Paris : 12 oeuvres d'art dans le métro parisien, florilège de la création contemporaine dans les transports publics

 

Le long des couloirs, en station, sur les quais, les nombreuses œuvres d’art qui ponctuent le métro parisien invitent à poser un regard différent sur le quotidien. L’équation transports publics et artistes est une tradition qui remonte à la création même du réseau de la Capitale. Dès 1900, la Compagnie du Métropolitain Parisien fait appel à l’audacieux architecte Hector Guimard, chantre de l’Art Nouveau, pour dessiner les édicules à l’entrée des souterrains. Dans les années 1970, les stations culturelles et artistiques, Louvre-Rivoli, Varennes, Parmentier s’inscrivent dans un programme plus classique. Commandes publiques, mécénat, échanges culturels à l’international, désormais les créateurs contemporains interviennent dans l’espace public de façon inattendue, distillant des doses de poésie, de beauté dans la vie de tous les jours. Les oeuvres placées sur le chemin de la routine vont à la rencontre des gens, pour séduire les onze millions de voyageurs croisés chaque jour. Elles redonnent du sens à l’espace, rendent moins moroses les couloirs de correspondances, l’attente sur le quai. Les transports en commun ne sont pas toujours une expérience plaisante. Ces créations interviennent comme des dispositifs de médiation dans l’espace public. Elles créent du lien, suscitent des échanges, titillent la curiosité. Il s’agit également d’une occasion pour les artistes contemporains de toucher directement un public plus large en présentant leur travail hors du cadre institutionnel classique des musées et des galeries. Véritable musée accessible pour le prix d’un ticket, le métro se trouve poétiser de façon insolite par l’intervention des artistes. En attendant les trente-six collaborations artistes architectes prévues dans le cadre des futures stations du Grand Paris Express, voici douze œuvres iconiques dans le métro.




Station Saint-Lazare - Couloir de correspondance entre les stations Saint Lazare (ligne 14) et Saint Augustin (ligne 9)

« La Voix Lactée » de l’artiste canadienne Geneviève Cadieux, orne les couloirs de correspondance à couvert entre les stations Saint-Lazare depuis la ligne 14 et Saint Augustin sur la ligne 9. Quelques vers d’un poème, « Une fois seulement » qui courent sur la faïence des carreaux blancs complètent la mosaïque en carreaux de verre réalisée dans les ateliers allemands Franz Mayer. Ces mots écrits par Anne Hébert, romancière, poétesse, dramaturge québécoise, jetés sur les murs de ce couloir anonyme, entraînent le voyageur vers la bouche d’où ils semblent jaillir. La réalisation monumentale se déploie sur 2,50 mètres par 4 mètres en suivant l’arrondi de la voûte, pliant sa forme à l’arcade des souterrains. Elle prolonge par sa présence presque incongrue dans ce lieu anonymisé par la foule des passants, la réflexion de Geneviève Cadieux sur les mises en scène théâtralisées, les interventions dans l’espace urbain. Les installations de la photographe provoquent la rencontre et distillent des notes de poésie dans le quotidien des citadins. L’oeuvre a été inaugurée le 4 octobre 2011 dans le cadre des échanges culturels initiés entre la RATP et la Société des transports de Montréal. Elle illustre les liens d’amitié entre la France et le Québec.





Couloir de correspondance entre la station de métro Cluny-la-Sorbonne et la station RER Saint-Michel-Notre-Dame - Métro ligne 10 / RER B

Deux fresques en mosaïque signées Claude Maréchal illuminent de leurs couleurs chatoyantes le couloir de correspondance entre la station de métro Cluny-la-Sorbonne et la station RER Saint-Michel-Notre-Dame. Jaillissement de figures animales, coq et paon, de volutes végétales, l’artiste a imaginé un foisonnement de formes qui convoquent la nature, le plein air, une certaine douceur de vivre paradoxale et souriante dans un couloir de métro. Le flot coloré accompagne celui des passagers, immersion joyeuse dans une exubérance lyrique. En 1988, la station de métro Cluny-la-Sorbonne, close depuis 1939, retrouve sa fonction initiale et ses usagers à l’occasion de l’ouverture des quais du RER B de la station Saint-Michel-Notre-Dame. L’oeuvre double de Claude Maréchal s’intègre dans le programme culturel mené par la RATP. Les mosaïques esthétisent de manière inattendue un lieu pratique, lui redonnant sens. Les réalisations de Claude Maréchal confèrent un relief particulier à ce couloir banal, une atmosphère unique d’harmonie sensible.





Station Champs-Elysées-Clemenceau, lignes 1 et 13

« Azulejo géométrique », ensemble de fresques colorées signé de l’artiste portugais Manuel Cargaleiro, habille de carreaux de faïence, peints selon la technique de l’azulejo, la station de métro Champs-Elysées-Clemenceau. Cette création singulière a été réalisée dans le cadre du programme d’échanges culturels mis en place par la RATP et ses pairs internationaux. « Azulejo géométrique » célèbre l’amitié franco-portugaise. En 1995, une édition contemporaine d’un édicule Guimard, entourage Art Nouveau conçu en 1900, offerte au Metropolitano de Lisboa. Cette icône parisienne trône désormais à l’entrée de la station Picoa devant le siège social de la société de transport public lisboète. En retour, le peintre et céramiste Manuel Cargaleiro a créé le décor de la station Champs-Elysées-Clemenceau, celui de la salle d’accès ainsi que les couloirs principaux. Intervention murale en azulejos, ce décor foisonnant se compose d’élégantes formes géométriques. Il alterne les carreaux peints et des éléments en relief blancs ton sur ton, losanges, cercles, carrés. 




Station Palais Royal - Musée du Louvre, lignes 1, 7
Couloir d’accès au Carrousel du Louvre


« La Pensée et l’Âme huicholes », une oeuvre de Santos de la Torre Santiago, dit aussi Santos Motoapohua de la Torre, se trouve dans le métro parisien à la Station Palais Royal Musée du Louvre dans un couloir qui mène au Carrousel. Cette mosaïque en perles dont le titre originel est « Pensamiento y alma huichol », reflète puissamment un art populaire développé par le peuple huichol, communauté indienne des montagnes de la Sierra Madre occidentale, au centre ouest du Mexique. Le relatif isolement de ces populations a eu pour effet de préserver leur culture originelle. L’esthétique de leur production est marquée par le foisonnement des décors colorés, des symboles et motifs hérités de leurs ancêtres. La trinité de vénération le cerf, le maïs et le peyotl domine une cosmogonie particulière. La fresque qui orne le métro parisien a été créée dans le cadre des échanges culturels entre la RATP et ses pairs internationaux, en l’occurrence la STC Metro (Sistema de Transporte Colectivo Metro), société qui gère le métro de Mexico. Cette collaboration fructueuse a été initiée dans les années 1960 en perspective des Jeux Olympiques de 1968. Les édiles de la ville ont fait appel à l’expertise technologique française afin de construire un métropolitain. A l’occasion du trentième anniversaire d’une riche coopération entre les deux entités, un échange artistique a été organisé afin de célébrer la relation d’amitié entre la France et le Mexique, la RATP et la STC. L’oeuvre de Santos de la Torre Santiago a été inaugurée en 1997 à Paris tandis qu’un édicule de style Guimard était installé à l’entrée de la Station Bellas Artes à Mexico en 1998, à proximité du Palais des Beaux-Arts. 





Station Cluny-la-Sorbonne, ligne 10 

La voûte de la Station Cluny-la-Sorbonne s’orne d’une mosaïque monumentale signée Jean Bazaine (1904-2001), figure majeure de l’Ecole de Paris. Les deux oiseaux en tesselles scintillantes, ailes déployées, incarnent l’esprit du Quartier Latin, centre de la vie intellectuelle et de la formation depuis huit siècles. Les carreaux blancs parcourus de cinquante-quatre signatures, personnages illustres, écrivains, scientifiques, poètes, philosophes, historiens, artistes, hommes d’état, rois, associés à l’histoire de la Sorbonne et son quartier : Philippe Auguste, Louis XIV, Jean-François Champollion, Marie Curie, Pierre Abélard, Ignace de Loyola, Pierre de Ronsard, Denis Diderot, Voltaire, François Villon, Michel de Montaigne, Charles Baudelaire, Henri Bergson, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Honoré de Balzac, Eugène Delacroix, Victor Hugo, George Sand, Louis Pasteur, Jean Racine, Molière, Jules Michelet. Oeuvre d’art public, cette fresque majestueuse, est le fruit d’une commande conjointe du Ministère de la Culture et de la RATP. Jean Bazaine en raconte ainsi la genèse.  « C'est une commande de Lang, cette station est vraiment une cathédrale souterraine, car elle a trois voies, Léotard se fait tirer l’oreille mais enfin ça a l’air de redémarrer. Il y a 400 m2 de mosaïques... ça coûte cher. J’ai mis un immense oiseau bleu de 20 mètres de long, et un autre oiseau rouge de 20 mètres de long. J'ai imaginé d'immenses graffitis représentant les signatures de tous les grands noms qui ont fréquenté cet endroit, Victor Hugo, des rois... ».





Station Liège, ligne 13 

Les mosaïques de la Station Liège sur la ligne 13 du métro parisien rendent hommage à la province de Liège. Ces panneaux imaginés en 1982 par deux artistes de la région, Marie-Claire Van Vuchelen et Daniel Hicter, célèbrent les liens d’amitié entre la France et la Belgique. Le décor en céramique émaillée de Welkenraedt, fleuron de l’artisanat wallon, se déploie en dix-huit fresques, neuf sur chaque quai. Réalisées d’après photographies, elles représentent des sites remarquables, monuments emblématiques et paysages iconiques de Liège et sa région. La scénographie complète est composée de 6 576 carreaux de faïence. Sur le quai Sud, direction Châtillon/Montrouge, Marie-Claire Van Vuchelen a pris le parti d’une polychromie pastel pour les neuf panneaux qu’elle a réalisés. Sur le quai Nord, direction Asnières-Gennevilliers/Saint-Denis Université, Daniel Hicter a opté pour des fresques en bleu et blanc qui évoquent la tradition des azulejos portugais ou bien des scènes nocturnes.





Station Madeleine, ligne 14 

La Poule Ryaba, gallinacé magique du folklore russe, cousine de notre poule aux œufs d’or, est le motif principal d’un vitrail monumental, oeuvre du plasticien Ivan Loubennikov. Inauguré le 26 mars 2009, il éclaire de ses couleurs vives la mezzanine d’accès aux quais de la station Madeleine sur la ligne 14. Ce cadeau offert à Paris par Moscou a été réalisé dans le cadre des échanges internationaux de la RATP avec ses pairs étrangers notamment les réseaux des transports en commun de Lisbonne, Chicago, Montréal, Mexico. La politique culturelle menée depuis une quinzaine d’années a permis de faire don aux villes partenaires d’éléments iconiques du métro parisien, les célèbres édicules Art Nouveau imaginés par Hector Guimard. Celui de Moscou a été établi en 2007 à l'entrée de la station Kievskaïa de la ligne Koltsevaïa. En remerciement, Paris a reçu des œuvres d’artistes contemporains qui ornent désormais les stations dans la tradition artistique du métro parisien. 





Station Porte des Lilas, ligne 11

La station Porte des Lilas bien que défraîchie réserve quelques jolies surprises. Son accès principal ouvre toujours sur l’édicule à casquette en béton armé et ciment de Grenoble réalisé par l’architecte Charles Plumet (1861-1928) d’origine qui date de l’inauguration en 1921. Sur la ligne 11, le quai direction Châtelet disposé en ilot est encadré par deux voies, dont l’une sert de voie de garage. Trois fresques en mosaïque aux couleurs un peu passées, au dessin délicieusement suranné, viennent éclairer le marasme d’un ensemble promis à une très prochaine rénovation. Deux d’entre elles représentent des lilas en fleur, l’un rose et l’autre bleu tandis que la troisième rend hommage à Georges Brassens, portrait souriant pipe à la bouche. Elles font référence à la chanson « Les Lilas » du barde moustachu qui figure sur l’album de 1957 « Je me suis fait tout petit ». Dans un cadre de faïence jaune orangé, entourage qui était à l’origine destiné aux espaces publicitaires, le portait du poète en mosaïque de grès émaillé se déploie sur seize mètres carrés. Cet ensemble décoratif a été réalisé à la fin des années 1980 en famille par des artistes mosaïstes de renom, Pepsy et Michel L’Huillier et leur fille Mathilde L’Huillier. 



Station Les Halles, ligne 4 - Sortie porte Lescot 

"Energies ou La Lumière nous arrive du fond des âges", bas-relief monumental légèrement concave orne, à l’orée de la sortie porte Lescot, la salle des échanges de la station Châtelet-les-Halles. L'oeuvre signée Pierre-Yves Trémois créée en 1977 convoque sur huit mètres de long et trois de haut certains motifs récurrents de cet artiste figuratif. Tête d’homme, fœtus dans un utérus, poissons, squelettes, comme autant d’interrogations sur l’origine de l’être humain imposent leurs formes dans un bronze patiné et poli sur fond noir ardoise. Au centre de la composition, sous les rayons d’un astre solaire primitif une raie est inscrite au centre d’un cercle creusé. Ce disque est marqué de symboles qui représentent l’équation de Schrödinger, une équation fondamentale en mécanique quantique, conçue par le physicien autrichien Erwin Schrödinger en 1925 et deux expressions des inégalités de Heisenberg, le principe d’incertitude et la dualité onde-particule. Les lettres, les mots, les formules qui parcourent la fresque ont été imprimés dans la matière avec des caractères historiques en plomb issus des collections de l’Imprimerie Nationale. 





Station Bobigny Pablo Picasso, ligne 5

A la station de métro Bobigny Pablo Picasso sur la ligne 5, se trouve une fresque en mosaïque, oeuvre de Nino Maïello, dont le motif principal s’inspire d’un célèbre dessin du peintre catalan. La colombe de Picasso, un oiseau de profil évoqué en cinq traits sur fond blanc, est devenu un symbole universel de paix. Au-delà de la performance picturale, elle illustre l’engagement politique de l’artiste, qui dès 1937 avec son tableau « Guernica », met son art au service d’une cause pacifiste. Commande publique initiée par la RATP, la mosaïque chamarrée qui égaie l’accès à la station Bobigny Pablo Picasso, ouverte en 1985, traduit l’univers sensible de Nino Maïello. Ce plasticien né en 1931 appartient à un groupe de créateurs montmartrois, Pierre César Lagage, Robert Groborne, Sabine Hettner, Gen Paul, Gilbert Liskenne, rassemblés au cours des années 1950 autour du galeriste Attilio Oberto, propriétaire du cabaret Le Pichet du Tertre, 10 rue Norvins, un repère d’artistes, peintres comme musiciens. De la figuration à l’abstraction pure, son oeuvre explore une palette chromatique vibrante. 





Station Palais Royal - Musée du Louvre, lignes 1 et 7

Le Kiosque des Noctambules, bouche de métro insolite, réalisation à rebours de l’espace architectural, s’appelait à l’origine L’Impertinente. D’impertinence, cette œuvre contemporaine du plasticien Jean-Michel Othoniel n’en manque pas. Objet fantastique, cristallin, elle détonne dans le cadre urbain géométrique qui lui est imparti et donne un air de fête à l’entrée de la station de métro Palais Royal - Musée du Louvre juste en face de la Comédie Française, depuis son inauguration le 30 octobre 2000. Le Kiosque des Noctambules est une folie colorée destinée à accueillir le flux des passagers comme une pause enchantée dans l’hystérie de la ville. Cette création apporte une touche baroque au décor du Paris historique, touche insolite soulignée par l’architecture classique de la place Colette.




Station Arts et Métiers, ligne 11

La station de métro Arts et Métiers déploie sur le quai de la ligne 11 carrossé de cuivre les charmes d’une délicieuse incongruité. Inauguré en octobre 1994, cet aménagement culturel spécifique mis en place à l’occasion des cérémonies du bicentenaire du Conservatoire des Arts et Métiers confère une atmosphère singulière à l’arrêt. Le partenariat entre le musée et la RATP (régie autonome des transports parisiens) a permis une réinvention piquante de la station. Le dessinateur et scénographe belge François Schuiten a qui a été confiée l’entreprise s’est inspiré des récits de Jules Verne et plus particulièrement des descriptions du célèbre sous-marin du capitaine Nemo, le Nautilus mentionné dans les romans "Vingt mille lieues sous les mers" (1869) puis "L’île mystérieuse" (1874). Métal rose chatoyant, quais dépourvus d’affichage publicitaire, rouages et mécanismes intégrés à la voûte laissent s’incarner les imaginaires rétro-futuristes hors du temps. La station se veut passerelle entre l’univers du métro et celui du musée des Arts et Métiers.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.