Paris : 10 églises de la première moitié du XXème siècle, témoins des aspirations esthétiques et sociologiques de la modernité architecturale


Les églises édifiées au XXème siècle incarnent l'expression des aspirations sociales et esthétiques portées par leurs commanditaires et leurs architectes. Si les édifices des périodes antérieures, véritables références, sont mieux reconnus par le grand public, les réalisations récentes témoignent des facettes contrastées du patrimoine francilien. 

La construction des lieux de culte est régie d'une part par le Concordat napoléonien de 1801 qui normalise, au lendemain de la rupture révolutionnaire, les relations entre la République française et le Saint Siège et d'autres part par la loi de Séparation de l'Église et de l'État de 1905, texte fondateur de la laïcité. Cette dernière libéralise la construction des sanctuaires. L'Oeuvre des Chantiers du Cardinal, association fondée en 1931 par le cardinal Verdier (1864-1940) afin de promouvoir la construction et l'entretien des églises catholiques de Paris et de la région parisienne, joue un rôle important dans le financement des projets de lieux cultuels modernes.

Les églises du XXème siècle sont le fruit de plusieurs phénomènes, ruines des guerres, développement des banlieues, exode rural. À Paris, durant la première moitié de cette période, l'essor de la population rend nécessaire la création de nouvelles paroisses au sein des arrondissements récents, anciennes communes périphériques annexées au territoire de la ville de Paris en 1860. L'urbanisation de ces arrondissements prend un tournant particulier avec la démolition des anciennes fortifications, l'enceinte de Thiers, construite entre 1841 et 1844, détruite entre 1919 et 1929. Les terrains libérés offrent des possibilités inédites le long de la ligne des boulevards maréchaux et du périphérique.

Au début du XXème siècle, les architectes opèrent une rupture avec les normes du XIXème siècle. La réflexion sur la forme de l'église et renouveau de l'art sacré bouscule les schémas classiques en particulier dans les contextes des après-guerres. L'évolution des techniques et des matériaux produit de nouvelles formes dictées par la modernité. L'emploi des structures métalliques, du ciment, du béton permet de réinventer les standards, repenser les volumes. Le béton armé s'impose dès les années 1920 en tant que matériau principal de construction. La libération des espaces rendue possible grâce à la disparition des lourdes structures porteuses donne naissance à une conception moderne de la nef.

Les édifices cultuels du début du XXème siècle se distinguent par leur qualité architecturale et font souvent l'objet d'une labellisation patrimoniale. La rédaction a sélectionné pour vous 10 églises remarquables du début du XXème siècle.



1/ Église Sainte Jeanne de Chantal 
Place de la Porte de Saint Cloud / 96 boulevard Murat - Paris 16
Horaires : Mardi à vendredi 8h30 à 20h - Samedi 9h à 20h - Dimanche 8h30 à 20h
Métro Porte de Saint Cloud ligne 9

L'Église Sainte Jeanne de Chantal, au carrefour du quartier de la Porte de Saint Cloud, est caractéristique des lieux de culte édifiés durant la première moitié du XXème siècle en périphérie de Paris sur les terrains libérés par la démolition de l'enceinte de Thiers. Conçue sur des plans originaux architecte Julien Barbier (1869-1940), le sanctuaire a connu d'importants retards dans sa construction interrompue par la Seconde Guerre Mondiale. L'Église Sainte Jeanne de Chantal se distingue par une structure de béton, des murs parés de moellons en pierre reconstituée, un clocher indépendant et une coupole néo-byzantine. 




2/ Église Saint Michel des Batignolles
1 place Saint Jean - Paris 17
Horaires : Lundi de 16h30 à 19h - Du mardi au jeudi de 7h45 à 19h30 - Vendredi de 7h45 à 20h - Samedi, dimanche de 9h à 19h30
Métro Place de Clichy lignes 2, 13

L'Église Saint Michel des Batignolles, construit entre 1913 et 1935, est le troisième lieu de culte successif édifié dans le quartier des Épinettes. En 1913, l'architecte Bernard Haubold (1875-1943) imagine un édifice moderniste de style romano-byzantin, briques de Bourgogne et structure de béton. Un campanile prolongement du porche côté Sud compète un plan basilical. À son sommet, l'archange Saint Michel à 37 mètres de hauteur, réplique en bronze de la statue qui se trouve au Mont Saint Michel, oeuvre du sculpteur Emmanuel Frémiet (1824-1910), veille sur la paroisse. L'Église Saint Michel des Batignolles, labellisée Patrimoine du XXème siècle, fait l'objet d'une inscription au titre des Monuments historiques par arrêté du 29 juin 2016.



3/ Église Saint Christophe de Javel 
28 rue de la Convention - Paris 15
Horaires : Ouvert tous les jours de 8h à 19h30
Métro Javel ligne 10

L'église Saint Christophe de Javel, placé sous le vocable du patron des voyageurs, dresse sa singulière silhouette, façade de briques et décor de béton sculpté, au coeur du quartier de Javel. L'auteur des plans, l'architecte Charles-Henri Besnard (1881-1946), formé auprès d'Anatole de Baudot et de Viollet-le-Duc, est influencé par le rationalisme de ses maîtres. Il innove avec un édifice de béton armé, constitué d'éléments préfabriqués en usine ainsi qu'à pied d'oeuvre puis assemblés sur le chantier afin réduire coût et temps de construction. Au fronton, se trouve un saint Christophe en béton armé signé Pierre Vigoureux (1884-1965). En façade, une série de décors peints par Henri-Marcel Magne (1877-1944) représente saint Christophe venant au secours des voyageurs. Église, façades et toitures des bâtiments annexes du centre paroissial, sont inscrits à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté du 15 janvier 1975.



4/ Église Sainte Odile
2 avenue Stéphane Mallarmé - Paris 17
Métro Porte de Champerret ligne 3
Horaires : Lundi 14h-20h - Mardi au samedi 9h-20h 

L'Église Sainte Odile, porte de Champerret dans le XVIIème arrondissement, emprunte un vocabulaire plastique aux architectures romane et byzantine. Édifié de 1935 à 1946 à l'initiative du cardinal Jean Verdier (1864-1940), archevêque de Paris depuis 1929 et Eugène Edmond Loutil, dit Pierre l'Ermite (1863-1959), curé de la paroisse voisine Saint François de Salles, ce lieu de culte s'inscrit dans la lignée des "Chantiers du cardinal" sans pourtant avoir profité du soutien financier de cette oeuvre. L'architecte Jacques Barge (1904-1979) imagine un plan caractérisé par l'asymétrie, une nef unique orientée vers l'Ouest, à droite trois absidioles, petites chapelles voûtées en cul de four, sur la gauche, les verrières de François Décorchemont. Jacques Barge associe modernité technique et tradition esthétique. L'ossature de béton armé se pare de gré rose de Saverne et de briques. Le clocher minaret culmine à 72 mètres. Il détient le record du plus haut de Paris.



5/ Église Notre Dame du Travail
59 rue Vercingétorix / 36 rue Guilleminot - Paris 14
Horaires : Du lundi au vendredi 7h30-19h45 / samedi et dimanche 9h-19h30
Métro Pernety ligne 13

L'église Notre-Dame du Travail offre un contraste singulier entre sa façade d'inspiration romane en pierre de taille traditionnelle et à l'intérieur une remarquable charpente métallique apparente. Elle a été édifiée entre 1898 et 1901 sur les plans de l'architecte Jules Astruc (1862-1955) élève de Victor Laloux (1850-1937), promoteur des structures de métal qu'il dissimule derrière des façades de pierre à l'ordonnancement classique, auteur de la gare d'Orsay inaugurée en 1900, aujourd'hui reconvertie en musée. La structure de fer et d'acier, lourde de 1,35 tonnes, impose la modernité du style industriel, esthétique fonctionnelle constructiviste. L'église Notre-Dame du Travail fait l'objet d'une première protection par arrêté du 15 juillet 1976, l'intérieur est classé au titre des Monuments historiques, façades et toitures inscrites. Le classement de la totalité du bâtiment intervient par arrêté du 5 juillet 2016. 



6/ Église du Saint Esprit
186 avenue Daumesnil - Paris 12 
Horaires : Tous les jours de 7h30 à 19h
Métro Daumesnil ligne 8

L'église du Saint Esprit réserve son entrée sur sa façade la plus étroite large de seize mètres au 186 avenue Daumesnil dans le XIIème arrondissement. Oeuvre de l'architecte Paul Tournon (1881-1964), auteur des plans de la cathédrale de Casablanca au Maroc, de l'église de Lubumbashi en République Démocratique du Congo, ce lieu de culte catholique étonnant est édifié entre 1928 et 1935. La construction intervient dans le contexte d'une croissance de la population du quartier au lendemain de la Première Guerre Mondiale. À l'origine du projet, se trouve le cardinal Verdier (1864-1940) archevêque de Paris de 1929 à sa mort. Fondateur de l'oeuvre les "Chantiers du cardinal" en 1931, il intervient dans la création de nombreuses paroisses en banlieue parisienne et dans les quartiers ouvriers. Dans le contexte de la crise économique des années 1930, bâtir des églises permet de créer des emplois. L'église est classée en totalité au titre des monuments historiques par arrêté du 5 juillet 2016.



7/ Église Saint Antoine de Padoue 
52 boulevard Lefebvre - Paris 15
Horaires : Lundi 9h30-19h - Mardi 8h15-20h20 - Mercredi, jeudi, vendredi 8h15-19h30 - Samedi 10h-19h - Dimanche 9h30-20h
Métro Porte de Versailles ligne 12 / Porte de Vanves ligne 13

L'église Saint-Antoine-de-Padoue, située au 52 boulevard Lefebvre dans le XVème arrondissement, appartient aux oeuvres des Chantiers du cardinal. Fondée en 1931 sous l'impulsion du cardinal Jean Verdier (1864-1940), archevêque de Paris de 1929 à son décès, cette association toujours en activité nourrit pour objectif la construction et l'entretien d'églises catholiques à Paris et en région Île-de-France. L'église Saint-Antoine-de-Padoue, financée par ces fonds privés, doit sa création à l'intervention dynamique de l'abbé Mortier (1877-1937). Curé de la Chapelle Saint-François-d'Assise à Vanves dans les années 1920, il soumet au cardinal Verdier, le projet d'un nouveau lieu de culte destiné aux ouvriers du quartier de Plaisance. Construite de 1933 à 1935 sur les plans de l'architecte Léon Azéma (1888-1978), l'église Saint-Antoine-de-Padoue associe une structure de béton armé à un remplissage de briques rouges caractéristique. 



8/ Église Saint-Pierre de Chaillot
31 avenue Marceau - Paris 16
Tél : 01 47 20 12 33
Horaires : Du lundi au samedi de 7h30 à 19h - Dimanche de 10h à 20h
Métro Alma Marceau ligne 9 / George V ligne 1

L'Église Saint-Pierre de Chaillot se niche au coeur du quartier huppé du Triangle d'or, avenue Marceau dans le XVIème arrondissement. L'architecte Émile Blois (1875-1950), mandaté en 1931, s'inspire des styles roman et byzantin tout en embrassant la modernité d'une structure de béton armé revêtue de pierre. À la monumentalité de la façade, il associe l'épure des lignes. Il conçoit une église surmontée de cinq coupoles, dômes octogonaux, et un clocher en béton armé paré de briques, haut de 65 mètres. L'utilisation du béton armé donne une ampleur remarquable au dôme principal plus vaste que celui de la basilique du Sacré-Coeur. Le porche d'entrée à trois arcs en plein cintre se caractérise par un tympan sculpté d'Henri Bouchard (1875-1960) qui représente la vie de saint Pierre. Il a fait l'objet d'une restauration d'envergure en 2023. L'Église Saint Pierre de Chaillot est inscrite au titre des Monuments historiques par arrêté du 3 novembre 2016 et labellisée Patrimoine du XXème siècle.



9/ Église Saint-Ferdinand-et-Sainte-Thérèse-de-l'Enfant-Jésus
27 rue d'Armaillé - Paris 17
Horaires : Du lundi au vendredi 9h30-18h45. Samedi 9h30-18h15. Dimanche 17h-18h15
Métro Ternes ligne 2

L'Église Saint Ferdinand des Ternes, a été édifiée en plusieurs étapes sur les plans originaux de Paul Thédéon (1896-1990). Sa construction poursuivie à partir de 1941, par les architectes Pierre Durand et Bertrand Frédéric qui en modifient l'aspect final, s'achève de 1953 à 1957 sous la direction de Lucien Carcary (1905-1994). Le sanctuaire de style néo-byzantin, mâtiné d'inflexions romanes, s'inscrit dans plan en croix latine, nef couverte de trois coupoles en référence à la Trinité, abside en cul de four pour le choeur. La crypte dédiée à sainte Thérèse de l'Enfant Jésus lui vaut le double vocable, Église Saint-Ferdinand-et-Sainte-Thérèse-de-l'Enfant-Jésus. La façade d'angle, grand mur-clocher, se divise en trois travées, scandées par des arcades en plein cintre. Au tympan, se trouvent trois bas-reliefs de Georges Muguet (1903-1988), Saint Ferdinand, le Christ, Sainte Thérèse. Le clocher possède trois cloches Désirée, Fernand et Rosalie bénies en 1857, héritée de l'église originelle. 



10/ Église Notre Dame des Otages
81 rue Haxo - Paris 20
Horaires d’accueil : tous les jours de 8h à 10h
Métro Télégraphe ligne 11

L’église Notre Dame des Otages célèbre la mémoire des otages exécutés lors de la Semaine Sanglante de la Commune de Paris. Le 26 mai 1871, cinquante-et-un prisonniers sont transférés par les Communards depuis la prison de la Roquette au 85 rue Haxo. Onze ecclésiastiques parmi lesquels Pierre Olivaint, prêtre jésuite français, éducateur, travailleur social fondateur d’une « Société de jeunes gens », trente-six gardes et gendarmes versaillais et quatre civils sont fusillés. La plaque commémorative mentionne cinquante-deux victimes. Aujourd’hui, l’église Notre Dame des Otages, lieu de culte, ouvrage Art déco d’une épure architecturale intéressante est aussi un lieu de mémoire. A l’arrière, un monument hommage aux fusillés de 1871 a été placé dans la cour. Il s’y trouve également l’une des portes de la prison de la Roquette et un pan de mur devant lequel s’est tenue l’exécution.  



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.