Hector Guimard (1867-1942), figure majeure de l’Art Nouveau en France, n’a pourtant jamais revendiqué d’appartenance à ce mouvement même s’il en a favorisé la diffusion dans l’Hexagone. Disciple d’Eugène Viollet-le-Duc, admirateur du belge Victor Horta, il introduit dès 1900 l’expression « Style Guimard » afin de se dissocier du courant Art Nouveau. Son oeuvre, dans le domaine de l’architecture et des arts décoratifs, s’illustre par une haute technicité au service d’une imagination débridée. Le XVIème arrondissement de Paris conserve plus de la moitié des réalisations architecturales d’Hector Guimard. Véritable itinéraire à travers le quartier village d’Auteuil, il est possible de redécouvrir in sitù la puissance d’un ensemble, l’évolution stylistique d’un créateur, les expérimentations du débutant, l’inventivité formelle de la maturité et la pleine dimension d’un talent. A Auteuil, les premiers hôtels particuliers édifiés par Hector Guimard sont frappés du sceau d'un rationalisme hérité de Viollet-le-Duc que la construction du Castel Béranger semble avoir bouleversé. A la volonté d’exprimer dans les articulations de la façade, l’agencement des volumes intérieurs, l’architecte mêle la rigueur technique, le rejet de la symétrie, un graphisme nerveux et dynamique ainsi que la tentation de motifs décoratifs abstraits. Il désire créer une oeuvre totale en maîtrisant l’ensemble de la création du bâtiment en lui-même jusqu’à l’architecture d’intérieure et le mobilier. Hector Guimard ne laisse ni école, ni disciple, ovni architectural. Le courant Art Nouveau décrié durant une longue période, de nombreuses réalisations ont été détruites sous la pression immobilière, ou drastiquement transformées car jugées passées de mode. Le retour en grâce du style Guimard marque la redécouverte d’un travail complexe et visionnaire.
Hector Guimard - Ecole du Sacré-Coeur - 9 avenue de la Frillière - Paris 16 |
Hector Guimard - Ecole du Sacré-Coeur - 9 avenue de la Frillière - Paris 16 |
Hector Guimard - Ecole du Sacré-Coeur - 9 avenue de la Frillière - Paris 16 |
Hector Guimard - Atelier Carpeaux - 39 boulevard Exelmans - Paris 16 |
Hector Guimard - Atelier Carpeaux - 39 boulevard Exelmans - Paris 16 |
Hector Guimard - Atelier Carpeaux - 39 boulevard Exelmans - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble Jassedé - 142 avenue de Versailles - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble Jassedé - 142 avenue de Versailles - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble Jassedé - 142 avenue de Versailles - Paris 16 |
Né à Lyon le 10 mars 1867, le jeune Hector Guimard suit sa famille à Paris vers 1880. Rapidement, il s’installe chez une parente aisée, Apollonie Grivellé, propriétaire à Auteuil. A quinze ans en 1882, il intègre l’Ecole nationale des arts décoratifs. A partir de 1885, il suit l’enseignement de Gustave Rouclin aux Beaux-Arts avec moins de succès. Aux Arts déco, Il étudie l’architecture auprès d’Eugène Train et de Charles Génuys qui l’initie aux théories de Viollet-le-Duc. Sensibilisé au style troubadour, Guimard s’en inspire au début de sa carrière d’architecte pour créer les façades des hôtels Jassedé et Roszé ou même l’Ecole du Sacré-Cœur. Guimard ne se convertit au style linéaire qu’à partir de 1895 lorsqu’il découvre l’hôtel Tassel de Victor Horta à Bruxelles. Si les œuvres les plus importantes de l'architecte ont été réalisées sur une période d’à peine quinze ans, trois phases principales marquent l’évolution de sa carrière : les débuts et la célébrité soudaine, la maturité et la pleine expression du « style Guimard » puis après la Première Guerre Mondiale, le déclin marqué par désamour farouche de la part du public vis-à-vis du mouvement Art Nouveau.
Hector Guimard fait ses débuts d’architecte à Auteuil sud, là même où sa parente fortunée lui a permis d’être introduit dans les milieux bourgeois. Sa réputation grandit grâce à ses relations, au bouche-à-oreille des cercles de la bonne société. En 1891, Hector Guimard achève l’hôtel Roszé au 34 rue Boileau, pour Charles Camille Roszé, représentant de commerce d’une fabrique de gants en peau, avec qui il s’est lié d’amitié. Il met en oeuvre, selon les souhaits du commanditaire, une villa à l’italienne sans extravagance formelle. De nos jours, la silhouette de la bâtisse est dissimulée au regard par une glycine abondante. Si l’architecte soumet le projet aux desiderata de Roszé, il développe déjà idée d’oeuvre totale. Il dessine le jardin, les vitrages, les tentures, les modèles des céramiques de la façade exécuté par Emile Muller. L’influence de Viollet-le-Duc se retrouve dans la disposition et les agencements. Prémisses du style Guimard, la variété des matériaux souligne les volumes et les décrochements, les formes et les dimensions particulière des fenêtres.
Hector Guimard - Hôtel Jassedé - 41 rue Chardon Lagache - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Jassedé - 41 rue Chardon Lagache - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Deron-Levent - 8 villa de la Réunion - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Deron-Levent - 8 villa de la Réunion - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Roszé - 34 rue Boileau - paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Delfau - 1ter rue Molitor - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Delfau - 1ter rue Molitor - Paris 16 |
A notre actuel 41 rue Chardon-Lagache, Hector Guimard construit en 1893 une villa pour Louis Jassedé, propriétaire depuis 1871 d’une épicerie au 142 avenue de Versailles à deux pas de chez la riche parente. Cette parcelle, avantageusement située sur une large voie, sera valorisée quelques années plus tard par l’homme d’affaires. Faisant de nouveau appel à Guimard à l’apogée de son succès, il commande un immeuble de rapport élégant, opération immobilière rentable menée de 1903 à 1905. Premier immeuble réalisé par l’architecte après le Castel Béranger, le mouvement alterné des balcons, la taille des bow windows, l’impression d’ondulation rappellent sous une forme assagie l’extravagance de cet édifice. En 1893, l’hôtel Jassedé marque l’avènement des projets personnels d’Hector Guimard. Champ d’expérimentation, le pittoresque des volumes confère à la structure un équilibre singulier dans la rupture d’axe par rapport au le plan et à l’alignement de la rue. Les matériaux contrastés et les céramiques d’Emile Muller illustrent déjà la récurrence des motifs. Juste en face, au 8 villa de la Réunion, hôtel Devon-Levent plus tardif - il date de 1903-1905 -témoigne de l’évolution du style d’une maturité. Sa façade épurée, ses toitures unifiées et le dégradé de tonalités gris beige sont presque classiques.
Le rehaussement de l’atelier Carpeaux au 39 boulevard Exelmans va ouvrir de nouvelles voies à Hector Guimard. L’édifice originel a été remanié par l’architecte Edouard Lewicki en 1888 lors de la création d’un musée dépôt Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875) qui a travaillé dans un atelier au numéro 25 du boulevard Exelmans. En 1895 la veuve Amélie Clotilde Carpeaux commande une surélévation du bâtiment à Hector Guimard. L’atelier sera à nouveau modifié par Paul Harant en 1914. La rencontre est décisive pour Guimard. Amélie Carpeaux l’introduit auprès d’un nouveau cercle de bourgeoisie d’affaires du XVIème arrondissement. Il y fait la connaissance d’Elisabeth Fournier, veuve d’un manufacturier en drap qui a hérité d’une parcelle à bâtir au 12 rue La Fontaine et d’un capital. Le projet du Castel Béranger va bientôt se réaliser.
Hector Guimard - Hôtel Guimard - 122 avenue Mozart - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Guimard - 122 avenue Mozart - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Guimard - 122 avenue Mozart - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Guimard depuis la villa Flore - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble Houyvet - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble Houyvet - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble - 18 rue Henri Heine - Paris 16 |
En 1895, la paroisse d’Auteuil fait appel à Hector Guimard pour édifier l’Ecole du Sacré-Cœur, 9 avenue de la Frillière, un petit établissement dispensant des cours d’instruction religieuse aux élèves des écoles laïques. L’étroitesse du terrain est un défi pour l’architecte. Guimard imagine d’évider le rez-de-chaussée pour y placer le préau, créant une impression d’espace. Le porte à faux repose sur des colonnes biaisées en fonte dont le modèle est directement inspiré des écrits théoriques de Viollet-le-Duc tandis que la forme des poteaux est empruntée à Victor Horta. L’école un temps menacée de destruction est désormais devenu un immeuble d’habitation.
Le Castel Béranger marque le point d’orgue de ces débuts prometteurs. Edifiée entre 1895 et 1897, cette réalisation emblématique fait la célébrité du jeune architecte de trente ans. Lors d’un voyage en Belgique, au moment même où il établit les plans, Hector Guimard fait la connaissance de Victor Horta et découvre l’hôtel Tassel à Bruxelles. L’influence sera décisive. Le budget strict de la conception du Castel Béranger, immeuble de rapport à loyers modérés, pousse l’architecte à limiter l’usage de la pierre trop dispendieuse. Il alterne les matériaux, brique rouge ou émaillée, pierre blanche, grès flammé, pans de meulière et crée des jeux de couleurs, harmonies en tonalités claires. Les balcons, bow windows, ferronnerie très ouvragée assument un vibrant turquoise tandis que la porte d’entrée en cuivre rouge flamboie. L’étrangeté de cette façade atypique séduit les édiles. Elle est primée par la Ville de Paris lors du tout premier concours de façades en 1898. Mais les riverains parmi les premiers détracteurs de l’ouvrage, surnomment le Castel « la maison des diables » ou encore « le castel dérangé ».
Qualifié d’« excentric house » par Paul Signac qui y installe son atelier au sixième étage, l’immeuble fascine toujours autant plus d’un siècle après sa création. Volonté de cohérence, fruit d’une réflexion autour de la conception globale, Guimard imagine lui-même l’intégralité des éléments décoratifs. Il fait appel au savoir-faire d’artisans pointus pour réaliser grès flammé, ferronnerie, vitraux, mosaïques, céramiques, fonte d’art, revêtement mural des escaliers, lambris en Cordolova ou en Lincrusta Walton. Il se charge également de la décoration intérieure des trente-six appartements, les sols, tapisserie, menuiserie, serrurerie, papier-peint et mobilier. Après un tel coup d’éclat, le tout Paris s’arrache le jeune architecte.
Qualifié d’« excentric house » par Paul Signac qui y installe son atelier au sixième étage, l’immeuble fascine toujours autant plus d’un siècle après sa création. Volonté de cohérence, fruit d’une réflexion autour de la conception globale, Guimard imagine lui-même l’intégralité des éléments décoratifs. Il fait appel au savoir-faire d’artisans pointus pour réaliser grès flammé, ferronnerie, vitraux, mosaïques, céramiques, fonte d’art, revêtement mural des escaliers, lambris en Cordolova ou en Lincrusta Walton. Il se charge également de la décoration intérieure des trente-six appartements, les sols, tapisserie, menuiserie, serrurerie, papier-peint et mobilier. Après un tel coup d’éclat, le tout Paris s’arrache le jeune architecte.
Hector Guimard - Pavillon - 3 square Jasmin - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Mezzara - 60 rue Jean de la Fontaine - Paris 16 |
Hector Guimard - Hôtel Mezzara - 60 rue Jean de la Fontaine - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble Trémois - 11 rue Millet - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble Trémois - 11 rue Millet - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble Trémois - 11 rue Millet - Paris 16 |
Hector Guimard inscrit son oeuvre dans la lignée d’un pittoresque organique et valorise l’expression rationnelle du programme dans une série de villas le Modern Castel à Garches, le Castel Henriette à Sèvres, la Bluette à Hermanville-sur-Mer. Cette période très inventive donne naissance au foisonnement du style Guimard, les célèbres arabesques ornementales non figuratives, à la profusion formelle, l’utilisation de matériaux peu usités jusqu’à présent pour les immeubles d’habitation, le fer, le verre, la céramique.
La commande publique des accès de métro en 1900 va décélérer le succès de Guimard. Les édicules, fonte sur armature de fer, inflexions végétales, suscitent de vives critiques. La faveur du public semble décliner. Malgré cela de 1904 à 1910, Hector Guimard construit des immeubles et des hôtels particuliers pour la bonne société. Son riche mariage en 1909 relance carrière et réputation. Hector Guimard épouse l'artiste peintre américaine, Adeline Oppenheim, héritière d'un banquier de New York fortuné. La convergence de fonds personnels, relations aisées de la belle-famille, commandes passées dans un cercle familier et extension du nombre de clients grâce à une intense activité sociale permettent à l’architecte de 1909 à 1914, d’atteindre apogée du style Guimard, plus sage plus épuré. Il réalise une série de construction au style homogène parmi lesquels un certain nombre d’immeubles de rapport destinés à la petite ou à la moyenne bourgeoisie.
Hector Guimard - Ensemble 17- 19 - 21 rue Jean de la Fontaine - Paris 16 |
Hector Guimard - Ensemble 17 - 19 - 21 rue Jean de la Fontaine - Paris 16 |
Hector Guimard - Ensemble 17 - 19 - 21 rue Jean de la Fontaine 8 - 10 rue Agar - Paris 16 |
Hector Guimard - Ensemble 17 - 19 - 21 rue Jean de la Fontaine 8 - 10 rue Agar - Paris 16 |
Hector Guimard - Ensemble 17 - 19 - 21 rue Jean de la Fontaine 43 rue Gros - Paris 16 |
Hector Guimard - Ensemble 17 - 19 - 21 rue Jean de la Fontaine 43 rue Gros - Paris 16 |
Hector Guimard - Ensemble 17 - 19 - 21 rue Jean de la Fontaine 43 rue Gros - Paris 16 |
Hector Guimard - Ensemble 17 - 19 - 21 rue Jean de la Fontaine 8 - 10 rue Agar - Paris 16 |
De 1909-1911, Hector Guimard travaille sur l’ensemble immobilier de la rue Moderne, situé au 17-19-21 rue Jean de la Fontaine, 43 rue Gros et 8-10 rue Agar. Si l’architecte en est l’instigateur, le projet est financé par Léon Nozal industriel et négociant en métaux (pour lequel Guimart a construit un hôtel particulier 52 rue du Ranelagh entre 1902 et 1906) et Edouard Loëb Oppenheim (1841-1911), banquier new-yorkais, père d’Adeline Oppenheim Guimard. Plus vaste chantier jamais entrepris par Guimard, cet ensemble incarne l’oeuvre de la maturité. L’architecte renonce à la polychromie mais prolonge son étude des contrastes de matériaux, pierre et brique de couleur crème, ferronnerie noire. De 1909 à 1910, il imagine l’immeuble Trémois à la façade presque symétrique.
Dans le même temps, Hector Guimard s’attache à des projets plus prestigieux, deux hôtels particuliers de grand standing. De 1909 à 1912, il fait édifier son propre hôtel, l’hôtel Guimard, situé au 122 avenue Mozart. Atypique, meublé avec faste, au décor très abouti, les quatre étages de l’édifice s’élèvent sur une parcelle en triangle de 90m2 réputée inconstructible. L’agence Guimard quitte le Castel Béranger pour s’installer au rez-de-chaussée et Adeline Oppenheim, aménage son atelier au troisième étage. De nos jours, en face sur la villa Flore, au numéro 120 avenue Mozart, se trouve l’immeuble Houyvet dont la haute façade anguleuse date de 1926-1927. La confrontation des styles et des époques ne manque pas d’intérêt.
Second chantier de haute volée, Hector Guimard mène la construction de 1910 à 1911 de l’hôtel Mezzara, imaginé pour son ami Paul Mezzara, industriel dans le textile, qui jusque-là habitait le XVIIème arrondissement. Plus classique que l’hôtel Guimard, l’hôtel Mezzara incarne une volonté d’espaces généreux. Au centre de l’édifice, articulation entre les deux corps de bâtiments, se trouve un hall très original, conçu sur deux niveaux et éclairé par un puit de lumière.
A la fin de cette période faste, Hector Guimard s’emploie à un projet assez différent et dans le Marais plutôt qu’à Auteuil. L’association cultuelle Agoudath Hakehiloth (union des communautés) est une assemblée dont le rabbin est Joel L. Herzog. Présidée par Joseph Landau, composée de neuf sociétés orthodoxes, pour la plupart russes, elle souhaite se doter de son propre lieu de culte. Dans ce but, elle fait l’acquisition d’une improbable parcelle de 12 mètres de façade et 30 mètres de profondeur. Par un habile jeu de courbes, Hector Guimard parvient à créer l’illusion d’une plus ample façade. Les baies regroupées par deux reprennent le thème des tables de la loi qui couronnent l’édifice. La synagogue du 10 rue Pavée dans le Marais est inaugurée le 7 juin 1914.
Hector Guimard - Castel Béranger - 14-16 rue Jean de la Fontaine - Paris 16 |
Hector Guimard - Castel Béranger - 14-16 rue Jean de la Fontaine - Paris 16 |
Hector Guimard - Castel Béranger - 14-16 rue Jean de la Fontaine - Paris 16 |
Hector Guimard - Castel Béranger - 14-16 rue Jean de la Fontaine - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble de rapport - 36-38 rue Greuze - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble de rapport - 36-38 rue Greuze - Paris 16 |
Hector Guimard - Immeuble de rapport - 36-38 rue Greuze - Paris 16 |
Au lendemain du conflit mondial, les nouvelles conditions économiques bouleversent la vision esthétique. L’Entre-deux-guerres maque le déclin du style Art Nouveau. Hector Guimard tente de s’adapter à la sobriété Art Déco mais peu à peu s’isole. L’immeuble de bureaux au 10 rue de Bretagne, inauguré en 1919, commandé par le compositeur Maurice Franck, frappe par sa géométrie, la verticalité accentuée par les piles porteuses et les bow windows typiquement Guimard. L’empreinte Art Nouveau se lit encore en filigrane au sommet de l’édifice avec les arabesques des balcons et les pans coupés aux deux extrémités.
Durant cette période, Hector Guimard imagine des techniques de construction standardisée, des pavillons établis à partir d’éléments interchangeable produits en usine, notamment les éléments détails typiques du style Guimard comme les décors des fenêtres et des portes. Il dépose des brevets qu’il est le seul à exploiter. De 1921-1922, il fait élever dans un temps record le pavillon du 3 square Jasmin, petit hôtel particulier composés d’éléments pré-fabriqués. S’il est censé faire partie d’un plus vaste projet de lotissement, le modeste bâtiment sera la seule réalisation à voir le jour.
Hector Guimard investit des fonds personnels dans des opérations immobilières qui avortent en cours de route. En 1926, il inaugure un immeuble de rapport 18 rue Henri Heine, unique bâtiment construit d’un ensemble immobilier du type de la rue Moderne, le projet étant tombé à l’eau. Retour à la symétrie, verticalité et effet de masse, Guimard s’adapte à l’air du temps. De 1925 à 1928, au 36-38 rue Greuze, l’architecte s’attèle à la réalisation de deux immeubles d’habitation, dotés d’appartements qu’il qualifie « d’élégantes garçonnières ». Les matériaux nouveaux, structure de tubes de ciments, briques de ciment et la verticalité affirmée confèrent à l’ensemble un style très moderne.
Peu à peu l’étoile Guimard pâlit, son nom sombre dans l’oubli. En 1933, l’exposition au Musée des Arts décoratifs « Le décor de la vie sous la Troisième République de 1870 à 1910 » rend hommage à son travail de designer alors qu’il a renoncé à l’architecture. En 1938, la menace de la guerre et la progression nazie le poussent à fuir avec son épouse américaine d’origine juive aux Etats-Unis. Hector Guimard s'éteint en 1942, à New York, dans une relative indifférence.
En 1948, lorsque sa veuve, Adeline Guimard revient en France au lendemain de la guerre pour régler définitivement ses affaires, elle propose de faire don de l’Hôtel Guimard et de son mobilier à l’Etat français qui repousse l’offre. Une aubaine pour le Cooper Hewitt Museum à New York. Les musées de province à Lyon notamment, ville de naissance du grand homme, seront plus enthousiastes par rapport à la générosité d’Adeline Guimard.
Hector Guimard - Edicule libellule - Métro Station Porte Dauphine - Paris 16 |
Hector Guimard - Edicule libellule - Métro Station Porte Dauphine - Paris 16 |
Hector Guimard - Edicule Libellule - Métro Station Porte Dauphine - Paris 16 |
Hector Guimard - Synagogue - 10 rue Pavée - Paris 4 |
Hector Guimard - Synagogue 10 rue Pavée - Paris 4 |
Hector Guimard - Immeuble de rapport - 10 rue de Bretagne - Paris 4 |
Hector Guimard - Immeuble de rapport - 10 rue de Bretagne - Paris 4 |
Hector Guimard Pavillon de l'application de l'électricité Exposition Universelle 1889 Illustration Henri Toussaint pour La Construction Moderne 1890 |
Durant une longue période de purgatoire, la qualité du travail d’Hector Guimard est remise en question en France. Pourtant dès 1929, Salvador Dali, à contre-courant, célèbre en Guimard un frère de l’architecte Antonio Gaudi, pour son originalité, la qualité spectaculaire des phénomènes architecturaux. De nombreuses réalisations de Guimard sont détruites de son vivant. La redécouverte tardive de son univers, sa réhabilitation progressive à partir des années 1960, n’empêche pas, sous la pression spéculative des promoteurs, la disparation d’oeuvres majeures de l’architecte comme le Castel Henriette à Sèvres qui est rasé en 1969. Dans les années 1970 à New York, tandis qu’une exposition rend hommage à l’Art Nouveau, les antiquaires traitent avec mépris ce qu’ils ont surnommé le style nouille. L’événement au Musée des Arts décoratifs à Paris « Pionniers du XXème siècle » mettant en scène Guimard, Horta, Van de Velde, sera l’élément déclencheur du retour en grâce de ce mouvement.
Hector Guimard à Paris
Lyon (Rhône) - 10 mars 1867
New York (États-Unis) - 20 mai 1942
Liste exhaustive des bâtiments et sépultures à Paris, y compris les éléments détruits
– 1888 : Restaurant Café-Concert « Au Grand Neptune » - 148 quai d’Auteuil (aujourd’hui quai Louis Blériot) - Paris XVIème. Détruit vers 1910
– 1889 : Pavillon de l’Electricité Exposition Universelle - Paris. Détruit
– 1891 : Hôtel Roszé - 34 rue Boileau - Paris XVIème
– 1891 : Pavillons Hannequin - 145 avenue de Versailles - Paris XVIème. Détruits en 1926
– 1892 : Sépulture Victor Rose - Cimetière des Batignolles - Paris XVIIème
– 1893 : Hôtel Jassedé - 41 rue du Point du Jour (aujourd’hui 41 rue Chardon-Lagache) - Paris XVIème. Inscription par arrêté du 28 avril 1980 des façades et toitures du bâtiment principal et du bâtiment annexe ainsi que le portail d’entrée et le mur de clôture
– 1894 : Hôtel Delfau - 1ter rue Molitor - Paris XVIème. Modifié vers 1907
– 1894-1895 : Atelier Jean-Baptiste Carpeaux - 39 boulevard Exelmans - Paris XVIème
– 1895 : École du Sacré-Cœur - 9 avenue de la Frillière - Paris XVIème. Plusieurs modifications entre 1939 et 1978. Inscription Monument Historique par arrêté du 29 décembre 1983, de la façade principale sur rue, de la toiture, du plafond de l’ancien préau ainsi que la rampe en fer et fonte de l’ancien escalier intérieur.
– 1895 : Sépulture Giron, Mirel et Gaillard - Cimetière du Montparnasse - Paris XIVème
– 1895-1898 : Castel Béranger - 16 rue La Fontaine - Paris XVIème. Classé Monument Historique par décret du 31 juillet 1992
– 1896 : Théâtre de la Bodinière et Salon de thé Melrose - 18 rue Saint-Lazare - Paris VIIIème. Détruits vers 1910
– 1897 : Porche d’une habitation Exposition de la Céramique et des Arts du Feu - Paris. Détruit
– 1898 : Hôtel Roy - 81 boulevard Suchet - Paris XVIème. Détruit vers 1960
– 1898-1901 : Salle de concert Humbert de Romans - 60 rue Saint-Didier - Paris XVIème. Détruite entre 1904 et 1905
– 1898 : Villas Roucher - 9 et 9bis impasse Racine - Hameau Boileau - Paris XVIème. Transformées.
– 1899 : Sépulture Ernest Caillat - Cimetière du Père-Lachaise - Paris XXème
– 1900-1903 : Edicules et gares du Métropolitain de Paris - Inscription Monument Historique par arrêté du 29 mai 1978
– 1900-1901 : Pavillon et magasin Déjardin - 10-12 impasse Boileau - Paris XVIème. Détruits vers 1925
– 1902-1906 : Hôtel Nozal - 52 rue du Ranelagh - Paris XVIème. Détruit en 1957
– 1903 : Atelier Nozal - 12 avenue Perrichont - Paris XVIème. Détruit vers 1960
– 1903 : Pavillon « Le Style Guimard » Exposition de l’Habitation au Grand Palais - Paris VIIIème. Détruit.
– 1903-1905 : Immeuble Jassedé - 142 avenue de Versailles - Paris XVIe. Inscription par arrêté du 11 juillet 1984, des façades et toitures ainsi que les deux cages d’escalier et les entrées de l’immeuble.
– 1905-1907 : Hôtel Deron-Levent - 8 villa la Réunion - Paris XVIème
– 1909-1912 : Hôtel Guimard - 122 avenue Mozart - Paris XVIème. Inscription Monument Historique par arrêté du 4 décembre 1964 de l’hôtel. Classement par arrêté du 17 juillet 1997 des façades et toitures et du vestibule d’entrée, y compris son escalier avec la rampe.
– 1909-1910 : Immeuble Trémois - 11 rue François-Millet - Paris XVIème
– 1909-1911 : Groupe d’immeubles 17-19-21 rue La Fontaine, 43 rue Gros, 8-10 rue Agar, Paris XVIème. Inscription Monument Historique par arrêté du 15 janvier 1975 des façades et des toitures des six immeubles. Inscription par arrêté du 16 juin 2006 des décors intérieurs du « Café Antoine » : plafond fixé sous verre, peintures et faïences murales, moulures, miroirs, et carrelages du sol.
– 1910-1911 : Hôtel Mezzara - 60 rue La Fontaine - Paris XVIème. Inscription Monument Historique par arrêté du 15 septembre 1994
– 1912 : Sépulture Deron-Levent - Cimetière d’Auteuil - Paris XVIème
– 1913 : Synagogue - 10 rue Pavée - Paris IVème. Inscription Monument Historique par arrêté du 4 juillet 1989, de la totalité de la synagogue
– 1914 : Hôtel Nicolle-de-Montjoye - 7 rue Pierre-Ducreux (aujourd’hui rue René Bazin) - Paris XVIème. Détruit
– 1914-1919 : Immeuble de bureaux - 10 rue de Bretagne - Paris IIIème
– 1920 : Surélévation de l’Hôtel Barthélémy - 53 rue du Ranelagh - Paris XVIème. Détruit
– 1922 : Garage Bastien - 34 rue Robert-Turquan - Paris XVIème. Détruit
– 1921-1922 : Hôtel particulier - 3 square Jasmin - Paris XVIème
– 1922 : Sépulture Albert Adès - Cimetière du Montparnasse - Paris XIVème
– 1925 : Tombe au Cimetière du village français - Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes - Paris. Détruite
– 1926 : Immeuble Guimard - 18 rue Henri-Heine - Paris XVIème
– 1926-1927 : Immeuble Houyvet - 2 villa Flore - Paris XVIème
– 1927-1928 : Immeubles de rapport - 36-38 rue Greuze - Paris XVIème
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 16è arrondissement - Marie-Laure Crosnier Leconte - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Le Marais, évolution d’un paysage urbain - Danielle Chadych - Parigramme
Sites référents
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