Paris : 10 vestiges étonnants à Paris, mémoire de la ville gallo-romaine, médiévale, Grand Siècle, Belle Epoque


 

Trésors méconnus de Paris, témoignages de l’histoire et de l’urbanisation depuis l’Antiquité jusqu’au XIXème siècle, de nombreux vestiges étonnants proposent de véritables voyages dans le temps. Dans les jardins publics, dans les cours d’immeuble, conservés dans les musées, ces quelques pierres épargnées par le cycle de démolition et de reconstruction ont traversé les âges. Parvenus jusqu’à nous, ces souvenirs préservés se font discrets, intégrés au paysage urbain et parfois même aux nouveaux édifices. Anciennes enceintes défensives Philippe Auguste, Charles V, fortifications de Thiers, portions de murailles, fragments d’arcades, portails orphelins, tours solitaires, frontons incongrus, segments de colonnes, témoignent de l’histoire parisienne, à laquelle est consacré le Musée Carnavalet. Les vestiges gallo-romains du Quartier Latin mis à jour à l’occasion des grands travaux d’Haussmann sous le Second Empire dialoguent avec les éléments mérovingiens révélés par les aménagements des plus anciennes églises. Dans le Marais, certains hôtels particuliers disparus du Grand Siècle hantent encore les rues. Les structures éphémères des Expositions Universelles du XIXème siècle ont trouvé de nouvelles fonctions. Succession du bâti, accumulation des strates édifiées, la ville en perpétuelle évolution livre à chaque fois des secrets archéologiques inédits à l’occasion de vastes chantiers. La rédaction a sélectionné 10 vestiges étonnants à ne pas manquer !





6 rue Beautreillis - Paris 4
Métro Saint Paul ligne 1

Le Portail de l’hôtel Jean-Louis Raoul au 6 rue Beautreillis est le dernier vestige d’un hôtel particulier qui datait de 1606. Plus tardif, le porche du XVIIIème surmonté d’un fronton triangulaire, s’inscrit curieusement à l’avant d’un immeuble moderne typique des années 1960. Naufragé anachronique, délicieuse incursion du temps passé dans notre quotidien contemporain. Dans un état de délabrement certain, le portail à refends, sa porte en bis et ses vantaux ouvragés, sont la cible régulière de vandalisme. Démoli au milieu des années 1960, l’hôtel Raoul est probablement le dernier hôtel particulier du Marais à subir ce sort avant l’application de la loi Malraux promulguée en 1962, en faveur de la préservation du patrimoine architectural du Marais, désormais secteur sauvegardé. L’inscription gravée au tympan du portail « Hôtel de Jean-Louis Raoul », apposée à l’occasion de sa disparition, préserve le souvenir de ce qui fut. Mais l’élégante décrépitude cache un véritable casse-tête concernant le financement d’une très souhaitable restauration. En attente d’une solution, de mécènes, d’un bienfaiteur, Le Portail de l’ancien hôtel Jean-Louis Raoul patiente encore un peu.





Accès 49 rue Monge - rue des Arènes - Paris 5
Horaires : Tous les jours de 9h à 18h durant l'hiver et de 8h à 19h30/20h30 durant l'été
Métro Place Monge ligne 5

Vaste lieu de spectacle en plein air, ouvrage mixte, scène et arènes, les Arènes de Lutèce ont été pensées dès l’origine pour accueillir à la fois des représentations de théâtre, de danse et des jeux du cirque, chasses, combats de gladiateurs, d’animaux. L’amphithéâtre, édifié entre le Ier et le IIème siècle sur le flanc de la future Montagne Sainte Geneviève, a longtemps été considéré comme définitivement perdu. Dès le IIIème siècle, son souvenir peu à peu s’étiole. Néanmoins, la mémoire de ce site gallo-romain perdure dans la tradition géographique jusqu’au Moyen-Âge où il est fait mention dans un document officiel d’un clos des arènes. Avec le nivellement des sols, l’érosion des structures et les pierres enlevées pour servir à d’autres constructions, notamment l’enceinte Philippe-Auguste, l’idée de l’emplacement se fait de moins en moins précis jusqu’à sombrer tout à fait dans l’oubli. En 1869, à l’occasion des travaux d’aménagement de la rue Monge percée en 1860, la mise à jour de vestiges de la partie nord des Arènes de Lutèce sonne comme une redécouverte inespérée. Cependant, il faudra la ferme intervention de la Commission du Vieux Paris, intervention menée par Victor Hugo et Victor Duruy, pour qu’elles soient classées au titre des monuments historiques par arrêté du 31 mars 1884. 





- Square Henri Galli - 9 Boulevard Henri IV - Paris 4
Métro Sully-Morland ligne 4
- Vestiges dans le Métro - Station Bastille ligne 5 - Quai direction Bobigny 
- Marquage au sol place de la Bastille - Paris 11
Métro Bastille lignes 1, 5, 8
- Pont de la Concorde - Paris 7
Métro Concorde lignes 1, 8, 12 

Symbole fort de la justice monarchique arbitraire mis à bas par la vindicte populaire, la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 n’aura en réalité libéré que sept prisonniers et aucun du fait du roi. La démolition de cette prison d’Etat est ordonnée dès le 16 juillet. Sous la houlette de l’entrepreneur Pierre-François Palloy, la forteresse est démantelée en vingt-et-un mois par plus de huit cents hommes qui attaquent les murs tout d’abord à la pioche avant de raser la prison jusqu’aux soubassements. En moins de trois ans, il ne reste plus rien de la Bastille qu’un terrain vague peu à peu grignoté par la ville en évolution. De nos jours, les très rares vestiges visibles du fort sont des reliquats des fondations découverts lors de travaux postérieurs dans les sols de la place. Présentés dans des lieux pas exactement propices, ces témoins historiques assez peu spectaculaires n’en demeurent pas moins assez émouvants.






7 place Jean Paul II - Paris 4
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h - Fermé le lundi et certains jours fériés
Métro Cité ligne 4

La Crypte archéologique de l’Île de la Cité, la plus importante d’Europe, invite au voyage à travers les âges, de Lutèce au Paris haussmannien. Ce musée de la Ville de Paris témoigne par la richesse des vestiges présentés in situ de l’évolution urbanistique de l’Île de la Cité de l’Antiquité jusqu’au XIXème siècle. Site remarquable, il retrace dans ses pierres deux mille ans d’histoire. Au centre de la Crypte archéologiques, les thermes gallo-romains sont puissamment évoqués grâce aux vestiges du système de chauffage par le sol, dit hypocauste. Le Moyen-Âge apparaît avec de rares éléments de la basilique mérovingienne de Saint Etienne disparue. Le site héberge également une parcelle des sous-sols de l’ancienne chapelle de l’ancien Hôtel-Dieu construit du VIIème au XVIIème siècle puis rasé en plusieurs étapes entre 1867 et 1878 pour faire place de l’autre côté du parvis de Notre Dame au nouvel Hôtel Dieu, un ensemble plus conséquent. Les caves et fondations des maisons médiévales de l’ancienne rue Neuve Notre Dame tracée au XIIème siècle pour faciliter le transport des matériaux vers le site de la nouvelle cathédrale, convoque le souvenir émouvant d’un Paris médiéval, aux ruelles étroites, à l’urbanisation dense. Plus loin, le XVIIIème siècle rejoint le cortège des mémoires successives, avec les soubassements de l’Hospice des Enfants Trouvés, édifice construit par l’architecte Germain Boffrand entre 1746 et 1749. Le tracé des égouts haussmanniens, halte ultime à travers les siècles, transporte les visiteurs au XIXème.
  




Accès 148 rue du Faubourg Saint-Denis - 25 rue d'Alsace - Paris 10
Passage Privé
Métro Gare du Nord lignes 4, 5

Le passage Delanos, ancien raccourci entre les gares du Nord et de l'Est, aujourd'hui voie privée accessible uniquement après avoir passé un digicode, évoque le souvenir des vacheries à Paris. Disparues au début du XXème siècle, ces étables au cœur de la ville, fournissaient du lait cru et frais aux citadins. Côté rue du Faubourg Saint-Denis, la vaste porte cochère ouvrant sur le passage Delanos est surmontée d'une tête de vache qui indiquait autrefois la nature particulière de l'ensemble. Rénové avec goût, joliment entretenu et abondamment fleuri, ce chemin de traverse est une pépite parisienne qui se veut discrète. Le passage Delanos se déploie sur trois courettes en enfilade longues d’une centaine de mètres. Les deux premières datent des années 1830 tandis que la dernière est plus tardive. Construite sous le Second Empire, elle a été alignée perpendiculairement aux deux autres. L'architecture du rez-de-chaussée des premières cours, divisée en cellules, évoque encore les étables où se trouvaient les vaches. Chaque cour comprend quatre escaliers, quatre accès aux bâtiments.





128 quai de Bercy - Paris 12
Accès rue Paul-Belmondo, rue Joseph-Kessel, rue de l'Ambroisie, rue François-Truffaut, quai, boulevard et rue de Bercy, rue de Cognac, rue de Pommard, cour Chamonard
Métro Bercy lignes 6, 14

Le Parc de Bercy marqué par le souvenir du plus grand marché aux vins et spiritueux XIXème siècle se situe entre l’ultra-moderne Palais Omnisport de Bercy et le cour Saint-Emilion sorte d’hommage à ce glorieux souvenir. Les architectes Marylène Ferrand, Jean-Pierre Feugas, Bernard Leroy, Bernard Huet et les paysagistes Ian Le Caisne et Philippe Raguin ont entièrement repensé ce quartier, le réaménageant pour faire de cette zone jusqu’alors boudée par les Parisiens un pôle d’attractivité. Mêlant avec esprit passé et présent, le parc de Bercy ouvert partiellement au public dès 1994, a été officiellement inauguré le 1er janvier 1997. Composition paysagère divisée en trois sections de jardins thématiques, le parc est d’un agrément singulier. Dunes reconstituées, orangerie, belvédère, l’espace « Le Parterre » propice à la flânerie développe des allures très XVIIIème. En bordure de parterres, ce trouve un mystérieux reliquat de cette époque, d’intrigantes ruines, vestiges d’une folie qui aurait appartenu au domaine du Petit Château de Bercy. Deux pans de mur d’une bâtisse évoquent la chambre ayant peut-être caché les amours de quelque gentilhomme et d’une danseuse.




Jardin de l'hôpital Broca 54-56 rue Pascal - Paris 13
Angle des rues Pascal et de Julienne - Paris 13
Métro Les Gobelins ligne 7

A l'angle des rues Pascal et de Julienne, devant un bâtiment récent peu gracieux, les vestiges du couvent des Cordelières du XIIIème siècle contrastent par le raffinement gothique de leur silhouette. Préservés grâce à l'intervention de la Commission du Vieux Paris lors de la construction de l'hôpital Broca moderne entre 1972 et 1982, ils font partie des curiosités médiévales de la Capitale. Du couvent en lui-même, sont parvenues jusqu'à nous les baies en arc cintrée de l'ancien dortoir, les troncs de colonnes et chapiteaux provenant peut-être du cloître. Une promenade pavée dans les jardins du Centre de Gérontologie Clinique reprend le tracé de l'ancienne église attenante disparue. Exemple frappant de l'architecture rayonnante d'un Moyen-Âge parisien, ces ruines se dressent anachroniques et poétiques au cœur d’un îlot peu gracieux. Les fenêtres moins larges que les canons du gothique flamboyant, disposent de moins de lancettes et sont surmontées par un oculus polylobé, élément décoratif typique de ce style. L'histoire des lieux est des plus surprenantes.  





17-19 rue Pierre Demours et 28 rue Bayen - Paris 17
Métro Ternes ligne 2

Le village des Ternes fait partie de ces quartiers parisiens qui ont su conserver un certain charme malgré une pleine intégration à la ville. Si le style y est plutôt haussmannien, le promeneur attentif peut y découvrir à loisir de nombreuses curiosités rappelant avec bonheur l’histoire de Paris. C’est le cas aux 17 et 19 rue Pierre Demours, d’une singulière bâtisse au ventre percé d’un passage vouté où vaquent les piétons. Deux belles façades XVIIIème aux hautes fenêtres cintrées qui furent l’avant-corps central d’un ensemble plus vaste et un étonnant portail esseulé sont les seuls vestiges du château des Ternes autour duquel s’est développé le hameau éponyme. Inscrite au titre des monuments historiques le 13 juin 1949, cette bizarrerie architecturale ne manque pas de charme. A la Révolution, le hameau des Ternes est intégré à Neuilly puis en 1860 rattaché à Paris. Si le château des Ternes revit quelques temps les fastes d’antan sous l’impulsion de la famille Saint-Senoch, la poussée urbaine du XIXème siècle aura raison des derniers reliquats du domaine. Terrains et bâtiments sont finalement démantelés pour n’en laisser que les vestiges visibles rues Pierre Demours et Bayen. 





Moulin Blute-fin 75/77 rue Lepic / Moulin Radet angle 83 rue Lepic et 1 rue Girardon - Paris 18
Métro Lamarck Caulaincourt ligne 12

Le Moulin de la Galette, célèbre bal public de Montmartre, a permis grâce à sa réputation de préserver les deux derniers moulins de la Butte. La guinguette originelle a été constituée sur un terrain entre ces deux rescapés de la grande urbanisation, le Blute-fin et le Radet. Rue Lepic, ils ravissent les touristes venus des quatre coins du globe. Dans l’axe de la rue Tholozé, le Blute-fin s’aperçoit de loin, perché sur une colline, propriété privée qui n’est pas accessible au public, tertre élevé sur lequel les Romains avaient bâti un temple dédié au dieu Mars. Le Radet, charpente vide des plus pittoresques, est désormais planté sur le toit d’un restaurant, sorte d’enseigne monumentale dont l’image a fait le tour du monde. Rendu célèbre grâce aux peintres de la Butte, Renoir, Toulouse-Lautrec, Steinlein, Van Gogh, le Moulin de la Galette convoque par ses imaginaires l’histoire du village de Montmartre, de sa bohème et ses nuits déchaînées. Guinguette en 1830, cabaret dès 1870, et music-hall à partir de 1924, studio en public d’émissions de radio et de télévision, studio de l’ORTF qui disparaît en 1974, le Moulin de la Galette appartient désormais à la légende de Montmartre.




- Cour Marly du Louvre - Paris 1 
Métro Palais Royal Musée du Louvre lignes 1, 7
- Hall sous le Carrousel du Louvre - Paris 1
Métro Palais Royal Musée du Louvre lignes 1, 7
- Jardin des Tuileries, en bordure de la terrasse le long de la Seine - Paris 1
Métro Palais Royal Musée du Louvre lignes 1,7
- Cour de l’Ecole des Beaux-Arts - visible depuis le quai Malaquais - Paris 6
Métro Palais Royal Musée du Louvre lignes 1,7
- Jardins du Trocadéro - Paris 16
Métro Trocadéro lignes 6, 9
- Square Georges Cain - 8 rue Payenne - Paris 3
Métro Saint Paul ligne 1
- Cour de l’immeuble 9 rue Murillo - Paris 8
Métro Courcelles ligne 2
- Cour de l’Ecole spéciale d’architecture 254-266 boulevard Raspail - Paris 14
Métro Raspail lignes 4, 6

Le Palais des Tuileries, détruit par un incendie volontaire durant l’insurrection de la Commune en 1871, a connu un destin rocambolesque. Sa construction débute en 1564 à l’initiative de Catherine de Médicis qui souhaite s’établir dans une nouvelle résidence parisienne. Elle choisit des terrains occupés par trois fabriques de tuiles, dont la présence est attestée dès 1372. Le lieu-dit des Thuilleries transmettra son nom au palais. L’architecte Philippe Delorme expire avant d’avoir mené à bien le projet. Jean Bullant prend le relais. A l’initiative de Louis XIV, le château est entièrement remanié par Louis Le Vau entre 1659 et 1666. La façade immense se prolonge sur 266 mètres, 328 mètres si les pavillons de Marsan et de Flore sont pris en compte. Tour à tour résidence des souverains et haut lieu de la Convention, plutôt château sous la Monarchie, l’appellation Palais s’impose sous l’Empire. Symbole du pouvoir royal, le Palais des Tuileries connaît de nombreuses avanies à chaque changement de régime. La Commune en 1871 marque sa destruction dans un terrible incendie volontaire qui durant trois jours ravage entièrement l’intérieur. Si les murs épais, les façades résistent au feu, ses ruines vendues aux enchères vont être dispersées à travers toute l’Europe et jusqu’en Amérique du Sud. A Paris, à condition d’être vigilants, quelques fragments éparses se cachent, quasiment incognito, rarement signalés mais toujours émouvants.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.