Paris : Rue des Thermopyles, promenade fleurie et souvenirs du village de Plaisance - XIVème



De la rue des Thermopyles aux villas de la rue Didot, la traversée de l'ancien village de Plaisance réserve des moments propices à la flânerie. Entre tradition faubourienne et constructions haussmanniennes, le XIVème demeure une enclave privilégiée où se lit encore l'histoire de l'annexion en 1860 des communes périphériques à la ville de Paris. Squares, jardins et autres lieux de promenade sont nombreux dans ce quartier. D'une rue à l'autre, les immeubles en pierre de taille blonde du baron Haussmann répondent aux constructions en briques typiques des anciens faubourgs tandis qu'ici et là subsistent de petites impasses, passages et autres villas distribuées en arêtes de poisson autour des voies principales qui rappellent les origines villageoises modestes de Plaisance. Les charmantes petites maisons bordant ces venelles bucoliques évoquent un passé modeste. La verdoyante rue des Thermopyles, pure création du célèbre spéculateur Alexandre Chauvelot (1791-1861), sorte d'ancêtre de nos promoteurs modernes, est l'exemple parfait de ces cités ouvrières devenues petit luxe parisien.









Trois monts, Montparnasse, Montsouris, Montrouge émaillés de moulins enserrent ce qui deviendrait le XIVème arrondissement en 1860. Situé de l'autre côté des barrières, tout d'abord l'enceinte des Fermiers Généraux puis les fortifications de Thiers construites de 1841 à 1845, les terres entre le gros bourg de Vaugirard et le mur d'octroi hésitent entre leur vocation agricole initiale et l'orientation festive que le vin hors taxe fait naître. Petites fermes, vergers, terres de garenne où chassent la noblesse dans le prolongement du domaine de Sceaux et guinguettes se font concurrence. La zone extérieure aux barrières décrétée non aedificandi, non constructible, voit s'établir des bidonvilles où plâtriers des carrières, biffins et nécessiteux trouvent refuge.

Malgré l'interdiction, peu à peu les constructions se solidifient, les campements de fortune se transforment en ensemble de bicoques édifiées à la va comme je te pousse empiétant sur des terres isolées dépendantes de Vaugirard. A partir de 1832, les spéculateurs se font lotisseurs. Ils achètent des terrains qu'ils revendent en étroites parcelles à une population composées d'ouvriers et d'employés.











A l'origine de la commune de Malakoff à l'ouest qu'il surnomma la Nouvelle Californie et du village de Plaisance, se trouve un homme Alexandre David Chauvelot. Fils naturel d'un marchand mercier et d'une lingère, il connaît des débuts modestes. Tout d'abord ouvrier dans l'industrie, il pratique un peu de commerce puis sous la Restauration, chansonnier sous le nom de David. Marié et père de famille, il abandonne la bohème des artistes pour ouvrir un établissement rue Dauphine, la rôtisserie Le Tambour, fréquenté par les étudiants désargentés. La fortune lui sourit enfin.

Dès 1835, Alexandre Chauvelot achète ses premiers terrains à bâtir aux portes de Paris, le long de la chaussée du Maine, amorçant notre futur quartier de Plaisance. Ce grand spéculateur constitue des lotissements de taille réduite qu'il revend. Les parcelles sont vierges, à charge pour les acquéreurs de construire par eux-mêmes leur maison. Les lots sont irréguliers, les rues et impasses ouvertes par les nouveaux propriétaires anarchiques mais les cités ouvrières se multiplient évoquant des regroupements communautaires des villages traditionnels. 









Cette entreprise d'urbanisation de la périphérie de Paris est menée alors que des rumeurs annoncent l'annexion, le rattachement des communes à la Ville. L'opération spéculative se révèle commerce lucratif alors que sous couvert d'action philanthropique, Alexandre Chauvelot fait mine de s'intéresser au cadre et conditions de vie de la classe ouvrière parisienne. La plaine de Montrouge connaît un bel essor. S'y développent cultures maraîchères, pépinières, une distillerie, une filature de laine, une fonderie de suif, des fabriques de noir de fumée, d'orgues et de produits chimiques

En 1845, Alexandre Chauvelot prépare un nouveau coup et créé le village des Thermopyles ainsi que le passage Leonidas. Dans ses choix de dénomination, l'homme d'affaires se révèle hellénophile amateur d'histoire antique. La minuscule agglomération voit le jour sur un terrain inculte, troué de carrières qui coïncide avec l'ancien domaine de Fantaisie, dont la propriété a longtemps été attribuée au Duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV et Madame de Montespan. Ces terres à la pointe nord du domaine de Sceaux, improprement dénommées parc du Château du Maine, furent longtemps un rendez-vous de chasse. Le passage des Thermopyles est alors la voie principale de cette création urbaine en plein cœur de Plaisance qui sera rattaché à Paris en 1860.








Jusqu'en 1924, le passage des Thermopyles débute impasse des Plantes. Le tronçon situé entre l'impasse des Plantes et la rue Hippolyte Maindron est alors détaché et devient autonome en tant que rue Olivier Noyer. En 1927, la partie du passage comprise entre les rues Hippolyte Maindron et Didot est annexée à la rue Olivier Noyer. Puis en 1937, le passage des Thermopyles change de qualification pour devenir rue. 

De nos jours, au nord de la rue des Thermopyles, vers la rue de Plaisance, la ville est typiquement faubourienne avec son bâti de taille moyenne, ses constructions de briques rouges et grises tandis qu'au Sud, côté rue Boyer-Barret, les façades s'affichent haussmanniennes. Depuis les squares de la rue Didot jusqu'au jardin le long de la rue des Thermopyles, les parcelles végétalisées en enfilade répondent aux verdoyantes petites rues, aux discrètes villas fleuries. Au fil de la promenade, se révèlent les traces d'un passé champêtre préservé. Plaisance a été le plus pauvre des quatre quartiers qui composaient le XIVème arrondissement originel. Couplée au problème des sols instables, minés par les carrières, cette caractéristique a préservé les maisonnettes des cités ouvrières qui sont devenus de nos jours des rêves pour les Parisiens.









Sur les gros pavés de la voie ouverte à la circulation publique par arrêté du 23 juin 1959, la rue des Thermopyles trottine tout droit avant une embardée coudée qui fait se rejoindre la rue Boyer-Barret et la Cité Bauer, pour ensuite déboucher rue Didot. Vieilles maisons de village et constructions plus récentes respectant la hauteur du bâti - pas plus de quatre étages - se laissent envahir par les plantes grimpantes. Les arches verdoyantes des glycines jettent des ponts aériens. Les bignones s'épanouissent en grappes luxuriantes de clochettes orangées. Les arbres au papillon s'essaient aux stridences mauves parmi les bambous. Ateliers d'artistes, courettes dissimulées ne révèlent pas tous leurs secrets. Le jardin Alberto Giacometti où s'ébattent les bambins fait pendant au jardin partagé qu'entretiennent avec amour les riverains.

Récemment, quatorze logements sociaux et une maison relais ont été construits au cœur de la parcelle. Ces équipements à vocation sociale sont également à la pointe de l'écologie. Toit végétalisé, façade de bois, panneaux solaires se fondent dans le paysage de la rue des Thermopyles.

Rue des Thermopyles 
Accès 32 rue Didot / 87 rue Raymond Losserand - Paris 14



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit
Le guide du promeneur 14è arrondissement - Michel Dansel - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme

Sites référents