Paris : Cimetière du Père Lachaise, nécropole parisienne emblématique, lieu de promenade et de recueillement - XXème



Le cimetière du Père Lachaise, l’une des nécropoles les plus célèbres au monde, est devenu un lieu parisien emblématique. La beauté de cette promenade unique à travers les allées verdoyantes, riches en architecture et œuvres d’art commémoratives, ne doit pas faire oublier aux près de trois millions et demi de visiteurs chaque année qu’il s’agit d’un lieu de sépulture en activité. 3000 cérémonies funéraires s’y déroulent par an. A chacun d’en préserver la quiétude propice au recueillement et de respecter le sommeil éternel des défunts. Le Père Lachaise s’étend sur près de 44 hectares ce qui en fait le plus grand espace vert de la Capitale. De nos jours, 70 000 concessions et 26 000 cases du columbarium abritent les sépultures de personnalités majeures des arts, des sciences, de la politique ainsi que des milliers d’anonymes. 












Au Moyen-Âge, sur la colline de la paroisse de Charonne s’étend le lieu-dit de Champ-l’Evêque où l’évêque de Paris possède un pressoir et des terres cultivées. En 1386, un riche marchand, Regnault de Wandonne y fait construire une maison de campagne, l’une de ces folies dont le souvenir perdure de nos jours, avec l’appellation de la rue de la Folie Regnault. Au fil du temps, les parcelles changent de main à de nombreuses reprises.

Marie L’Huillier qui agit pour le compte du très puissant ordre des Jésuites de Saint Louis se porte acquéreur des terrains en 1626. La colline prend alors le nom de Mont-Louis. Les religieux y font construire un ensemble de bâtiment, lieu de retraite et de convalescence pour les membres de la congrégation. En 1675, l’un de ces religieux, François d’Aix de La Chaise (1624-1709), devient le confesseur du roi, fonction prestigieuse qu’il exerce durant trente-quatre ans  presque jusqu’à sa dernière heure. Il jouera de son influence modératrice sur le roi dans la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 et dans la lutte engagée par le souverain contre le jansénisme. Le Père La Chaise réside au Mont-Louis où il laisse un profond souvenir. En 1762, le domaine est vendu par adjudication pour couvrir les dettes laissées par les Jésuites. Les terrains du Mont-Louis sont morcelés et dispersés.











A la fin du XVIIIème siècle, une vaste campagne de réflexion est menée sur les modalités d’inhumation en ville. L’insalubrité du cimetière des Innocents en plein cœur de Paris occasionne sa fermeture le 1er décembre 1780. Avec l’augmentation de la population urbaine, les cimetières intramuros débordent littéralement. Pour des raisons d’hygiène, il est nécessaire de les déplacer hors les murs. Le décret interdisant les inhumations en ville engendre un manque de lieux de sépulture. 

Le 21 février 1801 le préfet de la Seine Nicolas Frochot valide la création de trois nouveaux cimetières au nord, cimetière de Montmartre, au sud, cimetière du Montparnasse, ainsi qu’à l’est. Les 17 hectares du Mont-Louis sont rassemblés et acquis pour le compte de la ville afin d’y établir la grande nécropole de l’est, rebaptisée par les riverains Père La Chaise puis Père Lachaise. En 1804, le décret impérial sur les sépultures valide définitivement l’interdiction d’inhumation dans les églises et les cimetières intramuros. 

Le Père Lachaise est ouvert le 21 mai 1804. La première personne à figurer dans le registre des inhumations dans une sépulture individuelle, est une fillette de 5 ans, Adélaïde Paillard de Villeneuve, fille d’un porte-sonnette du faubourg Saint Antoine, mise en terre le 4 juin 1804.











Si le cimetière en activité dès 1804, il faut attendre l’intervention d’Alexandre-Théodore Brongniart (1739-1813), Inspecteur des Bâtiments de la Seine, pour qu’il prenne sa dimension moderne. Il imagine une nécropole qui serait à la fois lieu de sépulture fonctionnel et parc propice à la promenade comme au recueillement. Brongniart conserve l’allée des Tilleuls de la propriété originelle et dessine les grands axes sous la forme d’un jardin à l’anglaise avec bouquets d’arbres, allées sinueuses, bosquets divers et fabriques d’inspiration variée. Il compose lui-même certains modèles de tombeaux. Il réalise ceux de l’abbé Delille et de la famille Greffühle. 

Le nouveau cimetière rencontre peu de succès à ses débuts. Hors de Paris, dans un quartier réputé populaire, il ne compte que 635 inhumations en 1815. L’année suivante, le préfet de la Seine a l’idée de faire déplacer le tombeau d’Héloïse et Abélard ainsi que les restes supposés de Molière et La Fontaine au Père Lachaise. La publicité est telle qu’elle entraîne la création de 2000 monuments supplémentaires. 

La réputation du Père Lachaise croît du fait de sa beauté mais également du prestige de ses occupants. Les riches familles rivalisent de fastes afin d’accéder à la gloire par-delà la tombe. De nombreux architectes et artistes interviennent durant la seconde moitié du XIXème siècle. Il s’y trouve encore des œuvres de Viollet-le-Duc, Perrier et Fontaine, Charles Garnier, Hector Guimard, Léon Vaudoyer, Gabriel Davioud. Les dernières demeures somptuaires des puissants incarnent les egos. Au fil de la promenade, on croise des palais néoclassiques, gothiques, haussmanniens, pyramides et obélisques de l’Egypte ancienne, temples grecs et romains, parcourus de signes pléthoriques. En 1830, le Père Lachaise compte 33 000 tombes. Le cimetière est agrandi à cinq reprises. Les extensions successives repoussent les limites primitives jusqu’à atteindre la forme actuelle de 44 hectares en 1850. 










En 1894, débutent les travaux du columbarium. Le crématorium est conçu en 1886 par Jean Camille Formigé. La chapelle de style néo-byzantin et quatre ailes est surmonté d’un vaste dôme de brique et de grès, de trois petites demi-coupoles et de deux cheminées. Dans les années 1920 dôme décoré de vitraux par Carl Mauméjean. 

Au Père Lachaise, lieu de tous les imaginaires, croyances et superstitions peuplent les allées. Longtemps les traces de rouge à lèvres ont marqué le monument funéraire d’Oscar Wilde. Ce sphinx ailé de Jacob Epstein réalisé entre 1911 et 1914 a été commandé par Helen Carew une admiratrice éplorée. Il a été restauré en 2011 et depuis demeure derrière ces plaques de plexiglass inaccessible aux baisers. Les paquets de cigarettes et les bouteilles de whisky se multiplient sur la tombe de Jim Morrison. Le corps de Frédéric Chopin repose sans son cœur, qui est conservé dans du cognac dans l’église Sainte Croix de Varsovie. Le gisant de Victor Noir, jeune journaliste tué lors d’une altercation par le neveu de Napoléon III, oeuvre de Jules Dallou, apporterait la fertilité aux femmes. 









Les amoureux des belles lettres viennent rendre hommage à Marcel Proust, Honoré de Balzac, Colette, Guillaume Apollinaire, Alfred de Musset, Molière et La Fontaine, Paul Eluard. Les artistes à Jean Auguste Dominique Ingres, Eugène Delacroix, Arman, Amadeo Modigliani et Jeanne, Corot, Jacques Louis David, Théodore Géricault, Marie Laurencin, Max Ernst. Tandis que les mélomanes mélancoliques se penchent sur les dernières demeures de Georges Bizet, Alain Bashung, Edith Piaf, Yves Montand, Francis Poulenc, Vincenzo Bellini, Gioacchino Rossini. Au gré des pérégrinations, on croise Jean-François Champollion, Félix Faure, Ledru-Rollin, le baron Haussmann, Pierre Bourdieu, Georges Méliès, Pierre Desproges, Max Ophüls, Nadar…

Père Lachaise
Entrée principale : 8 boulevard de Ménilmontant - Paris 20
Horaires d’ouverture :
- De novembre à mi-mars : du lundi au vendredi de 8h à 17h30 - le samedi de 8h30 à 17h30 - le dimanche et les jours fériés de 9h à 17h30 
- De mi-mars à octobre : du lundi au vendredi de 8h à 18h - le samedi de 8h30 à 18h - le dimanche et les jours fériés de 9h à 18h 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 20è arrondissement - Anne-Marie Dubois - Parigramme

Sites référents