Paris : 19 rue de l'Ermitage, une maison néogothique à Ménilmontant - XXème

 

Au 19 rue de l'Ermitage, une maison de style néogothique s'invite dans un ensemble où les constructions faubouriennes modestes côtoient les expressions contemporaines de l'architecture à bon marché. Incongru dans le quartier populaire de Ménilmontant, le petit immeuble de trois étages possède néanmoins un frère pas très loin, au 70 rue des Cascades. En effet, le style néogothique, développé en France au XIXème siècle, serait plutôt l'apanage des quartiers de l'Est parisien, la Plaine Monceau, Auteuil et Passy, quartiers urbanisés tardivement. Dans ces nouveaux arrondissements, fruits de l'annexion des communes limitrophes au territoire de Paris en 1860, les nouvelles fortunes du XIXème siècle font édifier des hôtels particuliers, manifestation d'une certaine fantaisie. Bourgeoisie issue de l'industrie, de la banque, artistes variés, peintres à la mode, sculpteurs académiques, comédiennes et chanteuses lyriques, ou même grandes hétaïres, cette clientèle aisée prise le style troubadour, expression d'un intérêt inédit pour l'imaginaire médiéval idéalisé.








Le style troubadour prend son essor, en France, sous l'Empire, en réaction à l'austérité néoclassique. Mouvement tout d'abord pictural, il traduit l'histoire en anecdotes, saynètes frappantes et symbolique. En précurseur du roman national, le peintre troubadour désigne des figures au destin romanesque et exemplaire susceptibles d'incarner la patrie. La Révolution a bousculé l'ordre de l'Ancien Régime et l'historicisme justifie une forme de tradition, de fil conducteur non rompu. Jeanne d'Arc, Héloïse et Abélard inspirent les artistes férus de Moyen-Âge. Fouilles archéologiques et patrimoine en péril, la période redécouverte au lendemain de la Révolution fait des émules. Le style néogothique anglais, né à la fin du XVIIIème siècle, le style allemand, diffusent leur influence à travers les arts décoratifs et l'architecture. 

Esthétique foisonnante, l'éclectisme revendiqué croise les références Renaissance aux motifs médiévaux. Dès les années 1820, le Romantisme s'empare des codes troubadours. Victor Hugo, Viollet-le-Duc, par exemple, s'approprient un imaginaire médiéval idéalisé. Celui-ci trouve son expression dans l'hybridation des caractéristiques. En architecture, l'utilisation de la brique redonne de la couleur aux façades. La profusion des ornementations, les tourelles, les balustrades sculptées, les portes en ogives, les ornements grotesques figures, confèrent une certaine complexité aux programmes décoratifs. 








Le style néogothique connait son apogée sous la Restauration, mais se prolonge sous Louis-Philippe. Des exemples parisiens tardifs éclairent un sursaut nouveau à la fin du XIXème siècle sous la Troisième République. Les règlements d'urbanisme imposés par Haussmann dans l'objectif d'homogénéiser le bâti, s'assouplissent alors. Au tournant du siècle, les commanditaires cèdent à leurs envies d'atmosphères théâtrales. L'avènement de l'Art Nouveau en témoigne. 

Immeuble néogothique
19 rue de l'Ermitage - Paris 20
Métro Jourdain ligne 11



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du promeneur 20è arrondissement - Anne-Marie Dubois - Parigramme
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages