Paris : Villa de l'Ermitage, nostalgie heureuse entre Belleville et Ménilmontant - XXème



La Villa de l'Ermitage, voie privée bucolique, sinue du 14/16 rue de l’Ermitage au 313 rue des Pyrénées. A cette extrémité, elle rejoint en bifurcation la cité Leroy. La venelle serpente joyeusement sur 150 mètres ne dépassant jamais les 5 mètres de large. Petites maisons de ville, pavillons, ateliers d’artistes bordés de jardinets et de courettes, les constructions hétéroclites pleines de charme se distinguent par leurs portails en fer forgé ouvragés, des volets colorés et la végétation entretenue avec soin par les riverains. Palmiers, glycines, lilas, rosiers, vignes vierges, magnolias, cerisiers verdoient toute l’année et s’épanouissent en gerbe de fleurs au gré des saisons. Ce havre de paix, paradis des chats, a préservé un esprit bohème et populaire malgré l’exceptionnel cadre de vie susceptible d‘attirer des habitants moins liants.










A leur annexion par la ville de Paris en 1860, Belleville est un gros bourg, Ménilmontant un village et Charonne un hameau de campagne. De leur essence rurale, anciennes terres maraîchères, vignobles, il ne reste alors que peu de choses, l’industrialisation galopante dès 1825 ayant peu à peu modifié le paysage. Les carrières de gypse avaient jusqu’alors permis le développement d’une première forme d’industrie avant l’apparition des premières manufactures sur le plateau. Paysans et vignerons sont remplacés par des artisans, des commerçants et les ouvriers des usines. Le début des grands bouleversements et de l’évolution perpétuelle qui a marqué ce quartier.

Sous le Second Empire, si les grands travaux du préfet Haussmann donnent un nouveau visage plus net à Paris, Belleville échappe à cette logique de construction. Sans plan d’urbanisme, des bâtiments sont dressés en suivant vaguement les rues et les chemins préexistants. Villas, cités côtoient immeubles de rapport, entrepôts et ateliers. Ce développement anarchique donne des idées aux ancêtres des promoteurs qui se lancent déjà dans la spéculation. Dans les courtilles, les habitations rustiques sont dotées de jardins, potagers, petits vergers et les parisiens viennent profiter le dimanche du plaisir des guinguettes et des bals populaires, une tradition qui perdure jusqu’au début de la Première Guerre Mondiale.











Bicoques branlantes, échoppes d’artisans et bistrots auvergnats sont le symbole du vieux Belleville. Mais dès les années 70, le progrès en marche passe au bulldozer ces clichés nostalgiques, bétonnant allègrement les villages du XXème. Sous l’influence des promoteurs, le cadre populaire charmant disparaît peu à peu. Il est loin le temps des vignerons des coteaux de Belleville et des premiers ateliers industriels. La Villa de l’Ermitage est un confetti verdoyant, mémoire d’un quartier disparu célébré par les photographies de Willy Ronis. Passage parcellaire typique du début du siècle, à la limite de Ménilmontant, la villa est indiquée sur le cadastre de la commune de Belleville dès 1812. A partir de 1857, elle est réellement bâtie pour devenir une allée bordée d’habitations.

Les règles de construction sont plutôt souples au XIXème siècle. La Villa de l’Ermitage semble avoir bénéficié d’un statut et de contraintes particulières. Les maisons ne doivent pas dépasser 3 mètres de hauteur. Ateliers industriels, machines à vapeur y sont interdits pour en préserver le cadre. En 1877, un arrêté préfectoral réunit la Villa de l’Ermitage à une partie de l’ancien Passage de l’Est. Un théâtre et quelques bureaux, pas moins de cinq ateliers d’artistes dont celui de Daki à l’entrée duquel une sublime statue de bois intitulée Père et fils fait les hommages d’usage, la Villa de l’Ermitage respire une atmosphère de quiétude heureuse. 












Village champêtre au cœur du tissu urbain, sa survivance n’a pourtant pas été évidente attirant les égards des fameux promoteurs à cause de sa situation exceptionnelle. L’association de préservation Viva Villa de Villa l’Ermitage veille au grain. Pourvu que ça dure !

Villa de l’Ermitage
Accès : 14/16 rue de l’Ermitage et 313 rue des Pyrénées - Paris 20
Métro Jourdain ligne 11