Art : Mosaïque de la station de métro Bobigny Pablo Picasso, petite histoire de la colombe de Picasso, symbole universel de paix

A la station de métro Bobigny Pablo Picasso sur la ligne 5, se trouve une fresque en mosaïque, oeuvre de Nino Maïello, dont le motif principal s’inspire d’un célèbre dessin du peintre catalan. La colombe de Picasso, un oiseau de profil évoqué en cinq traits sur fond blanc, est devenu un symbole universel de paix. Au-delà de la performance picturale, elle illustre l’engagement politique de l’artiste, qui dès 1937 avec son tableau « Guernica », met son art au service d’une cause pacifiste. Commande publique initiée par la RATP, la mosaïque chamarrée qui égaie l’accès à la station Bobigny Pablo Picasso, ouverte en 1985, traduit l’univers sensible de Nino Maïello. Ce plasticien né en 1931 appartient à un groupe de créateurs montmartrois, Pierre César Lagage, Robert Groborne, Sabine Hettner, Gen Paul, Gilbert Liskenne, rassemblés au cours des années 1950 autour du galeriste Attilio Oberto, propriétaire du cabaret Le Pichet du Tertre, 10 rue Norvins, un repère d’artistes, peintres comme musiciens. De la figuration à l’abstraction pure, son oeuvre explore une palette chromatique vibrante. Dans les années 1980, Nino Maëllo occupe l’un des ateliers logements de la cité de la Maladrerie à Aubervilliers où travaille également Rachid Khimoune. 







La colombe de Pablo Picasso, emblème pacifiste universelle, est le fruit d’un engagement que l’artiste n’a revendiqué que tardivement. En 1901, encore tout jeune, il se rapproche des mouvements libertaires radicaux. Il manifeste sa sympathie pour les cercles anarchistes de Barcelone. Mais expatrié en France, Picasso se détache de ses activités politiques. A partir de 1934, sous l’influence de Dora Maar et Paul Eluard, il s’engage à nouveau. La Guerre d’Espagne marque un tournant, et le bombardement de Guernica en 1937 lui inspire l’un de ses plus célèbres tableaux. Durant la Seconde Guerre Mondiale, l’Occupation allemande puis la Libération, il fréquente les avant-gardes. Ses plus proches amis se nomment Louis Aragon, Paul Éluard, Jean Cocteau, Fernand Léger. Sous leur influence, il adhère en 1944 au Parti communiste et milite auprès du Mouvement pour la paix.

En janvier 1949, Aragon suggère de faire appel à Picasso pour illustrer l’affiche du Congrès Mondial des partisans de la Paix de Paris qui doit se tenir en avril et réunir deux mille délégués du Mouvement pour la Paix du monde entier. Lors d’une visite au peintre, Aragon choisit une lithographie représentant une colombe, oiseau dont la valeur symbolique parle à tous. Dans l’iconographie chrétienne, la colombe représente le Saint Esprit. Elle joue un rôle central dans le récit biblique du déluge et de l’arche de Noé. La colombe annonce la renaissance possible, le repli des eaux, lorsqu’elle revient au bateau un rameau d’olivier dans le bec. Elle incarne l’innocence dans l’antiquité égyptienne, longévité et calme en Chine. 







La colombe dessinée en 1949 par Pablo Picasso convoque le souvenir des pigeons blancs de son enfance à Malaga. Son père, José Ruiz Blasco, artiste lui-même, l’incite à s’exercer sur ces modèles afin d’acquérir un sens des proportions. En espagnol, pigeon et colombe se traduit indifféremment par « paloma ». De fait la « colombe » de Picasso est plus proche dans sa morphologie d’un pigeon, même si les deux oiseaux font partie de la même famille de volatile.  Ce motif important dans l’oeuvre de l’artiste se retrouve dès 1901, en pleine période bleue, dans une toile intitulée « Enfant tenant une colombe ». Néanmoins, il semblerait que cette lithographie originelle ait été en réalité un cadeau de Matisse, une oeuvre achetée dans la rue en Italie et représentant un pigeon milanais. 

A partir de 1949, à chaque nouveau Congrès pour la Paix, Picasso réalise une nouvelle colombe qui acquiert le statut de symbole pacifiste universel. D’épreuves en épreuves, le motif à force d’épure se stylise drastiquement. Le mouvement anti-communiste Paix et Liberté, actif de 1951 à 1956, imagine des affiches qui détournent ce symbole et transforment la colombe en char soviétique. En 1975, la colombe devient l’emblème de l’année internationale des femmes des Nations Unies et sera dès lors amplement reprise par les institutions onusiennes.

Mosaïque de Nino Maïello
Station de Métro Bobigny Pablo Picasso - Ligne 5



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.