Paris : Façade du 134 rue Mouffetard, un décor foisonnant des années 1930, ancienne enseigne pittoresque de la Maison Facchetti, charcutier-traiteur - Vème


La façade du 134 rue Mouffetard se singularise par un pittoresque décor, réalisé dans les années 1930 selon la technique héritée de la Renaissance italienne du Sgraffito. Biche, sanglier, faisan s’ébattent sur un fond de motifs végétaux, arabesques gracieuses, volutes foisonnantes. La présence incongrue de ce gibier apporte une touche pittoresque au petit immeuble du XVIIème siècle. Entre les fenêtres de l’entresol, quatre cartouches sont ornées de panneaux en tôle représentant des scènes champêtres. Cette façade baroque a longtemps été l’enseigne de la Maison Facchetti, charcuterie-traiteur. Commande du patron à un compatriote italien, le décor est réalisé entre 1929 et 1931 par un maçon dont le nom serait selon les sources « Eldi Gueri » ou « Adigheri ».  Dans la tradition des anciennes enseignes héritées du Moyen-Âge, Facchetti y voit l’occasion de faire sa réclame pour attirer une nouvelle clientèle, tout en affirmant la prospérité du commerce. Rue Mouffetard, l’omniprésence des commerces de bouche poussent les artisans à se démarquer par leur créativité. Situé juste en face du parvis de l’église Saint-Médard où se tient le marché, la façade du 134 rue Mouffetard attire encore l’attention près d’un siècle plus tard. L’établissement Facchetti clôturé le 2 février 2001 a été remplacé par une crèmerie fameuse dans tout Paris et un traiteur italien qui ne dépare pas. 



La fresque du 134 rue Mouffetard a été exécutée avec le technique du Sgraffito, du verbe italien « graffiare », griffer. Cet art visuel, très en vogue à la Renaissance avant de quasiment disparaître, est redécouvert par le mouvement Art Nouveau au tout début du XXème siècle, avant la Première Guerre Mondiale. A Bruxelles et à Prague, de nombreux immeubles construits durant cette période ont été décoré selon ce procédé particulier.

Des couches successives de mortier, colorées dans la masse, sont grattées, gravées, creusées afin de faire apparaître les lignes, les formes. Les effets colorés procèdent de cette superposition d’épaisseurs d’enduits. La technique qui s’apparente à celle du camée demeure peu commune en France. La protection de façade du 134 rue Mouffetard, inscription aux Monuments historiques par arrêté du 31 juillet 1990, aurait été accordée du fait de cette rareté.


Rue Mouffetard vers 1900

Rue Mouffetard vers 1925

Rue Mouffetard 1955

Rue Mouffetard 1958


Jusqu’à la Révolution, période à laquelle sera établi une première numérotation des rues, les enseignes sont le seul moyen de s’orienter à travers la ville, de distinguer les maisons. Alors qu’elles sont encore très répandues à la fin du XVIIIème siècle, elles disparaissent rapidement au fronton des logements, des habitations. Néanmoins, la tradition perdure chez les commerçants pour lesquels les enseignes à potence jouent un rôle de communication, d’annonce. Ils rivalisent d’inventivité formelle employant des matériaux variés, fer forgé, bois, toile peinte.  

En 1761, Antoine de Sartine (1729-1801), homme politique, lieutenant criminel du Châtelet en 1755, lieutenant général de police de 1759 à 1774, et plus tard ministre de la Marine sous Louis XVI, réglemente par ordonnance l’accrochage des enseignes à potence auxquelles sont fait de nombreux reproches. Elles sont bruyantes, font paraître les rues plus étroites et les assombrissent, diminuant la qualité de l’éclairage public. Afin de ne pas renoncer à l’effet d’annonce très vendeur, les commerçants trouvent une solution alternative. Les enseignes seront désormais plaquées directement contre la façade des établissements. Par la suite, la conception de panneaux de dimensions réduites et l’élargissement spectaculaire des rues à la suite des grands travaux d’Haussmann permettront un retour en grâce des enseignes à potence.

Façade du 134 rue Mouffetard - Paris 5



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 5è arrondissement - Bernard Dreyfuss - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme

Sites référents