Platanes, marronniers, érables et sycomores, ces arbres centenaires forment un écrin précieux et vénérable pour les jardins à thème du nouveau parc de Bercy. Celui-ci marqué par le souvenir du plus grand marché aux vins et spiritueux XIXème siècle se situe entre l’ultra-moderne Palais Omnisport de Bercy et le cour Saint-Emilion sorte d’hommage à ce glorieux souvenir. Les 14 hectares qui le constituent ont repris l’ancienne trame orthogonale du site marchand originel. Les architectes Marylène Ferrand, Jean-Pierre Feugas, Bernard Leroy, Bernard Huet et les paysagistes Ian Le Caisne et Philippe Raguin ont entièrement repensé ce quartier, le réaménageant pour faire de cette zone jusqu’alors boudée par les Parisiens un pôle d’attractivité. Mêlant avec esprit passé et présent, le parc de Bercy ouvert partiellement au public dès 1994, a été officiellement inauguré le 1er janvier 1997.
Architecture réinventée ou transformation de bâtiments existants, les constructions recomposées bordant les chemins pavés du parc reprennent le tracé des allées du vieux Bercy. Au sol, le promeneur peut distinguer les tronçons des rails où circulaient les wagons-citernes transportant le vin de la Seine aux entrepôts. Composition paysagère divisée en trois sections de jardins thématiques, le parc est d’un agrément singulier. Au sud, le jardin romantique longe la rue Joseph-Kessel. Le point d’orgue de cet espace est délimité par les 400 pieds de vigne plantés par la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement de la Ville de Paris qui chaque année sont vendangés. Traversé par un canal bordé de colonnes d’inspiration antique, les plans d’eau et les bassins abritant des poissons paressent jusqu’à des cascades imaginées par des artistes contemporains. Dunes reconstituées, orangerie, belvédère, propices à la flânerie donnent à cet espace des allures très XVIIIème. C’est d’ailleurs en bordure des parterres, que ce trouve un mystérieux reliquat de cette époque, d’intrigantes ruines, vestiges d’une folie. Deux pans de mur d’une bâtisse évoquent la chambre ayant peut-être caché les amours de quelque gentilhomme et d’une danseuse.
Au Moyen-âge, les folies du latin folia (feuille) sont des résidences d’agrément entourées de jardins arborés généralement en dehors de la ville. Ce que les Italiens de la Renaissance appelaient Villa. Sous le règne de Louis XIII (1601-1643) sur les bords de Seine se bâtissent de nombreuses résidences de plaisance. A partir de la Régence (1715-1723) le terme folie désigne une petite maison luxueuse mais discrète où des hommes fortunés reçoivent maîtresses et courtisanes. C’est donc tout naturellement qu’au cours du XVIIIème siècle, ces villégiatures particulières viennent se nicher à Bercy, tandis que les maisons de rendez-vous privés se disséminent des coteaux de Chaillot, à Passy - le château de Passy, Auteuil - le château de Boufflers, jusqu’au Bois de Boulogne - Bagatelle - ou encore Montmartre avec les folies Montigny, Sandrin ou encore le château des Brouillards. A la fin du XVIIIème siècle, de la Révolution à la Restauration (1814-1830) le terme change de signification et désigne l’ancêtre des parcs d’attraction, de vastes jardins publics agrémentés d’attractions ouvertes à tous d’après le concept anglais des Vauxhalls.
Si j’ai trouvé peu de renseignements concernant les ruines de la folie XVIIIème, jusqu’à soupçonner comme un clin d’œil des architectes, une construction factice très en vogue à cette époque, j’ai eu l’occasion de découvrir le riche passé du quartier de Bercy qui remonte à plus de 5000 an avant JC. Sept mille ans nous séparent de ces hommes qui laissèrent s’embourber dans les marais de Bercy pirogues et arcs en if retrouvés lors des travaux datant de 1991.
A la fin du XVIIème Charles-Henri de Malon, seigneur de Bercy et petit-neveu de Colbert, fait édifier un château sur des plans de Le Vau. Les jardins en terrasse qui descendent jusqu’à la Seine dessinés par Le Nôtre rivalisent de superbe avec les plus belles créations ordonnées par la couronne de France. Détruit en 1861, les vestiges de ce château se trouvent aujourd’hui sur la commune de Charenton-le-Pont. Les communs et les écuries situés 109 et 114 rue du Petit-Château et l’avant-cour au 10 et 16 rue Marius-Delcher laissent place à l’imagination au sujet des splendeurs de cet édifice. Le parc de Bercy actuel a été tracé sur ce qui correspondait aux dépendances du domaine du château de Bercy.
Lorsque Louis XIV (1638-1715) affranchi de droit la grève de Bercy, le marché vinicole se développe avec le tout premier entrepôt destiné au commerce du vin. En 1790 la commune de Bercy est constituée à l’occasion de la création des municipalités par l’Assemblée Nationale puis intégrée à Paris le 1er janvier 1860 à l’instar de Belleville. Libre de taxes, Bercy devient au XIXème siècle à la fois une plaque tournante du commerce et un lieu de divertissement où bourgeois et petit peuple viennent boire et faire la fête. Guinguettes et restaurants accueillent tout Paris venu s’accoquiner. J’y vois là une persistance de l’esprit canaille des folies du XVIIIème qui me fait regarder d’un œil presque attendri les vestiges presque anonymes dressés en bordure du parc de Bercy.
Ruines d’une folie XVIIIème
128 quai de Bercy 75012 Paris
Accès : rue Paul-Belmondo, rue Joseph-Kessel, rue de l'Ambroisie, rue François-Truffaut, quai, boulevard et rue de Bercy, rue de Cognac, rue de Pommard, cour Chamonard
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