Paris : 10 villas bucoliques, 10 ruelles du Paris champêtre, incontournables, confidentielles ou tout à fait secrètes

 

Mémoire du Vieux Paris, les enclaves champêtres au cœur de la ville sont l’héritage préservé des anciennes communes rattachées à la Capitale en 1860. Les villas bucoliques, ruelles insolites, possèdent le charme dépaysant de la campagne à Paris. Ces lotissements pittoresques séduisent par leur décor idyllique, coquets pavillons dotés de jardinets, nature foisonnante, treilles lourdes de bignone, glycine aventureuse, vigne vierge courant sur les façades. Dans les beaux quartiers, les portes demeurent le plus souvent fermées. Les voies secrètes, allées insoupçonnées, comme autant de secrets jalousement gardés, racontent l’histoire de la cité et de son urbanisation. Sous le Second Empire, les grands travaux d’Haussmann chassent les populations modestes du centre de Paris. Le chantier de démolition systématique les prive tout d’abord de logement. La reconstruction destine la nouvelle ville somptuaire aux classes sociales fortunées. Les habitants les plus pauvres repoussés à la périphérie, s’installent dans les arrondissements créés à la suite de l’annexion des communes, le XIIIème, le XIXème, le XXème en particulier. A Belleville, Ménilmontant, Montmartre, ou Montsouris, les lotissements anarchiques donnent naissance à des quartiers miséreux, bidonvilles aux constructions très hétérogènes, tel que le Maquis à Montmartre. A Belleville, des ruelles entières se consacrent à l’artisanat ou aux petites manufactures, deviennent des cités d’artistes. L’intervention de promoteurs immobiliers plus ou moins philanthropes, redonne un semblant d’ordonnancement. Ils initient des programmes similaires à ceux menés en Angleterre dans les cités-jardins. Afin de réduire les coûts de production, les ensembles uniformisés sont constitués de pavillons en préfabriqué, de conception abordable. Les contraintes des sous-sols fragilisés par les anciennes carrières de gypse réduisent les dimensions du bâti. Dans les quartiers plus privilégiés, le tracé des villas rappelle les anciennes propriétés des bourgeois qui se faisaient construire maison de campagne et folies à quelques kilomètres de Paris à la fin du XVIIIème siècle.

De nos jours, la plupart des villas, allées, cités ouvrières, cités jardins, ateliers d’artisanat, maisons faubouriennes typiques, ont disparu sous la pression des projets spéculatifs. Rentabiliser les précieux mètres carrés est une obsession. Les derniers vestiges de ce Vieux Paris sont devenus un véritable luxe, l’idée d’une maison de ville fait rêver plus d’un. Anciens pavillons ouvriers rénovés, souvent surélevés, jardins amoureusement entretenus forment désormais un cadre au caractère préservé des plus recherché. Merci de respecter la tranquillité des lieux et de faire preuve de la plus élémentaire courtoisie. Les incontournables, les confidentielles, les secrètes, la rédaction a sélectionné 10 villas bucoliques du Paris champêtre.




Accès 7 rue Daviel - Paris 13
Métro Corvisart ligne 6

La villa Daviel, charmante impasse résidentielle doit son nom à la rue du même nom sur laquelle elle débouche au numéro 7. Jacques Daviel (1696-1762) médecin de Louis XV, à qui elle rend hommage, est le premier chirurgien en France à avoir réussi une opération de la cataracte. Nichée au fond de la vallée de la Bièvre dont le bras mort suivait l'actuelle rue Würtz, sa construction remonte à 1912. Elle est achevée en même temps que l'ensemble HBM de la Petite Alsace situé juste en face. Les jolies maisonnettes sagement alignées rivalisent de coquetterie. Le long de la voie pavée de frais qui trottinent gaiement sur 113 mètres de long, les pavillons de briques ou en pierre de meulière donnent un air de sous-préfecture à ce micro-quartier. Derrière les grilles bigarrées, les jardinets choyés par les riverains s'épanouissent dans l'abondance végétale d'une nature qui prend sa revanche sur le milieu urbain. Volets aux couleurs pimpantes, touches pastel décoratives répondent à la vivacité des roses et des glycines. La vigne vierge, en automne, flamboie tandis que bananier, figuier et palmier rêvent du sud. Un lieu privilégié singulier dont la vocation première fut sociale.





Accès par le 101 rue de la Tombe Issoire - Paris 14
Métro Alésia ligne 4

La villa Seurat, véritable musée à ciel ouvert, nous raconte l'histoire du Mouvement architectural moderniste vu par André Lurçat et Auguste Perret. En 1899, le terrain qui deviendra la villa Seurat est occupé par des hangars et des écuries. En 1919, ), l'architecte André Lurçat (1894-1970), collaborateur de Robert Mallet-Stevens, et son frère le peintre, céramiste et tapissier, Jean Lurçat (1892-1966) repèrent le terrain. Ils parviennent à convaincre le propriétaire M. Schreibmann de le lotir.  A proximité de Montparnasse, centre de l'activité culturelle, la cité d'artistes en devenir devient un laboratoire d'architecture expérimentale, pendant de l'impasse Gauguet qui ouvre sur la rue des Artistes à proximité. André Lurçat, architecte de la modernité, imagine huit villas. La première édifiée en 1924 est celle destinée à son frère, Jean Lurçat. Les maisons-ateliers aux larges baies vitrées forment un ensemble homogène auquel la touche finale est apportée en 1931. Jeux des volumes, épure, sobriété décorative, prépondérance de la ligne, abandon de la symétrie marque une conception architecturale moderniste qui tend vers un dépouillement ornemental. Les enduits en façade sont abandonnés, les moulures absentes. Béton armé, ciment et briques, matériaux bruts valorisés deviennent des éléments de décoration.





Accès par le 111 ter rue d'Alésia et le 39 Rue des Plantes
Métro Alésia ligne 4

Enfilade de maisons signées, de petits immeubles coquets, d'hôtels particuliers réaménagés, la villa d'Alésia, lieu privilégié et discret, offre une grande variété de façades entre Art Nouveau et Art Déco. Les vastes verrières qui ponctuent la rue marquent la présence d'anciens ateliers d'artistes et d'artisans, dernières traces d'un passé industriel. Ouverte vers 1897, l'ancienne villa Parquet, du nom d'un propriétaire, est devenue villa d'Alésia en 1965. Passage typique du XIVème, cette voie a pour particularité de suivre les sinuosités d'un Y, une rue fourchue moins champêtre que ses voisines villa Hallé, rue des Thermopyles mais au charme certain et à l'architecture exubérante.





Accès 9 rue Falguière - Paris 15
Métro Falguière ligne 12

Derrière une grille peu avenante et rarement ouverte, une petite impasse, vestige du passé artistique de Montparnasse, dévoile le charme de ses attraits champêtres. Survivance d'un vieux quartier disparu à la suite des grands travaux de transformation datant des années 1960-70, nouvelle gare et érection de tours vertigineuses, sans âme mais résolument modernes, la villa Gabriel a, pour le plus grand bonheur des arpenteurs de Paris, survécu aux changements radicaux du paysage urbain. Passage typique d'un autre temps, ouverte en 1895 sur les ruines d'une briqueterie, cette allée pavée où les ateliers rénovés ont trouvé une nouvelle vie est un secret préservé précieux. Elle porte le prénom du fils du propriétaire originel du terrain. Quiétude heureuse, végétation abondante et floraison idoine, cette venelle bucolique, à l'ombre de la Tour Montparnasse, vaut le détour.  





Accès 32 rue Santos-Dumont - Paris 15
Métro Plaisance ligne 13

A deux pas du parc Georges Brassens, la villa Santos-Dumont, singulière venelle, impasse discrète, séduit les amoureux du Paris insolite et méconnu. Georges Brassens quittant son XIVème chéri habita de 1969 à 1981, date de son décès, au numéro 42 de la rue éponyme. La parcelle originelle entre vignes et champs est lotie de 1919 à 1920 afin d’y construire vingt-cinq maisons. La villa créée en 1926 prend le nom de villa Chauvelot en hommage au promoteur Alexandre Chauvelot (1796-1861). Le calme pittoresque de la petite impasse séduit de nombreux peintres de Montparnasse. Les pavillons se dotent de larges baies vitrées, les porches prennent de l'ampleur pour permettre la livraison de la pierre des sculpteurs. Ossip Zadkine (1890-1961) réside au numéro 3 de 1925 à 1960.  Fernand Léger (1881-1955) y fait un bref séjour de 1928 à 1930. Parmi les hôtes célèbres de la villa Santos-Dumont, le peintre Victor Brauner (1903-1966) qui y demeure de 1938 à 1945 au 10 bis, le sculpteur Emmanuel Guérin (1884-1967) au numéro 13, le mosaïste et homme de lettres italien Armand Gatti (1924-2017) au 15 et l'écrivain Jeanne Champion (1931-2022) au 17. Cité des arts improvisée, la villa se distingue par la variété de son architecture. Bicoques aux allures anglo-normandes, briques rouges post-industrielles, couleurs estivales, maisonnettes avec jardin et ateliers reconnaissables par leurs vastes verrières disparaissant dans la végétation.





Accès 19 rue Claude Lorrain - Paris 16
Avenue Georges Risler, villas Dietz-Monnin, Emile Meyer, Cheysson - Paris 16
Métro Exelmans ligne 9

La coquette Villa Mulhouse, à deux pas de l’opulent Hameau Boileau, et du cimetière d’Auteuil, rappelle par son intrigante conformation de cité ouvrière, l’ancien faubourg champêtre de Paris, annexé en 1860. A la fin du XIXème siècle, époque à laquelle a été tracée la villa, le quartier du Point du Jour est loin d’être l’enclave résidentielle bourgeoise qu’il est devenu. L’ensemble de ruelles étroites disposées en Pi de la Villa Mulhouse a été officiellement inauguré en 1887. Le lieu discret, de nos jours difficilement accessible, est le fruit d’une expérimentation à caractère philanthropique menée par Emile Cacheux (1844-1923). Désireux d’améliorer la qualité du logement ouvrier et d’ouvrir l’accès à la propriété aux classes laborieuses, cet ingénieur également sociologue poursuit plusieurs projets en ce sens, dont les plans reçoivent des prix lors de congrès internationaux. Villa Emile Meyer, Villa Dietz-Monnin, Villa Cheysson et avenue Georges Risler composent la trame d’un tableau pittoresque, émouvantes survivances d’un passé industrieux. La cité originelle construire entre 1882 et 1892 a été pensée sur le modèle des cités jardins anglaises. Les pavillons annoncés par des jardinets ont été remaniés avec faste au cours du XXème siècle par un nouveau genre de riverains. Désormais maisons de ville cossues, les soixante-sept habitations de la Villa Mulhouse, souvent surélevés de plusieurs étages, incarnent le rêve de la campagne à Paris dans l’un des quartiers les plus recherchés de la Capitale.





Accès par le 23 ter avenue Junot - Paris 18
Métro Lamarck-Caulaincourt ligne 12

La Villa Léandre, au 23 ter avenue Junot dans le quartier des Grandes Carrières, est un petit paradis fleuri à la quiétude heureuse. Impasse bordée de maisons au style anglo-normand, cette venelle pavée dont le calme est à peine troublé par l'animation du récent bar-restaurant so trendy Marcel, est un lieu privilégié qui ravit les amoureux du Paris insolite. Si les riverains installés depuis des générations, mi-figue mi-raisin devant ce regain de popularité, ne se plaignent pas trop, c'est que la douceur de vivre y est incomparable. Le cadre singulier de la ruelle attire de nombreux tournage cinéma et télévision. Côté numéros pairs, pavillons de briques aux toits d'ardoise, maisonnettes blanches aux volets colorés, bows-windows très britanniques, façades abondamment fleuries rappellent le style architectural londonien. Les minuscules jardinets entretenus avec amour rivalisent d'exubérance verdoyante tout à fait champêtre. Du côté des numéros impairs de petits immeubles plus récents ont été édifiés sur une partie de parcelle appartenant au site du Vieux Montmartre. Si à l'origine, celle-ci n'était pas censée être constructible, il semblerait que quelques magouilles aient permis l'édification de ces bâtiments.





Accès par le 13 rue de la Villette jusqu'au 14 rue Mélingue (qui a été muré) - Paris 19
Métro Pyrénées ligne 11 ou Jourdain ligne 11

Au 13 rue de la Villette, derrière une vaste grille peu avenante mais souvent ouverte, se cache la villa de l'Adour, un passage bellevillois typique, venelle champêtre enchanteresse. Voie privée ouverte en 1817, la villa de l'Adour s'appelle alors la villa Barthélémy avant d'être rebaptisée en 1877 du nom d'un fleuve du sud-ouest de la France. Petit lotissement de dix-neuf lots compris entre 90 et 160 m2, elle est à l'image d'un vieux Belleville préservé des grands travaux de rénovations des années 60-70. Débutant rue Mélingue, elle court sur 104 mètres de long jusqu'à la rue de la Villette née de la fusion en 1864 entre les boulevards et les chemins de ronde suivant le mur des Fermiers généraux. Ruelle pavée de frais traversée par une rigole, la villa de l'Adour est une belle allée fleurie, aire de jeu des enfants et dessert collective, où croissent d'abondance rosiers, lauriers, bambous. La campagne à Paris ! La grande variété architecturale, entre maisons neuves et pavillons anciens, a conservé toutes les caractéristiques du passé bellevillois donnant un bel exemple d'identité contemporaine de la cour parisienne entre réhabilitation et constructions récentes, espace commun partagé.  





Accès 14/16 rue de l’Ermitage et 313 rue des Pyrénées - Paris 20
Métro Jourdain ligne 11 ou Pelleport ligne 3bis

La Villa de l'Ermitage, voie privée bucolique, trottine joyeusement à travers la verdure. Petites maisons de ville, pavillons, ateliers d’artistes bordés de jardinets et de courettes, les constructions hétéroclites pleines de charme se distinguent par leurs portails en fer forgé ouvragés, des volets colorés et la végétation entretenue avec soin par les riverains. Palmiers, glycines, lilas, rosiers, vignes vierges, magnolias, cerisiers verdoient toute l’année et s’épanouissent en gerbe de fleurs au gré des saisons. Ce havre de paix, a préservé un esprit bohème et populaire. Bicoques branlantes, échoppes d’artisans et bistrots auvergnats sont le symbole du vieux Belleville. La Villa de l’Ermitage est un confetti verdoyant, mémoire d’un quartier disparu célébré par les photographies de Willy Ronis. Passage parcellaire typique du début du siècle, à la limite de Ménilmontant, la villa est indiquée sur le cadastre de la commune de Belleville dès 1812. A partir de 1857, elle est réellement bâtie pour devenir une allée bordée d’habitations. Le règlement d’urbanisme est plutôt souple au XIXème siècle. La Villa de l’Ermitage semble avoir bénéficié d’un statut particulier avec des contraintes de gabarit. Les maisons ne dépassent pas 3 mètres de hauteur. Ateliers industriels, machines à vapeur y sont interdits pour en préserver le cadre. En 1877, un arrêté préfectoral réunit la Villa de l’Ermitage à une partie de l’ancien Passage de l’Est.




Accès 33 rue Borrégo - Paris 20
Métro Saint Fargeau ligne 3bis

La Villa Borrégo, étroite venelle percée en 1909, trottine en pente douce sur les hauteurs du quartier Saint-Fargeau. Voie privée ouverte à la circulation par arrêté du 23 juin 1959, son exiguïté assure sa discrétion et semble être la clé de sa quiétude heureuse. A l’origine bordée par un habitat ouvrier typique du début du XXème siècle, la Villa Borrégo déploie une joliesse sans prétention exempte d’architecture somptuaire. Pierre de meulière, briques rouges, balcons en fer forgé, les façades charmantes envahies par le lierre souligne la préciosité des jardinets amoureusement entretenus. Longue d’à peine 52 mètres et large de trois, la ruelle se hisse avant de s’achever en impasse jusqu’à un escalier escarpé. Plongé dans un bouillonnement de verdure, il dissimule l’accès à une invisible maison, d’autant plus intrigante… 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.