Paris : 10 passages pittoresques, 10 ruelles inattendues à découvrir lors d'une promenade à travers la ville

 

Petit patrimoine urbain, survivance d’un Vieux Paris antérieur au XIXème siècle, les passages pittoresques témoignent de l’évolution des quartiers parisiens au fil des siècles. Ces pépites méconnues nous racontent le processus de développement de la Capitale, l’urbanisation progressive de territoires annexés et la transformation du tissu originel par vagues successives. Les passages persistent dans leur disposition originale, décor contemporain inattendu parallèle à la cité somptuaire des grandes avenues, des immeubles haussmanniens. Réalités à conserver, objets d’études autant que lieux de vie, de nombreuses associations citoyennes se forment et s’engagent pour leur préservation. Ce tissu urbain hérité de grandes évolutions offre une vision différente de la cité. La mosaïque de micro-quartiers préservés, hors des sentiers battus, invite aux flâneries poétiques. Au détour d’une voie bien balisée, les passages méconnus surgissent incongrus, inattendus, ruelles étroites hors du temps, chemins de traverse, heureux hasard. Leur aspect séduisant de joli village dépayse le citadin blasé. Ces itinéraires insolites possèdent le charme d’une authenticité révolue. Ils donnent envie de se perdre nez au vent, prendre le temps de décrypter la ville, d’écouter l’histoire à échelle humaine, ancrée dans le quotidien, dans l’anecdote. Les 10 passages pittoresques sélectionnés par la rédaction vont piquer votre curiosité.





Accès 164 rue de Saint-Denis et 21 rue de Palestro - Paris 2
Métro Réaumur Sébastopol lignes 3, 4

Etroite venelles discrète et peu fréquentée, le passage de la Trinité a été tracé sur l'ancienne ruelle qui menait à l'entrée de l'hôpital et de l'enclos de la Trinité. Long d’à pein soixante mètres, il évoque la topographie sensible d'une ville médiévale. Et pourtant il n'est pas tout à fait d'époque. Sa réalité dans la nomenclature parisienne ne remonte qu'au début du XIXème siècle. L'histoire du passage est intimement liée à celle de l'hôpital de la Trinité, successivement asile de nuit pour les pèlerins au XIIIème siècle, congrégation hospitalière, foyer du premier théâtre français, hospice pour les orphelins indigents et école de formation aux arts et métiers. 





Accès 8 rue Rambuteau - 62 rue du Temple - Paris 3
Métro Rambuteau ligne 11

Le passage Sainte Avoie, parfois mentionné comme le passage Saint Avoye, traverse en sinuant un ensemble de bâtiments du XIXème siècle. Pavé de frais, il suit l'ancien tracé de l'enceinte de Philippe Auguste dans la partie qui menait à la porte Sainte Avoye ou porte du Temple percée en 1280 et détruite vers 1535. Du 8 rue Rambuteau d'où il est parfois accessible en semaine grâce à une porte codée ouverte sur des galeries d'art et des commerces, le passage Sainte-Avoie débouche au 62 de la rue du Temple où subsistent de beaux vestiges. Les majestueuses arcades flanquées des reliquats du corps de logis de l'ancien hôtel de Mesmes datent du XVIème siècle. 





Accès 43 rue Saint Paul - Paris 4
Métro Saint Paul ligne 1

Le passage Saint Paul, débute au 43 de la rue du même nom, dans le quartier Saint Gervais au cœur du Marais. La pittoresque venelle débouche en impasse sur la porte de l’église Saint-Paul-Saint-Louis qui ouvre vers la nef par le transept de l’église Saint-Paul-Saint-Louis, côté gauche. Cette église édifiée par la Compagnie de Jésus au début du XVIIème siècle sous le nom Saint-Louis-des-Jésuites est coiffée du premier grand dôme monumental élevé à Paris qui domine à près de 55 mètres de hauteur. A cette époque, l’ordre est si puissant qu’il semble constituer au cœur de la ville une véritable principauté cléricale rattachée directement au Vatican et non soumise à l’autorité du Parlement de Paris. Le passage date également du XVIIème siècle. Il est indiqué sur le plan de Gomboust de 1652.





Accès 81 rue Saint Maur - Paris 11
Métro Goncourt ligne 11

Le passage Saint- Maur, intrigante voie privée accessible au public en journée par un porche d’immeuble n’est indiquée par aucune mention sur rue. Cette ancienne cour industrielle accueillait au XIXème siècle des petites manufactures spécialisées dans la mécanique et la confection. Les anciens ateliers à pans de bois ont été reconvertis dans l’esprit des lieux puisqu’aujourd’hui ils sont occupés par un atelier de céramique, des associations culturelles, un studio d’architecte, un bureau de communication et une boutique dépôt-vente. Les immeubles n’excèdent pas les deux étages. Sous le porche par lequel le piéton accède, un intrigant carré de pavés se fait remarquer par la singulière sonorité qu’il renvoie. Les pas sont comme assourdis sur ce morceau de pavement qui, à y regarder de plus près, semble différent des pavés de grès classiques du reste du passage. Préservés des intempéries, des campagnes de renouvellement et des changements d’administration, se trouvent ici l’un des derniers exemples encore visibles de pavement en bois, méthode qui eut son heure de gloire à Paris à la fin du XIXème siècle.





Accès 66 rue du Faubourg Saint Antoine et 53 rue de Charenton - Paris 12
Métro Bastille lignes 1, 5, 8

Le passage du Chantier surgit au fond de porches profonds, vestige animé de la grande époque des métiers du bois du Faubourg Saint Antoine. Jetée à travers le pâté de maison jusqu’à la rue de Charenton, cette étroite ruelle pavée perpétue la tradition. Peu d’artisans en arrière-boutique demeurent. Seules les échoppes de restaurateurs résistent. Les magasins de meubles perdurent joliment achalandés, vifs et colorés. Enseignes en fer forgé, grilles richement ouvragées évoquent la complémentarité des artisanats et la présence des ferronniers auprès des ébénistes. Ouvert en 1842, classé dans la voirie parisienne par arrêté municipal du 9 février 1995, le passage du Chantier sinue à l’ombre des petits immeubles ponctués de courettes pittoresques, arrière-cours, jardinets que les boutiques ont transformé en lieu d’exposition. Son nom fait référence aux chantiers du bois proches des ateliers où étaient entreposés les matériaux nécessaires au travail des métiers du meuble. Lieu de flânerie hors du temps, cette singulière venelle est propice aux découvertes insolites même si son histoire demeure fort simple. Le fait le plus romanesque s’y rapportant remonte à la révolution de 1848, lorsqu’une fonderie de serrurerie situé au numéro 10 s’y fit fabrique clandestine de munitions. 





Accès 25 rue du Château-des-Rentiers - 20 rue Nationale - Paris 13
Métro Olympiades ligne 14

Le passage National présente des caractéristiques assez semblables au passage Bourgoin, champêtre incursion piétonne au cœur d’un quartier très urbanisé. Ouvert à la circulation des voitures, le passage National se distingue de son jumeau parallèle le piéton passage Bourgoin par une organisation du bâti y est plus ordonnée. Les maisons suggèrent un certain confort. Les édifices sur deux niveaux sont implantés sur des parcelles aux configurations régulières, allongées d'est en ouest, typiques des anciennes exploitations viticoles. Le long de la rue Nationale, dans le XIIIème arrondissement, impasses et passages conservent le souvenir des derniers jardins ouvriers de Paris. Au cœur de ce curieux quartier composite entre vestiges des constructions du XIXème siècle et modernité des tours, surgissent des petits coins de campagne préservés au milieu des bétonnades vertigineuses. Cet étonnant contraste, confrontation de deux héritages, crée des atmosphères singulières. 





Accès 90 boulevard des Batignolles et 117 rue des Dames - Paris 17
Métro Villiers lignes 2, 3

Le passage Geffroy-Didelot, parfois orthographié Geoffroy-Didelot, date de 1843, époque à laquelle s’associent Messieurs Geoffroy, un entrepreneur, et Didelot, un propriétaire de terrain afin de percer cette ruelle. Sa situation au-delà d’un porche d’immeuble prémunit cette voie pittoresque des aléas bruyants du boulevard. Discret mais animé d’une intense vie de quartier, le passage Geffroy-Didelot reflète l’âme villageoise des Batignolles. Ici, au charme de l’ancien s’ajoute l’élégante modernité des nouveautés et des réhabilitations de bon goût. Le passage Geffroy-Didelot est rattaché à la voirie parisienne par un décret du 23 mai 1863. Marchand de vin, restaurant, brasserie, table d’hôtes, les commerces de bouche y ont trouvé une place de choix. Le Bistrot du Passage et A la bouteille sur la table se sont imposés comme des adresses incontournables du quartier. Les boutiques dédiées aux arts côtoient les ateliers créatifs, cours de peinture de dessins, galerie et plus sportif une classe de yoga.





Accès 17 rue Ramey - 18 rue du Chevalier-de-la-Barre - Paris 18
Métro Château Rouge ligne 4

Le passage Cottin, au nord-est de la Butte Montmartre, se divise en deux tronçons, l’un plane, le second escalier escarpé. Cette voie étroite au pittoresque pictural se développe sur cent-trente mètres. Elle débouche sur la rue du Chevalier de la Barre et une vue méconnue sur le Sacré-Cœur. Les petits immeubles de rapport modestes, très faubouriens encadrent l’escalier d’autant plus spectaculaire qu’il est étroit. Au fil des marches, se dévoilent à la faveur de l’automne de délicieuses maisonnettes dissimulées habituellement par les feuillages. Le passage porte le nom d’une ancienne famille, propriétaires fonciers, les Cottin de la Chapelle devenu sur le tard Cottin de la Villette. Voie privée, le passage Cottin devient public à l’occasion de son classement dans la voirie de Paris par arrêté préfectoral du 10 décembre 1985. Son charme unique, sa réalité populaire avant gentrification récente, séduit les peintres. En 1912 Maurice Utrillo (1883-1955) et son ami Gazi le Tatar (1900-1975) qui habite un temps chez Suzanne Valadon rue Lepic peignent le passage ainsi qu’un peu plus tard André Renoux (1939-2002). Dans « Comédie française. Ça a débuté comme ça… » aux éditions Flammarion, Fabrice Luchini évoque ses parents qui tenaient un magasin de fruits et légumes à l’angle de la rue Ramey et du passage Cottin.





Accès 70 rue Leibniz et 2 rue Jules-Cloquet - Paris 18
Métro Porte de Saint Ouen ligne 13

Le quartier de la Moskova, du nom d'une bataille a fait l'objet de profondes transformations depuis les années 70. Enserrée entre le tracé des anciennes fortifications de Thiers et le talus du chemin de fer de la Petite Ceinture, il offre aujourd'hui un paysage urbain contrasté entre ruelles étroites bordées de jolis pavillons et grands ensembles contemporains. Le passage Charles-Albert, petit coin de campagne à Paris illustre cette mutation du bâti tout en ressuscitant pour les flâneurs le souvenir d'une autre époque. Endroit coquet aux allures de village, il a été percé en 1857 entre la rue Leibniz et la rue Jules-Cloquet. Cette voie privée ouverte à la circulation publique par arrêté du 23 juin 1959 porte le prénom du propriétaire des terrains sur lesquels elle a été tracée, Charles-Albert Frossard (1840-1901) inspecteur général des Ponts et Chaussées, directeur des travaux hydrauliques et bâtiments civils du port militaire de Cherbourg, officier de la Légion d'honneur. La plupart des maisons datent de la seconde moitié du XIXème siècle, charme préservé d'un Paris disparu. Le parcellaire très étroit accote de charmants pavillons aux façades de meulières et de briques dotés de jardins lilliputiens. 




Accès 63 rue Rébeval et 35 avenue Simon Bolivar - Paris 19
Métro Pyrénées ligne 11

Entre Belleville et les Buttes Chaumont, vignes et carrières prospéraient avant l'annexion de la commune à la ville de Paris en 1860. La progressive industrialisation jusqu'au début du XXème siècle ainsi que les grands travaux d'Haussmann ont transformé le village champêtre en quartier d'artisanat et de petite industrie. Palier entre la rue de Belleville et l'avenue Simon Bolivar, rayonnent de nombreuses ruelles de traverse rayonnent depuis la rue Rébeval, vestiges des vieux chemins menant aux moulins et aux carrières de la butte Chaumont. Le passage Gauthier, du nom d'un propriétaire de terrains, est l'une de ces petites rues typiques où l'ancien tissu urbain de Belleville, constitué d'un bâti de faible hauteur, se mêle aux transformations drastiques des années 70. Le passage Gauthier est la partie basse subsistante de l'ancien chemin du Moulin de la Galette qui conduisait à la butte depuis la rue Saint Laurent devenue rue Rébeval en 1864 jusqu'à la rue Fessart. Dès le XVIème siècle, des moulins s'implantent sur le côté occidental de la butte Chaumont. Ils disparaissent progressivement au cours de la première moitié du XIXème siècle, frappés par l'industrialisation de la minoterie. Durant cette période, la fragilisation des sols causée par l'exploitation des carrières, qui fermées sont comblées de façon approximative, provoquent des effondrements de terrain et la destruction pure et simple d'un certain nombre d'entre eux.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.