Paris : Arènes de Lutèce, vestiges gallo-romains à Paris - Vème



Les Arènes de Lutèce, vaste lieu de spectacle en plein air, ouvrage mixte, scène et arènes, ont été pensées dès l’origine pour accueillir à la fois des représentations de théâtre, de danse et des jeux du cirque, chasses, combats de gladiateurs, d’animaux. L’amphithéâtre, édifié entre le Ier et le IIème siècle sur le flanc de la future Montagne Sainte Geneviève, a longtemps été considéré comme définitivement perdu. Dès le IIIème siècle, son souvenir peu à peu s’étiole alors que le site est absorbé par le temps. Néanmoins, la mémoire de cette construction gallo-romaine perdure dans la tradition géographique jusqu’au Moyen-âge où il est fait mention dans un document officiel d’un clos des arènes. Avec le nivellement des sols, l’érosion des structures et les pierres enlevées pour servir à d’autres constructions, notamment l’enceinte Philippe-Auguste, l’idée de l’emplacement se fait de moins en moins précis jusqu’à sombrer tout à fait dans l’oubli. En 1869, à l’occasion des travaux d’aménagement de la rue Monge percée en 1860, la mise à jour de vestiges de la partie nord des Arènes de Lutèce sonne comme une redécouverte inespérée. Cependant, il faudra la ferme intervention de la Commission du Vieux Paris, intervention menée par Victor Hugo et Victor Duruy, pour qu’elles soient classées au titre des monuments historiques par arrêté du 31 mars 1884. Aujourd’hui, elles sont avec les thermes de Cluny, le dernier témoignage émouvant de la période gallo-romaine à Paris.











Les bâtisseurs des Arènes de Lutèce utilisent la pente du terrain pour asseoir les deux premiers tiers de la cavea directement sur le sol. Procédé courant en Gaule, les voûtes de de maçonnerie ne sont construites que sur la partie périphérique des gradins, les plus hautes volées dont il ne reste rien de nos jours en élévation. Séparée en deux divisions transversales plus une troisième plus petite, la cavea originelle s’étend sur une hauteur de 35 gradins dont 10 volées ont été restituées. Elle est desservie par les couloirs ascendants les vomitoires. Des mâts encastrés dans les gradins permettent de dresser un velum protection contre le soleil ou les intempéries. La scène très longue, séparée de l’espace consacré aux jeux par un couloir qui ceinture l’arène, est limitée au fond par une muraille percée de neuf niches, alternance de rectangles et demi-cercles, qui sont peintes et abondamment décorées. La base de ces constructions ont été restituées fermées lors des restaurations de 1918 mais elles étaient ouvertes à l’origine.

L’arène forme un ovale arrondi. D’assez grande taille, dépourvue de fosse, elle est creusée dans le sol sur environ 2 mètres. Les intervenants y descendent par deux larges entrées en plan incliné éventuellement fermée par des grilles. Sur la base du podium des gradins, sont disposées cinq niches une à chaque extrémité du petit axe, probablement dédiées au culte des dieux.  Trois autres, des cages pour les fauves, se situent près des entrées sur le grand axe, deux au nord, une au sud. Le mur d’enceinte percé de quarante arcades donne sur une galerie périphérique. La façade richement décorée est percée de quarante-et-une baies en plein cintre, encadrées de demi-colonnes supportant une corniche moulurée dans laquelle sont placés en saillir des blocs percés pour asseoir des mâts de velum 

Moins imposant que les amphithéâtres d’Arles et de Nîmes avec un seul rang d’arcades, celui de Lutèce rivalise tout de même avec ses aînés en dimensions. Il mesure près de 130 de long sur un peu moins de 100 mètres tandis que Nîmes compte 131 mètres sur 100 mètres. La cavea la piste de Lutèce se déploie sur 56 mètres de long et 48 de large, tandis qu’à Nîmes la piste mesure 70 mètres sur 40.










Au IIIème siècle, l’amphithéâtre est déserté. Avec les premières invasions barbares, les pierres déjà équarries de l’arène sont utilisées par les Parisiens pour établir des fortifications défensives sur l’île de la Cité. Au VIème siècle, Grégoire de Tours dans son "Histoire ecclésiastique des Francs" mentionne vers 577, des jeux organisés dans un cirque par Chilpéric (561-584), petit fils de Clovis. Néanmoins, le doute subsiste. S’agit-il réellement des Arènes de Lutèce ? Par la suite tout à fait abandonnées les arènes deviennent une nécropole. Lors des fouilles, au XIXème siècle, seront retrouvés seize squelettes.

En 1180, le moine anglais Alexandre Neckam évoque les Arènes dans un poème dédié à son séjour à Paris. Il s’agit de la plus ancienne trace écrite de l’amphithéâtre. Un acte notarié datant de 1284 rapporté par Du Boulay mentionne un lieu-dit " clos des Arènes " devant Saint-Victor. Les textes suivant nomment le lieu "Arennes". Au XIVème siècle, alors que l’enceinte de Philippe Auguste est élevée, les terres de remblai des fossés sont probablement rejetées sur l’ancien site des Arènes de Lutèce. Peu à peu ensevelies, elles disparaissent. Leur position géographique précise est oubliée. Au début du XIXème siècle, il ne demeure rien de visible de cette construction gallo-romaine.











Durant la seconde partie du XIXème siècle, les grands travaux haussmanniens bouleversent la physionomie de la ville. Théodore Vacquer, architecte et archéologue, mène les travaux de la rue Monge ouverte en 1860. D’importants arasements sur le flanc de la Montagne-Sainte-Geneviève et les divers aménagements des abords de la nouvelle mettent à jour en 1869 la partie nord des anciennes arènes qu’on pensait disparues. Il n’en demeure que les substructions. 

Alors que débutent les travaux de dégagement des ruines, la Société des arènes se constitue afin de protéger activement le site. Une requête est envoyée à Napoléon III afin que de plus amples fouilles archéologiques soient menées. Les autorités des Monuments historiques se montrent peu enclines à intervenir. Et le coût de l’opération s’annonce prohibitif. La Compagnie des Omnibus propriétaire du terrain qui avait prévu d’y installer un nouveau dépôt, ne voit pas la chose d’un bon œil. Le site est remblayé. La construction d’immeubles en bordure de la rue Monge signe la disparition définitive d’un tiers des vestiges.


1869 Excavation des Arènes de Lutèce 

1897 Lors des fouilles aux Arènes de Lutèce

Vers 1915 Arènes de Lutèce

Vers 1915 Arènes de Lutèce

Vers 1918 Arènes de Lutèce

Vers 1918 Arènes de Lutèce

Vers 1925 Arènes de Lutèce

Vers 1925 Arènes de Lutèce

1936 Arènes de Lutèce


A la tête de la Commission du Vieux Paris, Victor Hugo et Victor Duruy s'engagent dans la campagne de préservation des Arènes de Lutèce. Le 27 juillet 1883, Victor Hugo adresse une lettre au président du conseil municipal de Paris pour les défendre. 

« Monsieur le président, il n’est pas possible que Paris, la ville de l’avenir, renonce à la preuve vivante qu’elle a été la ville du passé. Le passé amène l’avenir. Les arènes sont l’antique marque de la grande ville. Elles sont un monument unique. Le Conseil municipal qui les détruirait se détruirait en quelque sorte lui-même. Conservez les arènes de Lutèce. Conservez-les à tout prix. Vous ferez une action utile, et, ce qui vaut mieux, vous donnerez un grand exemple. » A la suite de cette action, le Conseil de Paris fait l’acquisition des Arènes de Lutèce et fait classer le site aux monuments historiques. 









La partie sud des Arènes de Lutèce est excavée entre 1883-1885. En 1915 le démantèlement de la Compagnie des Omnibus, du tramway et de son dépôt permet à Louis Capitan (1854-1929) ,médecin, anthropologue et préhistorien français, de poursuivre les fouilles. Un tiers de la cavea a disparu sous les immeubles qui longent la rue Monge. Une campagne de restauration qui devient plutôt la reconstitution est menée par les architectes Jean-Camille Formigé et Jules Formigé, père et fils, jusqu’en 1918. 

Cette initiative redonne aux Arènes une partie des gradins à droite et à gauche de la fausse entrée moderne, l’un des vomitoires, galerie voûtée qui soutient à l'origine les gradins supérieurs, les anciennes cages aux fauves sous les gradins. Au sud, la base d’un mur de scène, le proscenium, à la fois décor et pièce d’acoustique, s’allonge sur 45 mètres. Les représentations se tenaient devant ce mur tandis que de part et d’autre se plaçaient les chœurs. Derrière le mur disparu, la suite de niches carrées ou semi-circulaires, anciennes loges des comédiens et parties du décor antique, accueillent aujourd’hui les visiteurs qui s’y installent pour lire au soleil, auprès de la statue représentant Gabriel de Mortillet (1821-1898), célèbre archéologue et anthropologue. 







L’espace vert voisin, le Square Capitan rend hommage à Louis Capitan. Au 5 rue des Arènes, Jean Paulhan (1884-1968), écrivain, critique et éditeur, a habité la maison de style néo-gothique, de 1949 à 1968. Cette maison ainsi que les Arènes de Lutèce ont été à son initiative des lieux de ralliement du monde des lettres de l’époque. 

Arènes de Lutèce
Accès 49 rue Monge - rue des Arènes - Paris 5
Horaires : Tous les jours de 9h à 18h durant l'hiver et de 8h à 19h30/20h30 durant l'été



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Le guide du promeneur 5è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme

Sites référents