Paris : 10 impasses pittoresques, florilège étonnant de ruelles dépaysantes à Paris

 


Les 10 impasses pittoresques sélectionnées par la rédaction révèlent les multiples facettes de Paris. Ces lieux étonnants se distinguent par leur échelle à taille humaine des vastes artères haussmanniennes, et autres avenues de la ville somptuaire, celle des monuments prestigieux et des adresses institutionnelles. Dépaysement inattendu, îlots de quiétude parfois au cœur même des quartiers les plus animés, les ruelles originales éclairent l’histoire de la ville, son urbanisation, sa perpétuelle réinvention. Elles incarnent l’idée d’un Paris plus authentique, escales imprévues d’un voyage à travers le temps. Arpenter ces impasses secrètes, comme se traversent les siècles permet de redécouvrir la ville loin des circuits touristiques, sous un angle différent, plus incarné. Les intrigantes venelles, vestiges du Vieux Paris côtoient les initiatives modernistes inspirantes. Reliquats du plan d’urbanisme, antérieurs aux grands travaux d’Haussmann, ancien parcellaire jusqu’au ruelles méconnues des arrondissements excentrés, ces découvertes impromptues invitent à emprunter les chemins de traverse. Réminiscences bucoliques, médiévales, ouvrières des anciens villages. Le territoire de la ville réinventé au fil des siècles, en mutation constante, conserve la trace d’époques lointaines, des aspirations poétiques de ceux qui se sont engagés pour leur préservation. Laissez-vous séduire par les charmes insolites de ces 10 impasses pittoresques !





Accès 177 rue Saint-Denis - Paris 2
Métro Réaumur Sébastopol lignes 3, 4

La rue Saint-Denis, ancienne voie romaine tracées dès le Ier siècle puis voie royale menant du Pont au Change à la Basilique Saint-Denis nécropole royale, est au Moyen-âge la plus longue et la plus prospère de Paris. Elle sera l'une des premières à être pavée. Au XXème siècle, perdant de son lustre, elle se pose en témoin de l'évolution des mœurs et devient l'un des hauts lieux de la prostitution. Avec la récente réhabilitation du quartier Bonne Nouvelle mis en place par la Ville, la rue Saint-Denis est à nouveau en train de changer de visage. Si quelques boîtes de strip-tease font de la résistance, les entraîneuses ne battent plus le trottoir. Boutiques de prêt-à-porter, commerces alimentaires, restaurants, bars fleurissent avec l'arrivée d'une nouvelle population. Ici et là au détour d'une étroite ruelle, le flâneur croise le chemin de pépites architecturales, autant d'évocations hors du temps d'un Paris médiéval depuis longtemps disparu. Immeubles en saillie, lumière limitée, ruisseau axial anachronique, au 177 de la rue, l'impasse Saint-Denis projette le promeneur à travers les siècles.






Accès 38 rue des Francs-Bourgeois - Paris 3
Métro Saint Paul ligne 1

Alors que la rue des Francs-Bourgeois offre l'aspect animé des artères commerçantes parisiennes, l'impasse des Arbalétriers, qui s'ouvre au niveau du numéro 38, contraste par le calme de son charme pittoresque. Petite voie médiévale datant du XVème siècle, elle trottine sur les pavés disjoints entre deux hôtels particuliers du XVIIème siècle dont les corps de logis en encorbellement viennent parfaire l'illusion d'un voyage dans le temps. Sur la rive droite de la venelle, l'hôtel Poussepin où est niché le Centre Culturel Suisse fastueusement rénové et entretenu contrairement à la rive gauche, date d'environ 1620. Successivement Allée des Arbalétriers, impasse Barbette puis impasse des Arbalétriers, la légende de cette ruelle attire la curiosité des flâneurs. Ses allures médiévales préservées entretiennent le mythe. Lutte de pouvoir, violence, sexe, l'impasse des Arbalétriers fut probablement le lieu d'un épisode qui marqua l'histoire de France par ses conséquences, l'assassinat du duc d'Orléans en 1407.





28 rue Vieille du Temple - Paris 4
Métro Saint Paul ligne 1

La rue du Trésor, en réalité d’une impasse, débute au 26 rue Vieille du Temple. L’exquise enclave arborée fait les délices des amateurs de terrasses. Sa quiétude hors du temps semble à peine troublée les soirs d’été par l’enthousiasme de ces derniers. Plates-bandes fleuries, buissons foisonnants distillent de doux parfums champêtres. La faible hauteur du bâti et son élégante largeur de douze mètres laissent à la lumière naturelle le champ libre. Les boutiques du rez-de-chaussée en rajoutent dans la luxuriance des couleurs. Les cafés et restaurants animés, tables débordant sur les pavés, font de cette discrète venelle l’un des lieux des plus prisés du Marais. La rénovation méticuleuse de la rue du Trésor en 2004 lui a définitivement redonné un air pimpant.





Accès 83 rue de Reuilly - Paris 12
Métro Montgallet ligne 8

L’impasse Mousset, dans le quartier Picpus Daumesnil a des allures radieuses de campagne à Paris. Venelle s’échappant de la rue de Reuilly, elle cahote sur des pavés disjoints au charme authentique. Les bicoques colorées pas trop retapées, façades envahies de végatation, joliment conservées dans un certain jus, bordent cette curiosité du vieux Paris toujours vivace. Ici, peu de changements sont survenus depuis le XIXème siècle. L’impasse Mousset est l’une des nombreuses échappées pittoresques qui débouchent sur la rue de Reuilly, ancien chemin médiéval, axe important du commerce de Paris jusqu’à Charenton et Saint-Maur. Passages et courettes, soigneusement planquées derrières des grilles, dissimulés au fond de profonds passages cochers, ne se laissent pas toujours approcher, jalousement gardés. L’impasse Mousset, ainsi que la cour d’Alsace-Lorraine dont je vous parlais ici font exception. Ancien passage industriel typique du faubourg, l’impasse Mousset est toujours largement ouverte sur la voie principale. Si l’activité a évolué, l’animation dans les ateliers perdurent. Aujourd’hui, ils sont occupés par des artisans ou bien ils ont été repensés dans les années 1990, à la suite d’une campagne de réhabilitation, pour devenir des habitations, des lofts et des espaces de travail.





Accès entre le 86 et 88 rue Didot - Paris 14
Métro Plaisance ligne 13

La Villa Mallebay est typique du XIVème arrondissement. Sur la rue Didot, façades haussmanniennes en pierre de taille et immeubles de briques rouges ou grises dans la pure tradition faubourienne ont des allures typiquement parisiennes. Ici les constructions contemporaines n'ont pas encore fait leur chemin, les grands travaux des années 1970 n'ayant pas atteint cette partie du XIVème arrondissement. Si l'ensemble paraît néanmoins très urbain, l'incursion dans les petites villas en impasse qui s'éparpillent depuis la rue principale permet au flâneur de changer complètement d'atmosphère. Sur ce territoire aux sols instables minés par les carrières souterraines, les maisons ouvrières de dimension réduites datant du XIXème siècle ont été préservées. Les nombreux passages, villas, cités rappellent les origines modestes du quartier urbanisé de façon plus ou moins anarchique mais dans l'idée de rassemblement communautaire. Ce caractère spécifique du lotissement relativement préservé est l'un des grands attraits du quartier Didot aujourd'hui. 





Accès par le 150 rue d'Alésia - Paris 14
Métro Plaisance ligne 13

Dans le quartier de Plaisance, "entre la rue Didot et la rue de Vanves" comme le chantait Georges Brassens qui y vécut vingt-deux ans, de 1944 à 1966, débute au 150 rue d'Alésia une curieuse petite allée. Le site est protégé depuis la modification du plan d'occupation des sols en 2000. De nos jours, l'impasse Florimont rescapée des promoteurs immobiliers du fait d'une parcelle compliquée à bâtir est un lieu de pèlerinage pour les amoureux du poète. Annoncée par la grande reproduction d'une photographie datant d'avril 1957 représentant le chanteur guitare à la main, l'impasse Florimont date du XIXème siècle. De la ruelle populaire aux façades lépreuses, aux maisonnettes décrépites, habitat précaire d'un Paris miséreux, il demeure l'étroitesse et la modestie des constructions. La chaussée aux pavés disjoints au milieu de laquelle coulait un rigole égout à ciel ouvert a été remplacée aujourd'hui par des dalles de béton. Les habitations ripolinées de frais, couleurs pimpantes, jaune citron et bleu céruléen, blanc riant et plantes en pots offrent un charmant contraste avec la très urbaine rue d'Alésia. Un peu d'histoire sur les traces de Brassens.





Accès par le 27 rue des Plantes - Paris 14
Métro Alésia ligne 4

Dans le quartier du Petit-Montrouge, non loin de la place Victor et Hélène Basch, un passage typique du XIVème arrondissement a su préserver une partie de son charme authentique. Voie publique depuis 1991, l'impasse du Chemin-Vert est bordé côté impair de maisonnettes déployées sur une vingtaine de parcelles. Jardins privés et cours abondamment fleuris donnent des allures champêtres à cette venelle discrète. Néanmoins, ce paysage urbain pittoresque a été altéré par des constructions plus récentes. Sur la rive paire, l'espace allant du numéro 10 au 20 est occupé par un vilain immeuble sans âme datant des années 70 qui s'élève sur douze niveaux. Accessible par les 92 et 94 rue d'Alésia, il a considérablement changé l'atmosphère de la ruelle. Le caractère originel du lotissement s'exprime à partir du numéro 22 tandis qu'il a été préservé rive impaire. Une parenthèse de béton fort contrariante pour les amoureux de la ville mais qui par contraste souligne l'attrait de ses voisines.





Accès entre les numéros 120 et 122 avenue Mozart - Paris 16
Métro Michel-Ange Auteuil lignes 9, 10

La Villa Flore, élégante impasse du quartier d’Auteuil, s’ouvre entre les numéros 120 et 122 de l’avenue Mozart percée en 1867 à l’occasion des grands travaux de modernisation de Paris menés sous le Second Empire par le préfet de la Seine, le baron Haussmann. Plus tardive, la villa Flore est ouverte en 1909 sur des terrains appartenant à Jules Brégère, un architecte établi au 118 avenue Mozart, qui baptise la ruelle en hommage à son épouse. Cet homme d’affaires avisé s’est lancé, dès 1899, dans la spéculation immobilière et le lotissement de parcelles. Il se porte acquéreur de nombreux terrains à Paris, avenue Mozart notamment, et à Boulogne Billancourt où il donne son patronyme à la rue Jules Brégère rebaptisée rue Esnault-Pelterie dans les années 1980. Ouverte à la circulation publique par arrêté du 23 juin 1959, la villa Flore possède un charme bourgeois indéniable. Néanmoins son intérêt principal réside dans le face à face de deux constructions signées de l’architecte Hector Guimard. Ces deux édifices très dissemblables, élevés à quinze ans d’intervalle, illustrent l’évolution du style Guimard et les tentatives Art déco d’une fin de carrière un peu triste.  





Accès 9 rue du Docteur Blanche Paris 16
Métro Jasmin ligne 9

La rue Mallet-Stevens, dans le quartier d’Auteuil, illustre avec force les théories architecturales et esthétiques développées par Robert Mallet-Stevens (1886-1945) dès 1917. Auteur de l’ensemble du lotissement initial commandité par l’homme d’affaires Daniel Dreyfus, l’architecte a choisi de déployer la voie sur le modèle des villas parisiennes. L’impasse inaugurée le 20 juillet 1927 débute au numéro 9 de la rue du Docteur Blanche. Page d’histoire à ciel ouvert du mouvement moderne, elle incarne l’élan de renouveau formel de l’architecture résidentielle durant l’Entre-deux-guerres à Paris. La séquence homogène conçue comme un espace en creux sculpté par l’architecte, est l’une des oeuvres majeures de Robert Mallet-Stevens. Chaque résidence privée - cinq hôtels et une maison de gardien - appartient à un grand ensemble, un corps architectural indivisible, moderne, rationnel, spectaculaire.





Accès 30-32 avenue de Clichy - Paris 18
Métro Place de Clichy ligne 2, 13

Impasse Antin puis passage Béranger et enfin impasse des Deux-Néthes par arrêté du 1er février 1877, la ruelle rustique laissée dans son jus, pittoresque et improbable aux charmes décatis. Maisons villageoises et petits immeubles d'un côté et square des Deux-Néthes de l'autre, l'impasse particulièrement étroite évoque le parcellaire historique des lieux. En 1872, située à l'extrémité des Batignolles, le passage Béranger, future impasse des Deux-Néthes part des rues Capron et Forest pour aboutir à la rue des Carrières. Il donne sur une sorte de terrain vague où se sont accumulées des constructions de bois rappelant les chalets du maquis de Montmartre tout proche. Les habitations sont reliées entre elles par des escaliers extérieurs. Ici et là de pauvres jardinets dépérissent tandis que la vue donne sur les chantiers d'extraction de gypse et de pierre. A la fois pittoresque et fort misérable, la ruelle est le lieu de trafics divers d'un Paris interlope, repaire de truands corses et marseillais. Au numéro 5 de l'impasse Béranger, une sorte de cité ouvrière s'ouvre sur des habitations en planche couvertes de carton bitumé formant un carré longé d'une galerie extérieure. Dissimulé au regard, un tripot clandestin, chambre secrète suspendue comme un décor d'opéra, y remporte un franc succès. Le concierge est chargé d'en surveiller l'entrée en manœuvrant des ponts de bois tournant sur eux-mêmes qui protège la salle de jeu des interruptions policières. Plus tard, au XXème siècle la tradition de ce lieu se perpétue sous une forme légèrement différente. Entre-deux-guerres, à l’emplacement du square des Deux-Nèthes se trouve le bal du Petit Jardin, un musette mal famé, où se produisent en 1935, alors inconnus la Môme, Édith Piaf et le débutant Django Reinhardt. 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.