Paris : Les 10 plus beaux immeubles Art Nouveau à Paris

 

Ville riche en réalisations architecturales Art Nouveau, la réputation de Paris en la matière serait pourtant presque éclipsée par celles de Nancy et son école ou Bruxelles et les ensembles de Victor Horta. Deux architectes emblématiques du mouvement ont marqué de leur empreinte la Capitale française : Hector Guimard (1867-1942) - vous retrouverez un article complet au sujet de toutes ses réalisations parisiennes ici - et Jules Lavirotte (1864-1929) - l’article complet se trouve là. L’Art Nouveau cherche à s’émanciper du classicisme. Les architectes du mouvement s’inspirent des théories de Viollet-le-Duc pour explorer des formes nouvelles. Les progrès techniques ouvrent le champ des possibles. Les structures portantes en acier libèrent les espaces, elles intègrent le programme décoratif des façades. Les propriétés innovantes du béton armé initient une esthétique inédite. A Paris, le Castel Béranger, morceau de bravoure signé Guimard et primé en 1898, participe de la diffusion du mouvement. L’Art Nouveau connaît son apogée à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900. A partir de 1892, une série de décrets successifs assouplit les contraintes d’urbanisme imposées sous le Second Empire. Le concours de façades de la Ville de Paris, lancé en 1897 avec le percement de la rue Réaumur s’étend à toute la ville en 1898. L’évènement récompense l’esthétique d’immeubles achevés au cours de l’année. A rebours du principe d’uniformisation haussmannienne, le prix promeut l’originalité. Les façades Art Nouveau font fureur. Elles se caractérisent par l’exubérance des formes, l’inventivité de la courbe et de l’asymétrie, les rythmes, les motifs empruntés à la nature, faune et flore, les arabesques et la couleur des décors. Les architectes collaborent avec le céramiste Alexandre Bigot, dont les ateliers font de grandes avancées techniques en matière de grés flammés, ou encore l’entreprise Gentil & Bourdet. A Paris, l’architecture mélange les genres. Les éléments Art Nouveau sont plaqués sur des trames classiques. Des façades de bâtiments plus anciens sont retravaillées selon le goût de l’époque. Le style Art Nouveau apparu au début des années 1890, connaît une rapide évolution et fait place dès 1910 à la géométrisation rigoureuse de l’Art Déco. La rédaction a sélectionné les 10 plus beaux immeubles Art Nouveau de Paris. 




9 rue de la Monnaie - Paris 1
Métro Pont Neuf ligne 7

La Samaritaine, commerce parisien iconique, a rouvert ses portes au public le 23 juin 2021 après quinze années d’interruption. Acquis en 2001 par le groupe LVMH - Moët Hennessy Louis Vuitton, l’ensemble des bâtiments constituant le grand magasin ferme en 2005 afin d’assurer une mise aux normes de sécurité nécessaire. Un temps, la rumeur d’un arrêt définitif de l’activité court. Mais après ce faux départ, un projet d’une envergure inédite attend la vénérable enseigne. Le groupe LVMH s’attache à rendre sa splendeur au patrimoine architectural de la ville par l’entremise d’une restauration menée en collaboration avec les architectes des Monuments historiques. L’ampleur de cette entreprise monumentale porte le budget à 750 millions d’investissement. Au cours de l'opération de restructuration, les espaces sont redistribués, les différents modules réhabilités, les édifices repensés entièrement ou soigneusement restaurés. L’emblématique magasin 2, rue de la Monnaie, oeuvre de l’architecte Frantz Jourdain (1847-1935), retrouve sa splendeur passée, le foisonnement d’un décor coloré Art Nouveau. Quai du Louvre l’extension Art déco du magasin 2 signée Henri Sauvage (1873-1932) devient un hôtel de luxe, le Cheval Blanc. Rue de Rivoli, un bâtiment dédié à la vente et à des espaces de bureaux est reconstruit par les architectes de l’agence japonaise Sanaa, Kazuyo Sejima et Ryūe Nishizawa, lauréats du prix Pritzker 2010. A la demande de la Ville de Paris, des logements sociaux et une crèche sont ajoutés au programme. 





118 rue Réaumur - Paris 2
Métro Sentier ligne 3

Au 118 rue Réaumur, l’immeuble à vocation commerciale édifié en 1900 a été distingué au Concours de façades de la Ville de Paris. Son architecte, le prolifique Joseph-Charles Guirard de Montarnal (1867-1947), élève de Ginain aux Beaux-Arts, est également l’auteur de la Maison Eymonaud et le concepteur de logements sociaux à Levallois pour la fondation Cognacq-Jay. L’édifice de la rue Réaumur a été pensé en fonction de l’activité à laquelle il était destiné. La façade se détache du modèle traditionnel de l’immeuble bourgeois d’habitation pour inventer un prototype alternatif à la jonction des genres. Une structure métallique légère divise la composition symétrique marquée par un cadre en pierre. Une grande verrière en métal sur trois niveaux se déploie sur toute la largeur du bâti, procédé jugé hardi par le jury du concours de façades. Le décor chapiteaux, balustrades s’orne de volutes sculptées dans la pierre et le métal par Anciaux. Ces motifs de feuillage stylisé animent une façade. Celle-ci traduit dans son propos esthétique l’adaptation des principes Art Nouveau aux impératifs de l’activité commerciale.





12 rue du Renard - Paris 4
Métro Hôtel de Ville lignes 1, 11 ou Rambuteau ligne 11

L’ancien immeuble du Syndicat de l’épicerie française situé au numéro 12 de la rue du Renard appartient au patrimoine architectural du début du XXème siècle. Le permis de construire est délivré le 18 juin 1900. Mené par un tandem d’architectes Raymond Barbaud (1860-1927) et Edouard Bauchain (1864-1930), le chantier débute en 1901. Le sculpteur Jules Louis Rispal (1871-1910) signe le riche décor de la façade d’inspiration Art Nouveau. Il s’inscrit dans la lignée du mouvement moderniste, féru de volutes végétales, fasciné par l’esthétique des lignes courbes. Il ponctue la façade de grosses têtes, de symboles notamment la truelle et la hache, les outils emblématiques du marchand d’épices et de textes inscrits dans des cartouches à encadrements fleuris. Une devise étonnante se déploie entre le rez-de-chaussée et le premier étage sur les larges arches qui surmontent les entrées monumentales. « Tous pour un » frappé au linteau en symétrie encadre la mention « Syndicat de l’épicerie française ». Le travail soigné des ferronneries et des portes attire l’œil autant que celui de la pierre. Des bas-reliefs remarquables représentant les quatre saisons soutiennent le soubassement du balcon du deuxième étage. La partie supérieure de la façade s’orne de fenêtres à lanternon, et de balcons en fer forgé ouvragé.





140 rue de Rennes - Paris 6
Métro Saint Sulpice ligne 4

Au 140 rue de Rennes, à l'angle de la rue Blaise-Desgoffe, le curieux immeuble Art Nouveau frappé aux armes de Félix Potin a été édifié à l’initiative de l’enseigne, par l’architecte Paul Auscher (1866-1932). Le permis de construction délivré le 11 avril 1904 annonce un bâtiment déployé sur sept niveaux. L’entrepreneur général, E. Devillette mène le chantier. Il s’agit du premier grand magasin édifié selon une technique mixte, mêlant le béton et la pierre blonde. L’esthétique de l’ensemble adopte les préceptes du style Art Nouveau. Arrondis, motifs végétaux et arabesques abstraites, appliqués à un bâtiment commercial monumental, ces éléments attirent l’œil et font la réclame de l’enseigne. L’immeuble Félix Potin du 140 rue de Rennes célèbre la réussite de l’entreprise. La réalisation spectaculaire, affirme aux yeux de tous un succès manifeste. Le décor opulent de la façade, mosaïques et volutes de béton, vient souligner la tourelle d’angle couronnée d’un campanile où le nom Félix Potin tracé en creux, s’éclaire de l’intérieur la nuit venue.  Cette particularité architecturale lui vaut le surnom « bouchon de champagne » tandis que l’immeuble néo-baroque du boulevard Sébastopol, siège de Félix Potin, était rebaptisé « la poivrière ». Façades et toitures sont inscrites à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 15 janvier 1975. 





29 avenue Rapp - Paris 7
Métro Alma Marceau ligne 9 ou Ecole Militaire ligne 8

L’immeuble Lavirotte au 29 avenue Rapp, exemple frappant du Baroque 1900, érotique et décadent, est l’oeuvre de l’architecte Jules Lavirotte (1864-1929) l’un des maîtres de l’Art Nouveau en France avec Hector Guimard. Auteur d’immeubles aux façades remarquables, il a choisi de bannir les lignes droites, de célébrer les courbes et l’exubérance asymétrique. Ses structures ouvragées, richement ornées, s’illustrent par leurs foisonnants décors de grès flammé imaginés en collaboration avec Alexandre Bigot, le céramiste du Modern’ Style, ainsi que par l’utilisation inédite du béton. Achevé en 1901, le curieux édifice du 29 avenue Rapp, source d’étonnement lors de sa révélation, attire toujours les regards curieux des passants sur le chemin de la Tour Eiffel et du Champ de Mars voisins. L’immeuble Lavirotte, prouesse technique, morceau de bravoure, explore les possibilités plastiques des panneaux de grès flammé dans une débauche de formes et de couleurs. La théorie selon laquelle Alexandre Bigot serait le commanditaire de l’immeuble du 29 avenue Rapp est sujette à controverse. Si certaines sources mentionnent l’idée de promouvoir le travail du grès flammé sous toutes ses formes, les Archives de la ville de Paris conservent la demande de permis de construire du 30 Octobre 1899 déposée par Lavirotte lui-même. Ce document indique en maîtres d’ouvrage, c’est à dire propriétaires de l’immeuble, Jules Lavirotte et Charles Combes, un industriel, associé dans cette affaire de spéculation immobilière. L’architecte serait donc celui qui aurait imaginé de faire valoir ses talents à travers cette construction.





3 square Rapp - Paris 7
Métro Alma Marceau ligne 9 ou Ecole Militaire ligne 8

Au 3 square Rapp à Paris, l’architecte Jules Lavirotte (1864-1929) conçoit à la demande de la comtesse Pauline de Monttessuy (1825-1905) un immeuble de rapport achevé en 1899/1900. La façade remarquable illustre les partis pris esthétiques de ce maître de l’Art Nouveau en France. Pendant presque sage du 29 avenue Rapp, ce bâtiment, signature architecturale idéaliste, se caractérise par des choix plastiques et techniques innovants. La démonstration virtuose du béton associé au grès flammé fait volontiers la réclame pour les talents de l’architecte. Ce dernier installe son domicile et son agence dans les étages de cette carte de visite monumentale. Les expérimentations de Jules Lavirotte ouvrent de nombreux champs de recherche formelle dans le domaine de l’architecture privée. Les façades et les toitures de l’édifice sont inscrites au titre des Monuments historiques par arrêté du 15 janvier 1975. Les deux escaliers et leurs cages par arrêté du 3 mai 2005.





34 avenue de Wagram - Paris 8
Métro Ternes ligne 2

Le Ceramic Hotel illustre les principes esthétiques flamboyants d’une architecture Art Nouveau parisienne. Oeuvre de l’architecte Jules Lavirotte (1864-1929), dont la quête de reconnaissance le pousse à multiplier les coups d’éclat, ce singulier bâtiment est inauguré en 1904. Son exubérance dans un goût très Modern Style laisse déjà à l’époque les badauds perplexes. Jules Lavirotte signe une prouesse technique à l’apparence remarquable. La façade de céramique entièrement revêtue de grès flammé polychrome et de briques vernissées, dissimule une structure de béton armé établie selon le système Cottancin. Lauréate du concours de façades de la Ville de Paris en 1905, son décor foisonnant a été réalisé en collaboration avec le céramiste Alexandre Bigot (1862-1927) et le sculpteur Camille Alaphilippe (1874-après 1940) sculpteur et céramiste qui deviendra en 1914 le directeur de la manufacture de grès flammés de Bigot à Mer dans le Loir-et-Cher. Toitures et façades sont inscrites à l’inventaire des Monuments historiques par arrêté du 17 juillet 1964. Le Ceramic Hotel, appellation tardive, désormais Elysées Ceramic Hotel, a été distingué par le label Patrimoine du XXème siècle. Les intérieurs de cette halte trois étoiles, entièrement repensés, n’ont plus rien d’originel mais l’édifice conserve sa curieuse allure organique. 





14 rue d’Abbeville - Paris 10
Métro Gare du Nord lignes 4, 5 ou Poissonnière ligne 7

Au 14 rue d’Abbeville, un immeuble Art Nouveau à encorbellements, oeuvre des architectes Alexandre et Edouard Autant, père et fils, déploie une façade spectaculaire. Haut de six étages, dessiné sur trois travées, il illustre par l’opulence de son décor en grès flammé la virtuosité du céramiste Alexandre Bigot. Le revêtement en lave émaillée appliqué sur la structure de pierre et de brique classique confère à cet édifice une esthétique singulière. Dans la directe lignée du phénomène Art Nouveau qui a connu son apogée à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900, le bâtiment se serait illustré à l’occasion du concours de façade organisé chaque année par la Ville de Paris, sans néanmoins être distingué d’un prix. Le permis de construire daté du 25 mai 1900 signale comme commanditaire de cet immeuble de rapport une certaine Madame Balli. La luxuriante végétation de céramique imaginée par Bigot grimpe le long de la travée centrale dans une profusion de lianes et de fleurs dont l’exotisme paraîtrait presque monstrueux. L’immeuble remarqué a fait l’objet d’une publication en 1901 dans la revue « Construction Moderne ». Façade et toiture ont été classées à l’inventaire des Monuments historiques par arrêté du 22 avril 1986.





31 et 31bis rue Campagne Première - Paris 14
Métro Raspail ligne 4

L’immeuble du 31 - 31 bis rue Campagne Première dans le quartier Montparnasse à Paris, oeuvre d’André Arfvidson (1870-1935) affirme des partis pris esthétiques forts en lien avec sa vocation initiale, un ensemble d’ateliers d’artiste haut de gamme. Edifié en 1911, le bâtiment, béton armé et remplissage de briques, illustre la modernité des nouvelles techniques de construction. La façade sur rue se déploie sur quatre niveaux d’ateliers scandés d’imposantes bow-windows rendues possibles grâce à la structure de ciment armé, niveaux auxquels répondent huit sur cour intérieure correspondant aux espaces d’habitation. La façade sur rue en grès flammé, décor atypique du grand céramiste Alexandre Bigot, témoigne des évolutions stylistiques des années 1910. Le revêtement d’inspiration Art Nouveau inscrit l’immeuble dans un programme décoratif plus Otto Wagner et Jugendstil viennois que Guimard. Son ordonnance classique souligne la sobriété d’un agencement géométrique des motifs qui préfigure l’Art Déco. Les cabochons aux motifs végétaux évoquent les expérimentations esthétiques de Charles Rennie Mackintosh et de la Glasgow School of Art. La discrète polychromie de la façade, camaïeu de brun, d’ocre, de blanc, accroche subtilement la lumière du jour, développant des variations chromatiques au fil de la journée. La production en série des carreaux issus du catalogue de la maison Alexandre Bigot a réduit les coûts généraux sans restreindre l’effet. L’immeuble primé au concours de façade de la Ville de Paris en 1912, a été distingué par les Monuments historiques. Façades et toitures sont inscrits par arrêté du 12 juin 1986. 





12-14 rue Jean de la Fontaine - Paris 16
Métro Ranelagh ligne 9

Le Castel Béranger, première réalisation d’envergure d’Hector Guimard (Lyon 1867- New York 1942) incarne l'un des symboles de l'architecture Art Nouveau à Paris. Grâce à cette oeuvre emblématique réalisée entre 1895 et 1898, Guimard connaît un succès fulgurant. Pour ce projet décomposé en trois immeubles d'habitation à loyers modérés, il s’inspire tout d'abord des préceptes stylistiques d’Eugène Viollet-le-Duc et du rationalisme pittoresque. Mais à la suite d’un voyage en Belgique marquant durant lequel il rencontre Victor Horta, il change de pied et embrasse pleinement la veine Art Nouveau. Soucieux de se faire remarquer, le jeune Guimard modifie radicalement le programme esthétique en rupture avec l’académisme. Les lignes remarquables du Castel Béranger illustrent la rigueur technique et le rejet de la symétrie. Le graphisme nerveux et dynamique souligne l’abondance des motifs décoratifs qui tendent volontiers vers l’abstraction. La fantaisie jusqu’à l’étrangeté s’exprime dans les détails ornementaux pléthoriques, bestiaire fantasmagorique, chats, oiseaux, créatures marines, insectes. Hector Guimard désire créer une oeuvre totale en maîtrisant l’ensemble de la création des trois immeubles, des bâtiments eux-mêmes jusqu’à l’architecture d’intérieur des trente-six appartements ainsi que le mobilier. Le Castel Béranger facilite une ascension professionnelle rapide. Le relais médiatique est tel, qu’Hector Guimard accède à la célébrité immédiate. La presse est fascinée par la modernité de son imagination débridée. La chute sera d’autant plus brutale lorsque passés de mode le style Guimard et l’Art Nouveau tomberont en disgrâce au lendemain de la Première Guerre Mondiale pour n'être réhabilités que dans les années 1970. 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.