Au numéro 49 de la rue de Bagnolet, un porche de pierre dont le fronton frappé de lettres rouges annonce « Maison Pellissier Jonas & Rivet, fondée en 1847 - Paris - New York », rappelle l’existence d’une ancienne fabrique disparue, vestige émouvant du Paris industrieux. A la fin du XIXème siècle, deux entreprises de l’Est parisien se spécialisent en « coupe de poils de lapin » : Chapal à Montreuil et Pellissier Jeunes & Rivet rue de Bagnolet. Dans les ateliers, le poil animal est traité grâce à des procédés chimique afin d’être amalgamé sous la forme de feutre destiné à la chapellerie. La demande de matière première employée dans la confection des chapeaux est alors très importante. En 1871, Pellissier père originaire du Puy-de-Dôme, implante un atelier en 1871 rue de Bagnolet. C’est le début d’un succès.
Au cours des années 1870, François Rivet, jeune cousin des Pellissier, ouvrier spécialisé sur des machines à vapeur, s’initie au négoce du poil de lapin. Il offre parfois ses services à l’usine de son parent comme formateur. En 1881, il s’installe à Paris où il créé sa propre entreprise avec son beau-frère Michel Liandier. Visionnaire, il s’intéresse au marché américain et cherche à diffuser ses produits aux Etats-Unis. Le projet tourne court.
En 1891, associé avec ses cousins Antoine et Jean, les Pellissier Jeunes, François Rivet traverse l’Atlantique pour fonder une branche américaine de la maison familiale. A Brooklyn, il fonde une usine qui se développe rapidement. La fortune lui sourit. Les affaires prennent de l’ampleur. Auréolé de ce succès, il rentre en France en 1905.
La maison Pellissier Jonas & Rivet connaît une ère faste au début du siècle. Elle dépose des brevets innovants, notamment un nouveau procédé de carottage pour la fourrure. Lors du processus de transformation du poil en feutre, la solution de mercure hautement toxique dont les vapeurs rendaient fous les ouvriers - d’où le personnage iconique du chapelier toqué - est remplacée par une combinaison d’acides. Fortune faite, Pellissier investit dans la pierre. En 1904, il commande l’édification d’un premier immeuble avenue du Trône puis un second en 1910, sur la très chic avenue de la Bourdonnais.
1900 A gauche entrée de l'atelier de Pellissier jeunes et Rivet A droite Marchand de vins et liqueurs Rivet - Collection Rivet-Chauvard |
1900 Entrée de l'atelier - Collection Chauvard-Rivet |
1930 Entrée de l'atelier parisien - Collection Rivet-Chauvard |
1930 Atelier de coupe parisien - Collection Rivet-Chauvard |
1930 Entrepôt, stockage des peaux - Collection Rivet-Chauvard |
Au début des années 1910, Louis August Jonas, associé américain, prend la direction de la branche new-yorkaise. La Maison devient Pellissier Jonas & Rivet. Son fils, George Edward Jonas dit Freddie Jonas, lui succède en 1915. A partir des années 1930, ce philanthrope consacre une partie de sa fortune à aider la jeunesse, par le biais de sa Fondation Louis August Jonas et du Camp Rising Sun. Durant l’entre-deux-guerres, les filiales américaine et française se séparent. Pellissier et Rivet conservent néanmoins des parts dans l’entreprise Jonas.
Des années 1930 jusqu’à la fin des années 1950, André Chauvard, petit-fils de François Rivet, prend la tête de l’entreprise parisienne. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la Maison Pellissier Jonas & Rivet peine à reprendre son négoce. L’évolution du marché ne lui est pas favorable. La situation économique difficile plombe le commerce. Le développement des matières synthétiques et la désaffection pour la mode du chapeau achèvent les affaires. La dernière usine américaine située à Walden dans l’Etat de New York est mise en vente en 1953. La branche parisienne ferme ses portes en 1958.
Cet article a été réalisé grâce aux informations précieuses fournies par le journaliste Denis Cosnard dans des articles dont vous trouverez les liens dans la liste des sites référents, ainsi que le travail d’un descendant de la famille Rivet, arrière-petit-fils de Françoise Rivet, Jean-François Chauvard historien.
Porche ancienne fabrique Pellissier Jonas & RivetLa fabrique de Paris, le blog de Denis Cosnard
Le Monde - Paris redécouvre son patrimoine industriel - Article de Denis Cosnard
Eloignement géographique et cohésion familiale : XVe-XXe siècle - Jean-François Chauvard, Christine Lebeau (dir.) - Presses universitaires de Strasbourg
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