Paris : 10 maisons insolites à Paris, 10 bicoques originales au coeur de la ville

 

Marqué par l’uniformité haussmannienne, le paysage parisien révèle parfois au détour de la promenade de singulières pépites. Les maisons aux dimensions modestes tranchent avec l’homogénéité du tissu urbain. Lieux chargés d’histoire, ces édifices ont été préservés du fait de leur intérêt patrimonial grâce la passion des riverains, l’engagement citoyen ou simplement l’intervention des pouvoirs publics. L’originalité des 10 maisons insolites sélectionnées par la rédaction contraste avec l’alignement sage des façades en pierre de taille. Ces belles surprises offrent le plaisir de l’inattendu, la couleur, les formes en décalage. Pépites d’inspiration variées, leur originalité signe le goût d’une époque, le style d’un architecte, la personnalité d’un commanditaire, la vocation d’un commerce. Parfois même, vestiges des Expositions Universelles du XIXème et du début du XXème siècles, leur exotisme convoque les lointains et les horizons plus vastes. Leur histoire n’est jamais banal. Pour découvrir une facette différente de Paris, florilège de 10 maisons insolites. 





103 rue de Meaux - Paris 19
Métro Laumière ligne 5

Le chalet du 103 rue de Meaux impose avec humour son incongruité architecturale au cœur d’un quartier radicalement modernisé dans les années 1970. Cette bicoque de bois haute d’une dizaine de mètres illustre la diversité patrimoniale du XIXème arrondissement. 
Ce singulier édifice aurait été présenté à l’Exposition Universelle de 1867, Exposition universelle d'art et d'industrie. La septième Exposition universelle se tient à Paris du 1er avril au 3 novembre 1867 sur le Champ-de-Mars. Quarante-un pays sont représentés par des pavillons qui rivalisent d’ingéniosité. A la suite de l’exposition, les différents éléments démontés seront réutilisés, vendus, dispersés. Le chalet du 103 rue de Meaux aurait représenté la délégation d’Europe Centrale. Trois pavillons de même nature datant de cette époque subsisteraient encore à Paris. Volontiers qualifié de chalet alpin, son esthétique n’est pas exactement savoyarde. Le petit pavillon ressemble plutôt aux chalets roumains des Carpartes avec découpes et festonnages typiques. Il a été sauvé de l’avidité des bétonneurs par l’intervention des riverains et de la Mairie. 





2 rue de l’Abreuvoir - Paris 18
Métro Lamarck-Caulaincourt ligne 12

La Maison Rose, au carrefour des rues des Saules, Cortot et de l'Abreuvoir, est l'une des haltes picturales les plus célèbres de Montmartre. Elle doit notamment sa renommée aux tableaux de Maurice Utrillo, peintre des paysages urbains de la Butte. Annexée à Paris en 1860, la commune champêtre de Montmartre, entre vignes et moulins à vent fut au XIXème siècle, l'un des centres de la vie artistique parisienne.  Jean-Baptiste Corot, Théodore Géricault, Auguste Renoir, Edgar Degas, Paul Cézanne, Max Jacob, Guillaume Apollinaire, Juan Gris, Maurice de Vlaminck, Georges Braque, Pablo Picasso, Suzanne Valadon, Maurice Utrillo, tous ont fréquenté la Butte célébrée dans de nombreuses œuvres. Si aujourd'hui, Montmartre n'appartient plus exactement aux artistes, les règles architecturales strictes qui régissent le bâti ont su préserver de l'appétit des promoteurs l'atmosphère de village, la faible densité et les constructions peu élevées. 





7 impasse Marie-Blanche - Paris 18
Métro Blanche ligne 2

Dans le quartier des Grandes-Carrières, l’ancienne impasse Constance devenue passage Sainte-Marie puis impasse Sainte-Marie-Blanche avant de prendre le nom impasse Marie-Blanche en 1873 est une coquette voie publique animée en ce moment par la construction d’un immeuble qui promet luxe, calme et volupté. A la droite du chantier, une singulière bâtisse passerait presque inaperçue. Il s’agit d’une villa néo-gothique, pseudo-médiévale qui appartenait à l’antiquaire Ernest Eymonaud. L’hôtel particulier a été construit entre 1892 et 1897 par l’architecte Joseph Charles Guirard de Montarnal selon les goûts d’une époque à l’esthétique marquée par les travaux de Viollet-le-Duc. La Maison Eymonaud se caractérise par une tour carrée de deux étages, des fenêtres à meneaux, des poivrières et de riches décors sculptés, singes en bois, gargouilles et personnages d’inspiration médiévale. L’encadrement ciselé de la porte dans un esprit Renaissance reprend cette idée des motifs gothiques. Les ornements évoquent le programme décoratif de l’hôtel de l’Escalopier voisin qui se trouvait au niveau des 13-19 rue Joseph de Maistre, construit en 1835 et démoli en 1882. Les historiens estiment qu’à cette occasion, Ernest Eymonaud a probablement racheté des éléments pour les intégrer à la façade de sa future demeure.





32 rue Eugène Flachat - Paris 17
Métro Pereire ligne 3

Au 32 rue Eugène Flachat, la Maison Dumas fait de l’ombre aux hôtels particuliers voisins. Sa fantaisie colorée accapare toute l’attention. Le revêtement turquoise de faïence rutilante contraste joyeusement avec la brique rouge. La frise de l’archivolte en carreaux de céramique déploie de somptueux motifs méditerranéens, branches de citronnier de Sorrente chargées de fruits. L’architecte Paul Sédille (1836-1900), auteur de l’édifice, a fait appel au céramiste Jules Loebnitz, son collaborateur de longue date, afin de réaliser ensemble cette remarquable façade. Lorsque la rue Eugène Flachat est créée en 1879, François Guillaume Dumas (1847-1819), journaliste, critique d’art et écrivain, fait l’acquisition d’un terrain vierge qui court entre la nouvelle voie et le boulevard Berthier. Il souhaite que sa demeure reflète son succès et son goût pour la modernité esthétique. Paul Sédille, ses idées innovantes, ses expérimentations ambitieuses, apparaît comme l’homme providentiel. Le permis de construire du 32 rue Flachat est délivré le 15 février 1892. Paul Sédille imagine pour François-Guillaume Dumas une bâtisse sur trois étages dont le riche programme décoratif embrasse pleinement la polychromie monumentale dont il est l’ambassadeur le plus fervent. L’association de briques vernissées vertes et de briques rouges illustre ses propres principes créatifs. Il en va de même pour les références à la Renaissance italienne, bossages, fenêtres groupées en plein cintre, bas-relief représentant une femme nue et un putto. 





169 / 169 bis boulevard Lefebvre - Paris 15
Métro Porte de Vanves ligne 13

Au 169/169 bis boulevard Lefebvre, une insolite maison à petits loyers attribuée à l’architecte Jules Lavirotte (1864-1929) impose sa marque dans un quartier dévolu à la contemporanéité brutaliste du béton. Briques maillées, décor peint coloré, porte surmontée d’un entablement aux courbes Art Nouveau, cette oeuvre charme par son originalité. L'environnement n'en demeure pas moins peu avenant. Achevée en 1906, elle a subi des rénovations d’un goût parfois discutable. La façade a été récemment repeinte dans un rose pâle étrange. La matière pèle désormais abondamment laissant une impression de façade lépreuse. La porte en bois originelle a été remplacée par une porte vitrée dont les éléments de métal peints en vert évoquent les anciens motifs de celle disparue. La restauration des fresques a néanmoins permis de raviver les couleurs de frises aux motifs floraux stylisés. 





15 square Vergennes - Paris 15
Métro Vaugirard ligne 12

Incursion verdoyante au coeur de la ville, le square Vergennes, du nom d'un ministre de Louis XVI, est accessible depuis la très urbaine rue Vaugirard. Entre l'ambassade du Honduras et de coquettes maisons de ville, survivances d'un XVème arrondissement post-moderne, l'impasse dissimule un secret architectural bien gardé. Trésor des lieux, la Maison Barillet a été réalisée par Robert Mallet-Stevens (1886-1945) entre 1931 et 1932 pour son ami Louis Barillet (1880-1948), maître-verrier, peintre, mosaïste. A la fois atelier et appartement, l'esthétique de l'édifice est marqué par sa double fonction, lieu de travail, de production industrielle et domicile. Inscrit au titre des Monuments historiques par arrêté du 7 juin 1993, il a été entièrement rénové au début des années 2000 par un mécène passionné d'Art déco et de modernisme, l'industriel Yves Poulain qui y a inauguré un premier musée dédié aux arts et au design avant qu'il ne devienne en 2014 le musée Mendjisky - Ecoles de Paris. Malheureusement, celui-ci a fermé définitivement ses portes laissant l'avenir de ce beau bâtiment incertain.





39 rue du Château d'Eau - Paris 10
Métro Château d’eau ligne 4

La plus petite maison de Paris, construction relativement récente, livre peu de secrets quant à ses origines. Malgré ses proportions particulièrement étriquées, la construction indépendante, comprimée entre deux immeubles de six étages beaucoup plus banals, possède bien son propre numéro de rue. Au 39 rue du Château-d’Eau dans le Xème arrondissement, elle passerait presque inaperçue, minuscule édifice rencogné dans une brèche. Ses dimensions, 1m40 de largeur en façade, 5 mètres de hauteur, 3 mètres de profondeur, en font la détentrice d’un record incongru, celui de maison la plus petite de la Capitale. L’espace commercial au rez-de-chaussée, un magasin de prêt-à-porter, est surmonté d’un étage, une pièce de même volume dont la modeste fenêtre ouvre sur la rue. Cette chambrette qui ne communique pas avec l’échoppe est accessible par les appartements situés au 41 rue du Château-d’Eau. Du fait de son extrême exigüité, la plus petite maison de Paris ne peut être habitée. Les proportions de la bâtisse requièrent quelques explications.





48 rue de Courcelles - Paris 8
Métro Courcelles ligne 2

La Maison Loo dresse sa silhouette singulière d’inspiration chinoise en plein cœur d’un quartier à l’esthétique très haussmannienne. Haute demeure de quatre étages, elle est l’héritage architectural légué à la Plaine Monceau par Ching Tsai Loo (1880-1957), marchand et collectionneur d’art asiatique. Lorsque l’homme d’affaires achète la bâtisse originelle en 1922, il s’agit d’un très classique hôtel particulier Napoléon III, établi sur seulement deux niveaux. Monsieur Loo a le sens de la communication et confie la transformation de cet édifice à l’architecte Fernand Bloch (1864-1945). Il souhaite offrir un écrin à ses collections personnelles, faire rayonner son commerce, des galeries spécialisées dans l’art extrême-oriental. La Maison Loo, adaptation libre de l’architecture chinoise, se caractérise par un enduit rouge ocre qui tranche avec panache sur la pierre de taille blonde du quartier.





79 rue Madame - Paris 6
Métro Notre-Dames-des-Champs ligne 12

Au numéro 79 de la rue Madame, à l’angle de la rue d’Assas, un petit immeuble de rapport coquet attire les regards par sa remarquable loggia bow-window à armature métallique soutenue par une cariatide et un atlante. L’édifice protégé au titre du PLU a été édifié pour la famille Gillot, imprimeurs d’art réputés. La campagne de construction semble s’être déroulée en plusieurs étapes. La construction à proprement dit est intervenue vers 1860/70. Par la suite deux projets de modification ont été menés par l’architecte Félix Werlé pour le compte de Charles Gillot, en 1887 pour une extension sur cour puis en 1892 avec la surélévation du corps de bâtiment sur rue. Le plan de façade originel de la maison Gillot reprend certaines dispositions classiques de l’hôtel particulier. De remarquables décors signés Eugène Grasset trois grands vitaux et des moulures du plafond à caissons ont été préservés ainsi qu’un élégant escalier à balustres en bois de la fin du XIXème siècle. 





134 rue Mouffetard - Paris 5
Métro Censier Daubenton ligne 5

La façade du 134 rue Mouffetard se singularise par un pittoresque décor, réalisé dans les années 1930 selon la technique du Sgraffito, héritée de la Renaissance italienne. Biche, sanglier, faisan s’ébattent sur un fond de motifs végétaux, arabesques gracieuses, volutes foisonnantes. La présence incongrue de ce gibier apporte une touche pittoresque au petit immeuble du XVIIème siècle. Entre les fenêtres de l’entresol, quatre cartouches sont ornées de panneaux en tôle représentant des scènes champêtres. Cette façade baroque a longtemps été l’enseigne de la Maison Facchetti, charcuterie-traiteur. Commande du patron à un compatriote italien, le décor est réalisé entre 1929 et 1931 par un maçon dont le nom serait selon les sources « Eldi Gueri » ou « Adigheri ».  Dans la tradition des anciennes enseignes héritées du Moyen-Âge, Facchetti y voit l’occasion de faire sa réclame pour attirer une nouvelle clientèle, tout en affirmant la prospérité du commerce. Rue Mouffetard, l’omniprésence des commerces de bouche poussent les artisans à se démarquer par leur créativité. Situé juste en face du parvis de l’église Saint-Médard où se tient le marché, la façade du 134 rue Mouffetard attire encore l’attention près d’un siècle plus tard. L’établissement Facchetti clôturé le 2 février 2001 a été remplacé par une crèmerie fameuse dans tout Paris et un traiteur italien qui ne dépare pas.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.