Paris se compose d'une multitude de villages. Quartiers fruits de l'urbanisation progressive, secteurs hérités de l'histoire, certains ont échappé aux grands travaux haussmanniens de modernisation de la ville, initiés sous le Second Empire, conservant ainsi leur atmosphère unique. Cités, hameaux, petits bourgs, aux voies intactes des anciennes communes rattachées au territoire de la Capitale en 1860 se sont ajoutés les lotissements ouvriers de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. Ces opérations immobilières fertiles ont fait pousser aux marges de Paris des micro-quartiers à la morphologie initiale - maisons basses, ruelles étroites, jardins - a été préservée. La rédaction a sélectionné dix rues dont l'atmosphère villageoise se nourrit d'un caractère original voire pittoresque du bâti, l'omniprésence de la végétation, la quiétude des lieux en marge de la foule parisienne. Temps suspendu, jolis secrets à découvrir au rythme de la flânerie à Ménilmontant, Belleville, Montmartre, Passy, Plaisance...
Accès 4 rue du Docteur-Leray et se termine 17 rue Henri-Pape - Paris 13
Métro Maison Blanche ligne 7
Dans le quartier Maison-Blanche / Abbé Hénocque, petits lotissements et cités ouvrières édifiés sur les anciennes carrières de gypse, conservent les particularités liées à la fragilité des terrains, aux sous-sols instables. Percée en 1912, la rue Dieulafoy est un passage remarquable typique du vieux XIIIème. Les enduits colorés récents donnent aux pavillons des allures de maison de poupée. Ils évoquent les micro-quartiers anglais ou hollandais. Jaune poussin, bleu ciel, rose layette, céladon, c'est une explosion de teintes pastel.
2 rue des Saules / 5 rue du Mont-Cenis - Paris 18
Métro Lamarck-Caulaincourt ligne 12 / Abbesses ligne 12
La rue Saint Rustique, pittoresque venelle, est la plus ancienne voie du village de Montmartre mentionnée dès le XIème siècle et première rue officiellement piétonnisée en 1973. Sa perspective unique sur la basilique du Sacré-Cœur, ses maisons de village, sa discrétion ont inspiré de nombreux artistes, notamment Maurice Utrillo en 1926. Ruelle pavée sans trottoir, traversée par un ruisseau axial caractéristique, elle court sur une longueur 110 mètres, étroite de 2,60 mètres. À son entrée côté rue des Saules, deux établissements historiques Le Consulat et la Bonne Franquette accueillent les visiteurs.
Accès 19 rue du Retrait et l16 rue Boyer - Paris 20
Métro Gambetta lignes 3, 3bis
Délicieuse venelle pentue dont les pavés miroitent au soleil, la rue Laurence-Savart évoque avec poésie le Ménilmontant de Willy Ronis, un voyage dans le temps pour une atmosphère de coquet village. A deux pas de la Bellevilloise, la Maroquinerie et du Théâtre de Ménilmontant, la vie de quartier y est culturelle et animée. La plupart des façades et des petites maisons ayant été préservées, elle a conservé son caractère original, sa belle perspective à peine dénaturée par quelques constructions plus récentes et cette lumière singulière des petites rues bordées d’immeubles bas. Ouverte vers 1875 sur le tracé d’anciennes carrières comme souvent à Ménilmontant, elle porte le nom de la fille du propriétaire du terrain et commanditaire du percement de la voie, un viticulteur également entrepreneur Pierre-Claude Savart.
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière
47-83 boulevard de l'Hôpital - Paris 13
Métro Saint Marcel ligne 5
La rue des Archers, dans l'enceinte de l'ancien hôpital de la Salpêtrière, aujourd'hui regroupé dans un ensemble vaste de trente-trois hectares, le groupe Pitié-Salpêtrière, a conservé une configuration héritée du XVIIème siècle. Ruelle pavée, elle est bordée d'un bâtiment à aile en retour du début du XVIIIème, un comble à la Mansart sur rez-de-chaussée, de nos jours occupé par des salles de formation de l'hôpital. Il s'agissait, à l'origine, des quartiers des archers de la Salpêtrière, les archers de l’hôpital général, force policière placée sous l'autorité du roi, en charge du ramassage des indigents et des invalides, ainsi que de l'arrestation des prostituées, des mendiantes, des voleuses.
Accès croisement de la rue d'Ankara et avenue Marcel Proust d'un côté, avenue de Lamballe et escalier du 57 rue Raynouard - Paris 16
Métro Passy ligne 6
La rue Berton sinue à flanc de colline au cœur du XVIème arrondissement. Sa configuration singulière convoque le souvenir d'un Passy champêtre, lieu de villégiature, hors de la ville, prisé de l'aristocratie. Indiquée dès 1730 sur le plan Roussel de 1730, successivement rue de Seine puis du Roc, elle prend le nom de Berton, par décret du 2 octobre 1865, en hommage à Pierre Monton Berton (1727-1780) et Henri Montan Berton (1767-1846) compositeurs. Séparée de sa partie basse devenue rue d'Ankara en 1954, elle débute pittoresque à souhait côté avenue Marcel Proust. Les secrets bucoliques du quartier, jalousement préservés des regards, se calfeutrent derrière cerbères et systèmes de sécurité high tech. Rarement accessibles au public, ils frustrent et font fantasmer les flâneurs amoureux de la ville. Ceux-ci retrouvent pourtant au coeur du village de Passy avec l'église en son centre, jardins secrets, merveilles dissimulées derrières des portes, tous les objets de son affection.
Accès 32 rue Didot / 87 rue Raymond Losserand - Paris 14
Métro Pernety ligne 13
De la rue des Thermopyles aux villas de la rue Didot, la traversée de l'ancien village de Plaisance réserve des moments propices à la flânerie. La verdoyante rue des Thermopyles, pure création de l’ingénieux spéculateur Alexandre Chauvelot (1791-1861), ancêtre des grands promoteurs immobiliers, est l'exemple parfait de ces cités ouvrières devenues petit luxe parisien. En 1845, il créé le village des Thermopyles ainsi que le passage Leonidas. La minuscule agglomération voit le jour sur un terrain inculte, troué de carrières. Le passage des Thermopyles est alors la voie principale de cette création urbaine en plein cœur de Plaisance qui sera rattaché à Paris en 1860. La rue a conservé cette ambiance caractéristique de village.
Accès 228 rue de Bercy - 19 rue de Lyon - Paris 12
Métro Gare de Lyon lignes 1, 14
La rue Crémieux, pittoresque rue piétonne aux façades chamarrées, paradis des chats, se situe dans le quartier des Quinze-Vingts du nom de l’hôpital situé rue de Charenton. Son charme bucolique doit beaucoup à l’initiative de ses heureux habitants qui ont repeints les coquettes bicoques de couleurs acidulées et tendres. Jardinières savamment entretenues et arbustes verdoyants, rosiers et hortensias prospèrent pour le plus grand bonheur des promeneurs, halte champêtre en plein cœur de l’émoi urbain. La rue Crémieux a été tracée sur l'ancien emplacement des Arènes Impériales, lieu de divertissement de 1500 places très prisé au début du Second Empire. Très prisée des influenceurs en quête de lieux instagrammables, elle est victime de son succès.
28 rue Vieille du Temple - Paris 4
Métro Saint Paul ligne 1
La rue du Trésor, en réalité d’une impasse, débute au 26 rue Vieille du Temple. L’exquise enclave arborée fait les délices des amateurs de terrasses. Sa quiétude hors du temps semble à peine troublée les soirs d’été par l’enthousiasme de ces derniers. Plates-bandes fleuries, buissons foisonnants distillent de doux parfums champêtres. La faible hauteur du bâti et son élégante largeur de douze mètres laissent à la lumière naturelle le champ libre. Les boutiques du rez-de-chaussée en rajoutent dans la luxuriance des couleurs. Les cafés et restaurants animés, tables débordant sur les pavés, font de cette discrète venelle l’un des lieux des plus prisés du Marais. La rénovation méticuleuse de la rue du Trésor en 2004 lui a définitivement redonné un air pimpant.
Accès Place Dalida, 16 rue Girardon, rue des Saules - Paris 18
Métro Lamarck-Caulaincourt ligne 12
La pittoresque rue de de l’Abreuvoir, chemin préservé du Vieux Montmartre, inspire les photographes du monde entiers et les artistes, à l’instar, dès 1914 de Maurice Utrillo. La gracieuse venelle serpente sur le flanc de la Butte, invitation à la flânerie. Les courbes de l’ancienne sente de terre, la perspective sur le Sacré-Cœur et le Château d’eau du square Carpentier définissent un sujet pictural de choix. Malgré la disparition d’une partie des vieilles maisons typiques, la rue de l’Abreuvoir conserve le charme et le tracé d’un vieux chemin villageois. La présence de ce dernier est attestée sur le plan du cadastre de 1325, sous le nom de ruelle du Buc. Le plan Albert Jouvin de Rochefort en 1672 mentionne la venelle à l’état de chemin. Il prend en 1843 le nom de chemin de l’Abreuvoir puis devient une rue en 1863.
26 rue de la Duée / 119bis-121 rue Pelleport - Paris 20
Métro Télégraphe ligne 11
La rue Taclet et la villa Georgina forment une boucle champêtre au cœur d’un quartier marqué par la verticalité minérale des tours sur dalle. Ce lotissement délicieux, incursion de nature dans un ensemble sans charme, illustre les différences de proportions entre l’ancien tissu urbain et le bâti de la fin du XXème siècle. Les deux ruelles bordées de maisons ouvrières datant de la deuxième moitié du XIXème siècle s’échappent depuis les rives de la rue de la Duée, ancien sentier indiqué sur le plan de 1672. Elles rappellent le tracé des étroits sentiers et autres chemins de campagne des vieux hameaux de Belleville et Charonne. Rattachées à Paris en 1860, ces communes s’étaient développées autour de terres maraîchères et de vignobles. Les parcelles par leur forme allongées conservent encore la trace de cette activité agricole. Entre deux citadelles de béton, le décor charmant de la rue Taclet et de la villa Georgina, rappelle l’authenticité d’un Paris disparu dont les photographies de Willy Ronis préservent jalousement la mémoire.
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