Paris : 169 / 169 bis boulevard Lefebvre, une maison à petit loyer signée Jules Lavirotte, expression modeste de l'Art Nouveau fonctionnel - XVème



Au 169/169 bis boulevard Lefebvre, une insolite maison à petits loyers attribuée à l’architecte Jules Lavirotte (1864-1929) impose sa marque dans un quartier dévolu à la contemporanéité brutaliste du béton. Briques maillées, décor peint coloré, porte surmontée d’un entablement aux courbes Art Nouveau, cette oeuvre charme par son originalité. L'environnement n'en demeure pas moins peu avenant. Achevée en 1906, elle a subi des rénovations d’un goût parfois discutable. La façade a été récemment repeinte dans un rose pâle étrange. La matière pèle désormais abondamment laissant une impression de façade lépreuse. La porte en bois originelle a été remplacée par une porte vitrée dont les éléments de métal peints en vert évoquent les anciens motifs de celle disparue. La restauration des fresques a néanmoins permis de raviver les couleurs de frises aux motifs floraux stylisés. 






La signature architecturale de Jules Lavirotte s’inscrit dans une esthétique symboliste fin de siècle. Sa collaboration fructueuse avec le céramiste Alexandre Bigot (1862-1927), spécialiste du grès flammé, a marqué l’ensemble de son oeuvre. Ses créations ont été distinguées à trois reprises par le concours de façades de la Ville de Paris, en 1903 l’immeuble Lavirotte de l’avenue Rapp,  en 1907 le Ceramic Hotel 
et une dernière fois avec l’hôtel particulier du 23 avenue de Messine. 

Les premiers spécialistes de l’Art Nouveau ont longtemps ignoré l’existence de l’édifice situé au 169/169 bis boulevard Lefebvre, omettant ainsi de l’intégrer aux réalisations officialisées de Jules Lavirotte. En 1905, celui-ci présente les plans d’un immeuble de rapport destiné à accueillir le nouveau siège de l’entreprise Mallez, un bâtiment de cinq étages auxquels s’ajoutent des combles. Un dessin de l’une des élévations sera exposé à l’occasion du Salon des artistes. Le permis de construire n’ayant pas été accordé, ce bâtiment ne voit pas le jour. Les spécialistes considèrent le projet définitivement avorté. 







La même année, Monsieur Carré, domicilié alors à Vitry-sur-Seine acquiert une parcelle sur des terrains lotis correspondant au 169 et 169bis boulevard Lefebvre. Jules Lavirotte propose d’adapter son idée d’édifice fonctionnel sur six niveaux en un immeuble d’habitation à loyers modérés. Mais le commanditaire demande à l’architecte de revoir ses ambitions à la baisse. Amputé de trois étages et de ses combles, l’immeuble de rapport susceptible d’accueillir un certain nombre de locataires, se voit réduit drastiquement. Il devient une modeste maison de deux étages, destinées aux seuls besoins de Monsieur Carré et sa famille. La demande de permis de construire est publiée le 14 août 1905.

Dans les années 1990, une opération immobilière menace de destruction cette construction insolite dans un environnement féru de hauteurs bétonnées. Un comité de quartier intervient pour la sauvegarde de ce petit patrimoine et obtient sa grâce. 

Maison à petit loyer de Jules Lavirotte
169 boulevard Lefebvre - Paris 15
Métro Porte de Vanves ligne 13



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.