Symbole fort de la justice monarchique arbitraire mis à bas par la vindicte populaire, la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 n’aura en réalité libéré que sept prisonniers et aucun du fait du roi. La démolition de cette prison d’Etat est ordonnée dès le 16 juillet. Sous la houlette de l’entrepreneur Pierre-François Palloy, la forteresse est démantelée en vingt-et-un mois par plus de huit cents hommes qui attaquent les murs tout d’abord à la pioche avant de raser jusqu’aux soubassements. En moins de trois ans, il ne reste plus rien de la Bastille qu’un terrain vague peu à peu grignoté par la ville en évolution. De nos jours, les très rares vestiges visibles du fort sont des reliquats des fondations découverts lors de travaux postérieurs dans les sols de la place. Si en eux-mêmes, ces témoins historiques sont assez peu spectaculaires d’autant qu’ils sont présentés dans des lieux pas exactement propices, ils n’en demeurent pas moins assez émouvants.
Vestige des fondations de la Tour de la Liberté square Henri Galli - Paris 4 |
La construction de la Bastille débute sous le règne de Charles V, roi fort échaudé par la révolte du peuple de Paris, qui a quitté le palais royal de la Cité pour s’installer dans l’hôtel Saint Pol dans le Marais. Le 22 avril 1370, le prévôt de Paris, Hugues Aubriot pose la première pierre. La Bastille prend peu à peu sa forme définitive en plusieurs séries d’aménagement, pour être tout à fait achevée en 1383. A la même époque, le donjon du château de Vincennes est érigé.
Château-fort destiné à défendre la porte Saint-Antoine et les remparts de l’est parisien, la Bastille se présente comme une protection à la fois contre les ennemis extérieurs et contre les révoltes populaires. Son ultime vocation est de protéger le pouvoir royal en sécurisant la route reliant l’hôtel Saint Pol au château de Vincennes qui deviendra bientôt le siège administratif du royaume.
Gravure de la prise de la Bastille et plan général Vers 1800 |
Découverte des fondations de la Tour de la Liberté, vestiges de la Bastille, lors du percement de la ligne de métro 1 en 1899 |
La Bastille originelle est édifiée selon un modèle classique à quatre tours auquel quatre tours supplémentaires vont s’ajouter sous le règne de Charles VI. Les huit tours porteront le nom de tour du Coin, de la Chapelle, du trésor, de la Comté, de la Bertaudière, de la Basinière, du Puit, de la Liberté. La muraille crénelée se déploie sur 66 mètres de long et 34 mètres de large. Hérissée de tours qui s’élèvent à 24 mètres de haut, la forteresse est entourée de douves larges de 25 mètres, profondes de 8 mètres et alimentées par les eaux de la Seine. L’entrée se fait depuis la rue Saint Antoine. Elle donne sur la cour de l’Avancée occupée par des boutiques et une caserne.
Dès Louis XI, la Bastille prend fonction de prison. Sous François Ier, elle est arsenal royal, entrepôt d’armes mais également lieu de réception. Sous Henri IV, elle devient siège du Trésor royal avant d’embrasser sa destinée avec Richelieu et Louis XIII qui en font une prison d’Etat. Parmi les célèbres détenus, on compte Hugues Aubriot le prévôt de Paris qui posa la première pierre, Voltaire, le marquis de Sade, le Masque de fer, le surintendant Nicolas Fouquet ou encire l’aventurier Cagliostro.
Vestiges du mur de la contrescarpe du fossé de la Bastille Métro ligne 5 - Station Bastille - Direction Bobigny |
Lorsqu’au lendemain d’une prise rocambolesque débute le démantèlement le 16 juillet 1789, les différents gravats trouvent vite preneurs. La majorité des pierres issues de cette destruction est réutilisée. La nature ayant horreur du vide, c’est tout d’abord pour la construction progressive d’habitations gagnant peu à peu sur le terrain vague où se dressait la forteresse que sont employées les blocs. Selon la légende, remise en cause par certains historiens, une grande partie des pierres sont recyclées pour mener à bien la construction du pont de la Concorde (tout d’abord pont Louis XVI puis pont de la Révolution) débutée en 1798 et achevée en 1791 qui se trouve toujours entre la place de la Concorde où était érigée la guillotine et le palais Bourbon aujourd’hui siège du Parlement, du pouvoir du peuple donc.
Pierre-François Palloy, l’entrepreneur qui mène à bien le démantèlement de la Bastille, fait sculpter des maquettes de l’ancienne forteresse dans une partie des pierres, vendues ensuite comme souvenirs. Il offre un modèle réduit à chaque chef-lieu de département. Des malins font commerce des verrous qui deviennent presse-papiers. Les clés de l’ancienne prison deviennent des symboles forts. Lafayette en offrira une à George Washington alors président des Etats-Unis.
Place de la Bastille aujourd'hui |
Gravure représentant la forteresse de la Bastille vers 1750 |
Prise de la Bastille, par Jean-Pierre Houël 1789 |
Marquage au sol - place de la Bastille |
La Bastille semble avoir bel et bien été totalement dispersée. Mais en 1899 lors de la construction de la ligne 1 du métro parisien, les ouvriers mettent à jour des fondations de la tour de la Liberté. Les vestiges du soubassement sont soigneusement démontés et reconstruits plus tard dans le square Henri Galli au bout du pont de Sully, un jardin public construit en 1925. De nos jours, dans une sorte de jardinet arrondi où pousse une végétation drue, les vestiges de la tour, muret historique d’une banalité apparente, dissimule au regard une cabane de jardiniers, dans une mise en scène très bucolique et décalée.
Découvert en 1905 lors du percement de la station Bastille de la ligne 5 du métro parisien, un vestige du mur de la contrescarpe est de nos jours exposé sur le quai direction Bobigny. Au sol de la station, un tracé reprend le plan du talus extérieur du fossé.
C’est ce même type marquage au sol place de la Bastille, dont les pavés plus clairs suivent le tracé en courbe des murs de l’ancienne forteresse, qui est repris pour donner une idée aux visiteurs de ce que fût cet ouvrage fortifié.
Vestiges de la Bastille
Pont de la Concorde - Paris 7
Square Henri Galli - 9 Boulevard Henri IV - Paris 4
Métro ligne 5 - Station Bastille - Quai direction Bobigny
Marquage au sol place de la Bastille
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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