préservés de l'appétit des spéculateurs conservent le souvenir des anciennes communes, le bourg de Belleville, le hameau de Ménilmontant, le village de Charonne. La mobilisation des riverains et les associations de quartier ont sauvé ces enclaves nostalgiques. Le passé vit encore dans les images de Willy Ronis. 

La rédaction vous emmène découvrir le XXème arrondissement de Paris en vingt étapes patrimoniales sélectionnées par nos journalistes.





1/ Place du Guignier - Paris 20
Métro Jourdain ligne 11

La place du Guignier illustre l’atmosphère de joli village d’un certain Ménilmontant préservé. Ce lieu hors du temps déploie les charmes d’un décor idéal, coquettes bâtisses aux couleurs pastel, glycines foisonnantes, arbres soignés. Anciens réverbères et bancs propices à la rêverie complètent la mise en scène. La rue du Guignier existait déjà en 1812 bien avant la place. Elle hérité son nom d’un ancien verger de cerisiers sauvages, les guigniers. Ouverte en 1843 sous l’appellation de passage du Guignier, la future place est classée par décret dans la voirie parisienne le 23 mai 1863. A l’occasion d'une jonction de la rue des Pyrénées sur le tronçon de l'ancienne rue de Puebla, les immeubles du côté impair du passage sont démolis. Le triangle formé par ses percées devient une place par arrêté du 1er février 1877, dont la dénomination actuelle est entérinée également par décret le 7 décembre 1883. La place du Guignier se distingue grâce à la présence d’un édicule en pierre du service des égouts de Paris, réseau parallèle aux Eaux de Belleville. Deux fois par semaine, un marché y prend ses quartiers.




2/ Cité Leroy
Accès 313-315 rue des Pyrénées ou par la villa de l'Ermitage - Paris 20
Métro Jourdain ligne 11

La Cité Leroy est une pépite d'un autre temps. Entre Ménilmontant et la rue des Pyrénées, subsistent les dernières ruelles du village originel. Alignement incertain, maisonnettes agrémentées de jardinets, ateliers divers, ces lieux insolites entretiennent la mémoire d'un Paris disparu. La typographie singulière est caractéristique d'un mode de développement urbain plus ou moins anarchique qui ouvrira la voie à la spéculation immobilière. La configuration actuelle des cités et villas préservées renvoie au type parcellaire de la fin du XIXème siècle, début du XXème. Menacée à de multiples reprises par des projets d'urbanisme, la Cité Leroy, singulière petite impasse, a survécu grâce à l'engagement au long cours de ses habitants mobilisés au sein de l'association Cité Leroy. Afin de protéger le paysage urbain du quartier, les habitants ont mené un combat pendant près de dix ans sauvant le caractère typique de la cité. 




3/ Villa de l'Ermitage
Accès : 14/16 rue de l’Ermitage et 313 rue des Pyrénées - Paris 20
Métro Jourdain ligne 11

La Villa de l'Ermitage, voie privée bucolique, sinue du 14/16 rue de l’Ermitage au 313 rue des Pyrénées. A cette extrémité, elle rejoint en bifurcation la cité Leroy. La venelle serpente joyeusement sur 150 mètres ne dépassant jamais les 5 mètres de large. Petites maisons de ville, pavillons, ateliers d’artistes bordés de jardinets et de courettes, les constructions hétéroclites pleines de charme se distinguent par leurs portails en fer forgé ouvragés, des volets colorés et la végétation entretenue avec soin par les riverains. Palmiers, glycines, lilas, rosiers, vignes vierges, magnolias, cerisiers verdoient toute l’année et s’épanouissent en gerbe de fleurs au gré des saisons. Ce havre de paix, paradis des chats, a préservé un esprit bohème et populaire malgré l’exceptionnel cadre de vie susceptible d‘attirer des habitants moins liants.




4/ Place Henri Krasucki 
Métro Jourdain ligne 11

La place Henri Krasucki, à Ménilmontant, conserve un charme champêtre délicieusement provincial malgré la radicale transformation du quartier de Casque d'or et des Apaches dans les années 1970. Au carrefour des rues des Cascades, de la Mare, Levert, des Couronnes, un arbre robuste marque le centre du rond-point. Des cafés dans leur jus, une boulangerie au décor classé de 1910, un bistrot littéraire, un mur de street art, une école primaire, des associations et l'une des rares volées d'escaliers rescapées de Belleville, tout ici est question d'atmosphère. Curiosité invisible, sous la chaussée, se trouve le regard des Cascades, situé entre le 84 et le 91 rue des Cascades et la place Henri Krasucki, élément de l'ancien réseau des Eaux de Belleville, alimenté par les eaux de ruissellement et l'aqueduc du même nom.




5/ Immeuble néogothique
19 rue de l'Ermitage - paris 20
Métro Jourdain ligne 11

Au 19 rue de l'Ermitage, une maison de style néogothique s'invite dans un ensemble où les constructions faubouriennes modestes côtoient les expressions contemporaines de l'architecture à bon marché. Incongru dans le quartier populaire de Ménilmontant, le petit immeuble de trois étages possède néanmoins un frère pas très loin, au 70 rue des Cascades. En effet, le style néogothique, développé en France au XIXème siècle, serait plutôt l'apanage des quartiers de l'Est parisien, la Plaine Monceau, Auteuil et Passy, quartiers urbanisés tardivement. Dans ces nouveaux arrondissements, fruits de l'annexion des communes limitrophes au territoire de Paris en 1860, les nouvelles fortunes du XIXème siècle font édifier des hôtels particuliers, manifestation d'une certaine fantaisie. Bourgeoisie issue de l'industrie, de la banque, artistes variés, peintres à la mode, sculpteurs académiques, comédiennes et chanteuses lyriques, ou même grandes hétaïres, cette clientèle aisée prise le style troubadour, expression d'un intérêt inédit pour l'imaginaire médiéval idéalisé.




6/ Regard Saint Martin 
42 rue des Cascades - Paris 20
Métro Jourdain ligne 11

Le Regard Saint Martin marque le débouché de la rue de Savies sur la rue des Cascades. Situé au 42 de cette dernière, l’édicule de pierre appartient au réseau d’alimentation en eau potable mis en place par le Prieuré de Saint Martin des Champs au cours des XIIème et XIIIème siècles. L’ouvrage se situait alors à l’intersection du parcours de décantation et de distribution d’une galerie souterraine longue de cent-trente mètres qui courrait depuis le captage principal place du Guignier, jusqu’à ce carrefour. Aujourd’hui, à peine une quinzaine de mètres demeure. Le Regard Saint Martin permettait d’accéder aux canalisations afin d’en assurer la maintenance et de contrôler la qualité de l’eau. L’inscription gravée au fronton de l’édifice indique deux restaurations. La première, véritable réhabilitation en 1633, lui a rendu sa fonction originale après trente années d’abandon. La seconde est signalée en 1722. Une marque à gauche de la porte suggère une troisième intervention en 1804 alors que l’exploitation semble avoir été délaissée dès la fin du XVIIIème siècle. Le souvenir de deux écussons sculptés hante encore la façade. Le relief à gauche illisible d’usure représenterait selon les sources anciennes Saint Martin. L’autre à droite entièrement martelé, les armes de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem, ordre des Hospitaliers du Temple. Témoin remarquable des systèmes urbains d’approvisionnement en eau au Moyen-Âge, le Regard de Saint Martin a fait l’objet d’un classement aux Monuments historiques le 4 novembre 1899. Arrêté annulé et remplacé par le classement des Eaux de Belleville comme un ensemble le 6 février 2006.




7/ Rue Fernand Raynaud et jardin des Petites Rigoles
47 rue de l'Ermitage / 42 rue des Cascades - Paris 20
Métro Jourdain ligne 11

La rue Fernand Raynaud, double volée d'escaliers, embrasse le relief particulier de la colline de Belleville. Longue de vingt-neuf mètres, elle court de la rue de l'Ermitage à la rue des Cascades et dessert le jardin des Petites Rigoles ouvert en 2019. Un temps désignée comme la voie U/20, la ruelle escarpée rend hommage à l'humoriste auvergnat, Fernand Raynaud (1925-1973), depuis l'arrêté municipal du 31 janvier 1994. Ces marches épousant le fort dénivelé entretiennent la mémoire de l'ancien Ménilmontant. Les nombreux escaliers qui permettaient de sillonner la colline, à l'instar des rues de Montmartre, ont en grande partie disparu lors de la transformation de Belleville dans les années 1960-70.





8/ Cité de l'Ermitage
Accès 113 rue de Ménilmontant - Paris 20
Métro Ménilmontant ligne 2, Jourdain Ligne 11

Le prolongement de la rue de l’Ermitage en 1867 jusqu’à la rue des Rigoles puis jusqu’à la rue Olivier Métra a permis la création de nombreux passages insolites dont la Cité de l’Ermitage. Elle a reçu cette dénomination en 1981 en souvenir de ses origines. Au numéro 3, une bâtisse récente, immeuble impersonnel de trois étages a remplacé la plus ancienne maison de la cité. Mais il suffit de faire quelques pas plus avant pour retrouver le charme bucolique des pavillons individuels conservés en l’état ou divisés en plusieurs appartements. Jardins envahis d’herbes folles et de fleurs des champs, rosiers savamment entretenus, la nature fait une belle incursion en pleine ville à quelques mètres de la très urbaine rue de Ménilmontant. La Cité de l’Ermitage qui se termine en impasse débute au 113. La Cité de l’Ermitage a conservé son cachet populaire qui se manifeste par une certaine patine du temps. 




9/ Rue Laurence-Savart
Accès par le 19 rue du Retrait et le 16 rue Boyer - Paris 20
Métro Gambetta ligne 3, Ménilmontant ligne 2

Délicieuse venelle pentue dont les pavés miroitent au soleil, la rue Laurence-Savart évoque avec poésie le Ménilmontant de Willy Ronis, un voyage dans le temps pour une atmosphère de coquet village. A deux pas de la Bellevilloise, la Maroquinerie et du Théâtre de Ménilmontant, la vie de quartier y est culturelle et animée. La plupart des façades et des petites maisons ayant été préservées, elle a conservé son caractère original, sa belle perspective à peine dénaturée par quelques constructions plus récentes et cette lumière singulière des petites rues bordées d’immeubles bas. Verdoyante, abondamment fleurie par les riverains, large d’à peine 10 mètres, elle prend naissance au 19 rue du Retrait et dévale joyeusement sur 153 mètres de longueur jusqu’au 16 rue Boyer. Ouverte vers 1875 sur le tracé d’anciennes carrières comme souvent à Ménilmontant, elle s’appelait alors passage Laurence-Savart. Elle porte le nom de la fille du propriétaire du terrain qui a fait percer la voie, un viticulteur également entrepreneur Pierre-Claude Savart.




10/ Villa Olivier Métra
Accès par le 28 rue Olivier Métra - Paris 20
Métro : Place des Fêtes lignes 7bis et 2 ou Télégraphe ligne 11

La villa Olivier Métra, curiosité charmante, illustre les incongruités parisiennes en matière d’architecture et d’occupation des sols. La découvrir se mérite. Au hasard des flâneries parisiennes, cette pépite colorée joue à cache-cache avec les promeneurs. La petite impasse débute au 28 de la rue Olivier Métra et passerait presque inaperçue tant elle est étroite - 5 mètres de large. Percée en 1906, sur une ancienne parcelle de vigne de 180 mètres de long sur 15 mètres de large qui appartenait au Couvent des Moines de Picpus dissout durant la Révolution. Cet opulent ordre religieux fondé en 1698 possédait de nombreux terrains où prospéraient vergers, potagers et vignobles. Il était également l’un des responsables des Eaux de Belleville.




11/ Villa Borrégo 
Accès 33 rue Borrégo - Paris 20
Métro Télégraphe ligne 11

La Villa Borrégo, étroite venelle percée en 1909, trottine en pente douce sur les hauteurs du quartier Saint-Fargeau. Voie privée ouverte à la circulation par arrêté du 23 juin 1959, son exiguïté assure sa discrétion et semble être la clé de sa quiétude heureuse. A l’origine bordée par un habitat ouvrier typique du début du XXème siècle, la Villa Borrégo déploie une joliesse sans prétention exempte d’architecture somptuaire. Pierre de meulière, briques rouges, balcons en fer forgé, les façades charmantes envahies par le lierre souligne la préciosité des jardinets amoureusement entretenus. Longue d’à peine 52 mètres et large de trois, la ruelle se hisse avant de s’achever en impasse jusqu’à un escalier escarpé. Plongé dans un bouillonnement de verdure, il dissimule l’accès à une invisible maison, d’autant plus intrigante.




12/ Église Notre Dame des Otages
81 rue Haxo - Paris 20
Horaires d’accueil : tous les jours de 8h à 10h
Métro Télégraphe ligne 11

L’église Notre Dame des Otages célèbre la mémoire des otages exécutés lors de la Semaine Sanglante de la Commune de Paris. Le 26 mai 1871, cinquante-et-un prisonniers sont transférés par les Communards depuis la prison de la Roquette au 85 rue Haxo. Onze ecclésiastiques parmi lesquels Pierre Olivaint, prêtre jésuite français, éducateur, travailleur social fondateur d’une « Société de jeunes gens », trente-six gardes et gendarmes versaillais et quatre civils sont fusillés. La plaque commémorative mentionne cinquante-deux victimes. Aujourd’hui, l’église Notre Dame des Otages, lieu de culte, ouvrage Art déco d’une épure architecturale intéressante est aussi un lieu de mémoire. A l’arrière, un monument hommage aux fusillés de 1871 a été placé dans la cour. Il s’y trouve également l’une des portes de la prison de la Roquette et un pan de mur devant lequel s’est tenue l’exécution.  




13/ Rue Taclet et villa Georgina - Paris 20
Accès rue Taclet, 26 rue de la Duée / 119bis-121 rue Pelleport - Paris 20
Accès Villa Georgina, 9 rue Taclet / 36 rue de la Duée - Paris 20
Métro Télégraphe ligne 11

La rue Taclet et la villa Georgina forment une boucle champêtre au cœur d’un quartier marqué par la verticalité minérale des tours sur dalle. Ce lotissement délicieux, incursion de nature dans un ensemble sans charme, illustre les différences de proportions entre l’ancien tissu urbain et le bâti de la fin du XXème siècle. Les deux ruelles bordées de maisons ouvrières datant de la deuxième moitié du XIXème siècle s’échappent depuis les rives de la rue de la Duée, ancien sentier indiqué sur le plan de 1672. Elles rappellent le tracé des étroits sentiers et autres chemins de campagne des vieux hameaux de Belleville et Charonne. Rattachées à Paris en 1860, ces communes s’étaient développées autour de terres maraîchères et de vignobles. Les parcelles par leur forme allongées conservent encore la trace de cette activité agricole. Entre deux citadelles de béton, le décor charmant de la rue Taclet et de la villa Georgina, rappelle l’authenticité d’un Paris disparu dont les photographies de Willy Ronis préservent jalousement la mémoire. Au fil de cette enclave verdoyante, la poésie en noir et blanc de ces images reprend des couleurs. Il devient plus aisé de se remémorer l’atmosphère du vieux Ménilmontant, les cours d’artisans, les ruelles étroites parcourues d’escaliers.




14/ Passage des Soupirs
47 bis rue de la Chine - 244 rue des Pyrénées - Paris 20
Métro Gambetta ligne 3

A quelques encablures de la place Gambetta, quartier populaire très animé, existe l’un de ces nombreux secrets préservés si typiques du XXème, un charmant passage champêtre, insolite ilot de quiétude où les oiseaux et les chats sont rois. Venelle pavée bordée d’habitations, le passage des Soupirs porte un nom énigmatique des plus évocateurs, entre extase et désolation qui laisse planer le mystère. Et si le Pont des Soupirs renvoie à ceux des amants, le romantisme de cette allée verdoyante indiquée à l’état de sentier sur le plan cadastral de la commune de Belleville dressé en 1812, bien avant l'annexion des villages périphériques au territoire de la capitale en 1860, pourrait bien prêter à quelques émotions tendres.




15/ Fontaine de la place Gambetta
Métro Gambetta lignes 3 et 3bis

La fontaine de la place Gambetta, création monumentale de verre et d’acier, a été aménagée au centre du rond-point en 1992, juste en face de la mairie du XXème arrondissement. Enserrée dans un bassin circulaire en pierre de 15 mètres de diamètre, la fontaine dresse vers le ciel une imposante structure qui, effet d’optique et transparence de la matière, disparaît presque au soleil. Le squelette métallique soutient des lames de verre affûtées, blocs de verre taillés évoquent les formes baroques et acérées des cristaux de collection. La conception originelle évoque le jaillissement d’un geyser. Si en dix ans, je ne l’ai jamais vue en eau, les jets sont néanmoins supposés s’élever à plus de 5 mètres de hauteur. Illuminée la nuit, l’esthétique particulière de la fontaine prend toute son ampleur en révélant les détails d’une découpe tranchante. La fontaine de la place Gambetta est l’oeuvre conjointe de l’architecte Alfred Gindre, du maître-verrier Jean-Louis Rousselet et du plasticien Jean Dixmier, auteur notamment de la sculpture intitulée Mélusine qui orne le jardin du presbytère de la commune de Ferré en Bretagne ainsi que les décors du clocher de l’église de La Salle en Beaumont en Isère.




16/ La Campagne à Paris 
Accès depuis la place Octave Chanute ou la rue du Lieutenant Chauré ou encore la rue du Capitaine Ferber - Délimitée par le boulevard Mortier, la rue du Capitaine Ferber et la rue Géo Chavez - Paris 20
Métro Porte de Bagnolet ligne 3

La Campagne à Paris, lotissement créé entre 1907 et 1928, baigne dans une quiétude rare. Isolé de la ville par sa géographie légèrement surélevée, ce quartier confetti est l’une de ces jolies surprises insolites dont la Capitale a le secret. Pavillons de ville abondamment fleuris, calmes allées où prospèrent glycines vénérables, rosiers opulents, passiflores somptueuses, lilas, jardinets arborés, le temps suspend son vol au cours d’un bel après-midi d’été. La Campagne à Paris se compose de trois rues principales, les rues Paul Strauss, Irénée Blanc et Jules Siegfried et quatre venelles parées d’escaliers permettant une ascension de la petite butte n’ayant pris de nom qu’en 1994, la rue Georges Perec, la rue Père Prosper Enfantin et la rue Camille Bombois.




17/ Passage Perreur accès 40 rue du Capitaine Marchal et 21 rue de la Dhuis - Paris 20
Villa Perreur accès 22 rue de la Dhuis - Paris 20
Métro Pelleport ligne 3 bis

A proximité de la Campagne à Paris dont je vous parlais ici nombreuses se trouvent un ensemble des ruelles et de villas où règne un calme champêtre, dépaysant en plein cœur de la Capitale. Autant d’opportunités pour le flâneur amoureux de Paris mais également épris de quiétude pour se laisser aller à la rêverie en arpentant ces venelles verdoyantes, échappés belles loin des assauts sonores et mondains de la ville. Le quartier de Saint-Fargeau regorge de surprises. Au-delà de la rue de la Dhuis, la jolie Villa Perreur se terminant en impasse prolonge le passage éponyme. Ils doivent leur nom au propriétaire du terrain sur lequel a été tracé le passage. Ces deux venelles se trouvent à deux pas de la rue Montiboeufs qui longeait la carrière de gypse du père Roussel, béante lors de l’annexion de Charonne à Paris en 1860 puis comblée par les gravas des avenues de la République et de Gambetta. Le passage Perreur se niche juste au pied de la butte formée à cette époque où s’épanouit désormais le village de la Campagne à Paris.




18/ Cimetière du Père Lachaise
Entrée principale : 8 boulevard de Ménilmontant - Paris 20
Horaires d’ouverture :
- De novembre à mi-mars : du lundi au vendredi de 8h à 17h30 - le samedi de 8h30 à 17h30 - le dimanche et les jours fériés de 9h à 17h30 
- De mi-mars à octobre : du lundi au vendredi de 8h à 18h - le samedi de 8h30 à 18h - le dimanche et les jours fériés de 9h à 18h 
pere-lachaise.com
Métro Père Lachaise lignes 2 et 3, Alexandre Dumas ligne 2

Le cimetière du Père Lachaise, l’une des nécropoles les plus célèbres au monde, est devenu un lieu parisien emblématique. La beauté de cette promenade unique à travers les allées verdoyantes, riches en architecture et œuvres d’art commémoratives, ne doit pas faire oublier aux près de trois millions et demi de visiteurs chaque année qu’il s’agit d’un lieu de sépulture en activité. 3000 cérémonies funéraires s’y déroulent par an. A chacun d’en préserver la quiétude propice au recueillement et de respecter le sommeil éternel des défunts. Le Père Lachaise s’étend sur près de 44 hectares ce qui en fait le plus grand espace vert de la Capitale. De nos jours, 70 000 concessions et 26 000 cases du columbarium abritent les sépultures de personnalités majeures des arts, des sciences, de la politique ainsi que des milliers d’anonymes.




19/ Porche ancienne fabrique Pellissier Jonas & Rivet
49 rue de Bagnolet - Paris 20
Métro Alexandre Dumas ligne 2

Au numéro 49 de la rue de Bagnolet, un porche de pierre dont le fronton frappé de lettres rouges annonce « Maison Pellissier Jonas & Rivet, fondée en 1847 - Paris - New York », rappelle l’existence d’une ancienne fabrique disparue, vestige émouvant du Paris industrieux. A la fin du XIXème siècle, deux entreprises de l’Est parisien se spécialisent en « coupe de poils de lapin » : Chapal à Montreuil et Pellissier Jeunes & Rivet rue de Bagnolet. Dans les ateliers, le poil animal est traité grâce à des procédés chimique afin d’être amalgamé sous la forme de feutre destiné à la chapellerie. La demande de matière première employée dans la confection des chapeaux est alors très importante. En 1871, Pellissier père originaire du Puy-de-Dôme, implante un atelier en 1871 rue de Bagnolet. C’est le début d’un succès qui prend fin en 1958.




20/ Rue des Vignoles
Du 50 boulevard de Charonne au 44 rue des Orteaux - Paris 20
Métro Avron ligne 2

La rue des Vignoles, établie sur les traces d'un vieux sentier rural de l'ancienne commune de Charonne, a conservé un certain charme villageois malgré de nombreuses réhabilitations. En façade sur rue, l'architecture simple des anciens faubourgs se mêle avec bonne intelligence aux nouvelles maisons d'architecte. Mais ce qui fait sa particularité, ce sont les nombreux passages et impasses, une quinzaine au total, disposés perpendiculairement à la voie. Ce tissu urbain original hérité d'une tradition ouvrière et artisanale du XIXème siècle doit la singularité de son parcellaire à l'histoire du quartier qui est intimement liée à la vigne. Pavillonnaire très serré, courettes privées, persistance d'une activité artisanale et d'ateliers d'artistes, ces impasses surprennent par leur étroitesse, une composition d'un autre temps. Lorsque la réhabilitation n'a pas été possible, elles ont été entièrement réinventées par la modernité tout en respectant l'identité du bâti. Le micro-quartier écologique Eden Bio dont les immeubles contemporains relativement bas se fondent dans la typologie du paysage originel est un bel exemple de ce processus. Petite histoire de la rue des Vignoles et grand récit de la transformation de Paris.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.