Paris : La Place de Furstemberg à Saint Germain des Prés n'existe pas - VIème


La place de Furstemberg, ces airs délicieux de calme province à l’ombre des paulownias, n’existe pas. La placette que tous les Parisiens désignent sous ce nom est en réalité un tronçon élargi de la rue établie sur l’ancienne avant-cour du palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés. Le pittoresque du lieu a inspiré photographes, peintres et cinéastes tous séduits par son atmosphère à part. Le flottement au sujet de l’orthographe de Furstemberg, Fürstenberg, Furstenberg est le fruit de la mondialisation. Selon la nomenclature de la ville de Paris, la graphie francisée du nom prévaut. Mais dans l’usage commun la rue de Furstemberg est plutôt désignée à l’allemande, Fürstenberg, un n et un tréma. Ou pas de tréma d’ailleurs car ce sont les touristes anglophones plus familiers avec cette orthographe qui la diffusent largement. Ainsi parée de mystères, de dénominations multiples, voire même absente de tout registre officiel, la place de Furstemberg n’existe pas.

Arbre abattu rue de Furstemberg. Pourquoi le paulownia de la place a-t-il été coupé ? L'abattage était-il évitable ? Retrouvez l'article complet ici.







En 1697, le cardinal Guillaume-Egon de Fürstenberg (1629-1704) devient abbé de Saint-Germain-des-Prés. Deux ans plus tard, il entreprend d’aménager les abords du palais abbatial en créant notamment deux nouveaux accès indépendants de l’abbaye. Il fait ouvrir les rues de la Paroisse, future Furstemberg en son hommage, et Cardinale sur les terrains de l’enclos dans la perspective du palais. 

La rue de la Paroisse, brièvement rue de Wertingen sous l’Empire, apparaît sur le plan général de l’abbaye dressé par Sanvy en 1723 sous la dénomination de Furstemberg. A ce moment, la placette désignée sous la mention de cour des Ecuries ne fait pas encore partie de la voie. Elle prolonge en avant-cour le palais dont le portail donne alors sur la rue du Colombier, notre actuelle rue Jacob. A l’angle de la place, au numéro 4 de la rue de Furstemberg se trouve un vestige du décor de celle-ci, un pot à feu du XVIIème siècle. 











Le petit carré arboré s’il n’est pas officiellement la place Furstemberg attire depuis longtemps les artistes par sa sérénité très picturale. Au numéro 4, dans les années 1960, se trouve l’un des ateliers du peintre Balthus. Aux numéros 6 et 8, les anciennes dépendances du palais abbatial parées de leurs façades de briques rouges et de pierre conservent dans leur structure même le souvenir de leur vocation première. Dans les anciens communs du palais, au rez-de-chaussée, se trouvaient les écuries et les remises tandis que les domestiques logés dans les étages. 

Au numéro 6, la voûte à grande arcade charretière rappelle qu’elle laissait passait de vastes attelages. Eugène Delacroix y tient son atelier de 1857 à 1863, date de sa mort. Le peintre choisit ce lieu afin de se rapprocher d’un chantier d’envergure. Il a reçu commande de trois fresques pour la chapelle des Anges de l’église Saint Sulpice en 1849 et le travail se prolonge jusqu’en 1861. Son appartement sur cour au premier étage jouxte son atelier au rez-de-chaussée sur jardin. Un temps menacé de destruction, le lieu est préservé grâce à la mobilisation de Paul Signac grand admirateur de Delacroix. Dans les années 1920, un musée voit le jour à l’initiative de Société des Amis d’Eugène Delacroix. Il ouvre pour la première fois au public en 1932 à l’occasion d’une exposition et devient musée national en 1971. Dans cette même bâtisse de 1865 à 1866, Frédéric Bazille et Claude Monet partagent un atelier. 










Le dramaturge Jean Anouilh emménage sur la place en 1914 et le compositeur russo-américain Alexandre Tcherepnine, éminent élément de l’Ecole de Paris, y réside lors de son séjour en France jusqu’à la Second Guerre Mondiale.

Rue et Place de Furstemberg - Paris 6
Accès 3 rue Jacob / 4 rue de l’Abbaye 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Editions Rivages
Le guide du promeneur 6è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Louis et Félix Lazare