Paris : 10 restaurants historiques, somptueux cadres classés et savoureuses anecdotes à ne pas manquer !

 


Adresses immarcescibles, les restaurants historiques de la Capitale traversent les modes et les âges. Ces lieux de gastronomie se distingue par leurs cadres émouvants, évocateurs du Paris d’antan. Les établissements hors du temps témoignent de siècles d’histoire. Brasseries, bistrots, bouillons et grands restaurants, leur réputation s’est forgée grâce à leur décor opulent, les anecdotes savoureuses, une clientèle célèbre d’artistes, comédiens, philosophes, politiciens, écrivains et autres penseurs. Et plus rarement aussi, leurs spécialités gastronomiques. Désormais, il ne demeure des lieux originaux que des éléments partiels, souvent classés aux monuments historiques, une façade, des panneaux de verre peints, des fresques, des mosaïques, des boiseries. Sans que cela affecte leur renommée internationale. Cadres à couper le souffle, préservés, restaurés, les restaurants historiques possèdent un charme unique, à l’attractivité redoutable. Accessibles ou hors de prix, il y en a pour toutes les bourses et pour toutes les occasions : boire un café, siroter un verre, déjeuner en terrasse, dîner canaille dans un petit salon, tête-à-tête amoureux sages. La rédaction a sélectionné 10 restaurants historiques au cadre classé, gage d’une expérience unique à la fois gastronomique et culturelle. 





38 rue Montorgueil / 40 rue Mauconseil - Paris 1
Métro Les Halles ligne 4

L’Escargot Montorgueil, restaurant fondé selon les sources en 1832, ou en 1836 ou bien en 1875, a acquis une solide réputation gastronomique alliant la fête et les dîners tardifs dès la Belle Epoque. Depuis cent-soixante-dix ans, le gastéropode, met aphrodisiaque selon certains, s’y déguste façon cuisine bourgeoise, beurré, à l'ail et plein d’allant, aux côtés d’huîtres dans la grande tradition de la rue Montorgueil. Atmosphère feutrée, lieu de mémoire intimiste, repaire hédoniste, le restaurant accueille sa clientèle dans un cadre Second Empire mâtiné d’ajouts ultérieurs Art Nouveau et Années Folles. Les salles du rez-de-chaussée, la devanture, sa marquise, son enseigne et ses ornements ont été classés aux Monuments historiques par arrêté du 12 juin 1998. Selon la base Mérimée, certains éléments de décor pourraient dater de 1875 notamment les plafonds à caisson, les panneaux de bois en forme de losange de la devanture en forme ainsi que les escargots en ronde-bosse de l’enseigne. L’entrée lambrissée avec tribune ouvre sur des intérieurs à l’avenant. 





24 rue de la Grande Truanderie - Paris 1
Métro Etienne Marcel ligne 4

Le restaurant Pharamond, fondé en 1879 sous l'enseigne "La Petite Normande", devenu de nos jours Le Bouillon du Pharamond, conserve un décor Art Nouveau, inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 4 juillet 1989. Charmants anachronismes, les traces de son histoire évoquent celles d'un quartier qui a entièrement muté depuis la délocalisation du marché de gros vers Rungis en 1969 et la destruction des pavillons Baltard en 1973. Il n’en demeure pas moins l’un des plus animés de la Capitale. Au Pharamond, les dîneurs se restaurent de nos jours dans un cadre classé intact, petit patrimoine parisien, authentique et précieux. L’institution séculaire entretient l’esprit de ses cent soixante ans d’histoire twistés avec une modernité piquante. Les habitués, Francis Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway, Georges Clémenceau, François Mitterrand, Coluche, ont marqué les lieux de leur empreinte.  





78 rue Montorgueil - Paris 2
Métro Sentier ligne 3

Au Rocher de Cancale, restaurant historique, est niché à l’angle des rues Montorgueil et Greneta. L’immeuble de la fin du XVIIème, début du XVIIIème siècle se distingue par ses façades lambrissées, où s’étale le nom de la brasserie en lettres d’or. Une restauration récente a redonné quelques couleurs, très bonbonnière, aux moulures en bois et plâtre. La discrète enseigne de bois sculpté originelle à l’angle représente un rocher recouvert d’huîtres et de moules. L’établissement, baptisé Au Rocher de Cancale en 1846 par son propriétaire M. Pécune, marchand de vin matois, en souvenir d’un prestigieux restaurant voisin qui inspira Balzac, fut longtemps un haut lieu de dégustation des produits de la marée, très prisés des Parisiens au XIXème siècle. Près de dix-sept millions d’huîtres se consomment alors dans la Capitale chaque année. Rue Montorgueil, sur le chemin des Halles de Paris, les établissements dédiés se multiplient. Classé aux Monuments historiques en 1997, le Rocher de Cancale conserve dans les petits salons du premier étage d’amusantes fresques peintes directement sur plâtre attribuées à Gavarni (1804-1866), artiste romantique, ami des Lorettes de la rue Saint-Georges. 





2 rue Vivienne - Paris 2
Métro Palais Royal Musée du Louvre ligne 1, 7

Le Grand Colbert, iconique brasserie parisienne, s’illustre par son décor Belle Epoque quasiment d’origine et des volumes architecturaux élégants. Le programme de reconstruction de la galerie Colbert achevé en 1985 a permis à la vénérable institution de retrouver son luxe d’antan grâce à l’intervention de la Bibliothèque nationale de France. Le cadre d’inspiration Art Nouveau restauré avec précision déploie une forêt de pilastres sculptés. Les six mètres de hauteur sous plafond lui assurent des proportions majestueuses. Les peintures sur bois de style pompéien sont inscrites à l’inventaire des arts historiques. Ce restaurant oublié, tombé en désuétude au cours des années 1980 renaît en 1992 sous la houlette de Joël Fleury ancien adjoint de Jean-Paul Bucher, fondateur des brasseries Flo. Sol de mosaïque, vaste comptoir, banquettes de cuir noir, attention portée aux détails, l’atmosphère attire une clientèle cosmopolite, hommes d’affaires comme touristes. Le film « Tout peut arriver » de Nancy Meyers, comédie romantique 2003, avec Jack Nicholson, Diane Keaton et Keanu Reeves, a fait du lieu l’un des restaurants favoris des Américains à Paris. 





62 rue de l’Hôtel de Ville - 2 rue des Barres - Paris 4
Métro Pont Marie - Ligne 7

Le restaurant Chez Julien, à l’angle des rues de l’Hôtel de Ville et des Barres, se distingue par sa belle façade classée. Au rez-de-chaussée d’une vieille maison du XIXème siècle, la devanture, intrigante, possède le charme de la carte postale, celui d’un Paris rêvé. Joliment mis en valeur par des couleurs pimpantes, des plantes, le lieu réunit en un seul établissement deux anciens commerces. A gauche, se trouvent les vestiges de l’auberge « Au pigeon blanc », établie vers 1820. Sa vocation de taverne était annoncée par la présence de grilles en fonte, décor de pommes de pin, tandis que les deux pigeons au-dessus de la porte illustraient son appellation. A droite de la façade, des décors peints de verre églomisé, fixés sous verre, rappellent la présence d’une boulangerie disparue. Ces ornements ont été exécutés vers 1900 par l’atelier Gilbert, intervenu également sur la devanture de la boutique situé au 13 rue Malher. Spécialistes des scènes champêtres, les artisans ont imaginé des médaillons dans lesquels se distinguent un moulin, des moissonneurs, des gerbes de blé. Ces motifs bucoliques ont été repris à l’intérieur du restaurant, plafonds peints, vol d’oiseaux. La devanture fait l’objet d’une inscription au titre des Monuments historiques depuis le 29 mars 1928, protection annulée et remplacée par une seconde inscription incluant la devanture et le décor intérieur le 23 mai 1984. L’ensemble est labellisé patrimoine du XXème siècle. 





61 rue Saint-Louis-en-l’Ile - Paris 4
Métro Pont Marie ligne 7

Au 61 rue Saint Louis en l’Ile, un restaurant très contemporain mais au décor d’inspiration médiévale a conservé en façade, devanture et enseigne classées d’une ancienne taverne établie au XVIIème siècle. La brasserie nostalgique Aux Anysetiers du Roy a été précédée dans les années 1990, d’un établissement, le Petit Bacchus baptisé en l’honneur du personnage jovial perché au-dessus de la porte. L’enseigne en bois annonçait la présence d’un cabaret fréquenté par les sportifs du jeu de Paume voisin au numéro 54. L'original, remplacé par une copie, a rejoint les collections du Musée Carnavalet histoire de Paris. La scène encadrée d’une treille de vigne représente Bacchus enfant à califourchon sur un tonneau de vin, un pichet dans une main, une grappe de raisin dans l’autre. La façade photographiée par Eugène Atget vers 1902 permet de découvrir le nom d’un propriétaire E. Canet. La devanture de boutique et l’enseigne de la maison sont inscrits aux Monuments historiques par arrêté du 22 février 1926.





3 rue Racine - Paris 6
Métro Odéon ligne 4, 10 ou Cluny La Sorbonne ligne 10

L’ancien Grand Bouillon Camille Chartier, désormais Bouillon Racine est fondé en 1906, par l’un des fils de la célèbre famille de restaurateurs, à l’origine du célèbre Bouillon Chartier implanté en 1896 au 7 rue du Faubourg-Montmartre. Cette adresse mythique du Quartier Latin se caractérise par un opulent décor Art Nouveau classé aux monuments historiques par arrêté du 12 octobre 1995, ainsi que sa devanture en saillie, qui se déploie, rareté, sur deux étages. Ambiance Belle Epoque, dépaysement hors du temps, instant suspendu. Panneaux de bois sculptés et miroirs, grandes bais à structure métallique, annoncent depuis la rue les splendeurs d'un établissement entièrement restauré en 1996. En 1905, Camille et Frédéric Chartier qui n'en sont pas à leur coup d'essai créent rue Racine le petit frère du très apprécié Bouillon Chartier. Les clients du nouvel établissement surnomment rapidement le Grand Bouillon Camille Chartier, le Bouillon Racine en référence à la rue où il est établi. Avec le succès, les propriétaires se lancent dans des travaux au cours de l’année 1907. L’agencement du restaurant est confié à l'architecte Jean-Marie Bouvier, qui imagine un somptueux décor d’inspiration Art Nouveau aux motifs végétaux, propres à ce mouvement. Il fait appel au maître-verrier et céramiste Louis Trézel pour créer les panneaux de pâte de verre aux motifs de roses trémières et d'iris qui rythment l’ensemble. 





8/ Le Procope
13 rue de l’Ancienne Comédie Paris 6
Métro Odéon ligne 4

Fondé en 1686 au cœur de Saint-Germain-des-Prés, le Café Procope originel a fermé ses portes en 1890. Le restaurant moderne établi sur le site, dans les murs même de cette institution, a repris ce nom célèbre dans le monde entier. L’établissement emblématique revendique de nos jours le titre de plus vieux café de Paris. Au Siècle des Lumières, salon littéraire, le Procope accueille écrivains et philosophes. Rousseau, Diderot sont des habitués. A la Révolution, Robespierre et Marat le fréquentent assidument. Au XIXème siècle, redevenu café littéraire, les romantiques Musset, George Sand, Théophile Gautier, Roger de Beauvoir y côtoient les comédiens venus en voisin, Frédérick Lemaître, Marie Dorval et Mademoiselle George.





9/ Lapérouse 
51 quai des Grands Augustins - Paris 6
Métro Saint Michel Notre Dame ligne 4

Etabli en 1766 dans un hôtel particulier du XVIIIème siècle en bord de Seine, Lapérouse cultive une réputation sulfureuse de « maison de plaisir ». Au XIXème siècle, il est fréquenté par le Tout-Paris, et les écrivains Guy de Maupassant, Emile Zola, Alfred de Musset, Victor Hugo. L’établissement doit alors sa renommée aux petits salons intimes privatisables fréquentés à l’origine, en toute discrétion, par les grandes hétaïres et leurs riches protecteurs. Le restaurant actuel a conservé le rituel folklorique du service à la clochette qui préserve les pudeurs et l’intimité. Le salon-alcôve le plus réputé porte le nom de la courtisane Caroline Otero. Deux autres L’Astrolabe et La Boussole évoquent les navires de l’explorateur Lapérouse. Le légendaire « salon des sénateurs » aurait un temps disposé d'un passage secret reliant le Sénat. Au XXème siècle, Proust, Colette, Hemingway sont des habitués. Lapérouse est le premier restaurant à décrocher trois étoiles au guide Michelin en 1933. A l’occasion d’un vaste chantier de rénovation durant les années 2010, l’architecte d’intérieur Laura Gonzalez a dépoussiéré le cadre de cette belle maison en préservant son histoire.





83 rue Lepic - Paris 18
Métro Abbesses ligne 12

Le Moulin de la Galette, célèbre bal public de Montmartre, a permis grâce à sa réputation de préserver les deux derniers moulins de la Butte. La guinguette originelle a été constituée sur un terrain entre ces deux rescapés de la grande urbanisation, le Blute-fin et le Radet. Rue Lepic, ils ravissent les touristes venus des quatre coins du globe. Dans l’axe de la rue Tholozé, le Blute-fin s’aperçoit de loin, perché sur une colline, propriété privée qui n’est pas accessible au public, tertre élevé sur lequel les Romains avaient bâti un temple dédié au dieu Mars. Le Radet, charpente vide des plus pittoresques, est désormais planté sur le toit d’un restaurant, sorte d’enseigne monumentale dont l’image a fait le tour du monde. Rendu célèbre grâce aux peintres de la Butte, Renoir, Toulouse-Lautrec, Steinlein, Van Gogh, le Moulin de la Galette convoque par ses imaginaires l’histoire du village de Montmartre, de sa bohème et ses nuits déchaînées. Guinguette en 1830, cabaret dès 1870, et music-hall à partir de 1924, studio en public d’émissions de radio et de télévision, studio de l’ORTF qui disparaît en 1974, le Moulin de la Galette appartient désormais à la légende de Montmartre. Et le restaurant qui a repris le nom capitalise sur cette renommée planétaire. 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.