Paris : Impasse des Arbalétriers, cul-de-sac médiéval et assassinat historique - IIIème



Alors que la rue des Francs-Bourgeois offre l'aspect animé des artères commerçantes parisiennes, l'impasse des Arbalétriers, qui s'ouvre au niveau du numéro 38, contraste par le calme de son charme pittoresque. Petite voie médiévale datant du XVème siècle, elle trottine sur les pavés disjoints entre deux hôtels particuliers du XVIIème siècle dont les corps de logis en encorbellement viennent parfaire l'illusion d'un voyage dans le temps. Sur la rive droite de la venelle, l'hôtel Poussepin où est niché le Centre Culturel Suisse fastueusement rénové et entretenu contrairement à la rive gauche, date d'environ 1620. Successivement Allée des Arbalétriers, impasse Barbette puis impasse des Arbalétriers, la légende de cette ruelle attire la curiosité des flâneurs. Ses allures médiévales préservées entretiennent le mythe. Lutte de pouvoir, violence, sexe, l'impasse des Arbalétriers fut probablement le lieu d'un épisode qui marqua l'histoire de France par ses conséquences, l'assassinat du duc d'Orléans en 1407.







L'impasse des Arbalétriers est une ancienne desserte secondaire de l'hôtel Barbette dont l'entrée principale se trouvait au niveau de l'actuelle rue Vieille du Temple. Cette maison de plaisance disparue au XVIème siècle, est construite pour le prévôt des marchands Etienne Barbette vers le début du XIIIème siècle. Bâtisse et dépendances occupent approximativement un quadrilatère formé par les rues Vieille-du-Temple, des Francs-Bourgeois, de Payenne et du Parc-Royal. L'allée des Arbalétriers mène alors à un terrain d'exercice des arbalétriers situé au pied de l'enceinte Philippe-Auguste. 

Fin du XIVème siècle, début du XVème, l'hôtel Barbette est la résidence parisienne de la reine Isabeau de Bavière (1371-1435) épouse du roi Charles VI (1368-1422). Celui-ci victime de bouffées délirantes dès 1392 est incapable de gouverner. Ses oncles Philippe le Hardi duc de Bourgogne (1342-1404), Louis duc d'Anjou (1384-1417), Jean duc de Berry (1340-1416) qui avaient assuré la régence au décès de Charles V la reprennent. Le conseil est présidé à partir de 1393 par la reine. Au décès de Philippe le Hardi, Louis duc d'Orléans, frère du roi qui est aussi le gendre du duc d'Armagnac, joue de son influence sur Isabeau. La rumeur court qu'ils entretiennent une liaison. Charles VI est fou, sa femme Isabeau le trompe avec son frère. Gêné dans ses ambitions par le duc d'Orléans, son cousin, Jean sans Peur, le fils du Hardi, décide d'assassiner son rival politique. 








Le 23 novembre 1407, en revenant de l'hôtel Barbette où il était en visite auprès d'Isabeau à peine relevée de couches, Louis d'Orléans tombe dans une embuscade menée par les sbires du duc de Bourgogne, Raoul d'Anquetonville et Lourdin de Saligny. La légende veut que ce crime ait eu lieu dans notre impasse des Arbalétriers bien qu'il soit historiquement plus vraisemblable que l'attaque se soit tenue dans la portion de la rue Vieille du Temple qui s'appelait alors rue Neuve Barbette. 

Cet assassinat est le prélude à une guerre civile entre les Armagnac et les Bourguignons (1411-1435) qui permet après une trêve à Henry V d'Angleterre de relancer la Guerre de Cent ans (1337-1453). Guerre de Cent ans qui je vous le rappelle est un conflit dynastique né à la mort de Charles IV (1294-1328) dernier fils de Philippe IV le Bel (1268-1314) opposant les Plantagenêt d'Angleterre et les Valois de France, chacun faisant valoir ses droits sur la couronne de France.







Plus paisiblement, l'impasse des Arbalétriers - alors impasse Barbette - photographiée en 1899 par Eugène Atget, a des airs populaires de courette industrielle populaire. L'impasse se prolonge alors vers une cour intérieure qui aboutit en passage ouvert entre les 62 et 64 rue Vieille du Temple. 

Sur les clichés datant de 1910, est annoncé à l'entrée sur une plaque la boutique d'un grossiste en droguerie. Il s'y trouve également un atelier de cannage et rempaillage ainsi qu'un lavoir tout au fond. Les poules courent sur les pavés entre les charrettes qui attendent leur chargement. De 1970 à 1990, l'impasse des Arbalétriers accueille le peintre Corneille (1922-2010) également graveur et sculpteur, co-fondateur en 1948 du mouvement CoBra ou l’Internationale des artistes expérimentaux, qui y tient atelier.










Lieu du patrimoine historique, l'impasse des Arbalétriers est une voie privée dont l'entretien dépend des copropriétés du 56 et 58 rue Vieille du Temple. Sa préservation et sa conservation font débat tandis que les artistes de street art investissent le passage dont le portail est ouvert nuit et jour. Côté droit de la ruelle, où est établi le Centre Culturel Suisse, les façades entretenues sont régulièrement ravalées, ce qui n'est pas le cas du côté gauche.  Au grand désarroi des riverains qui multiplient les pétitions.

Impasse des Arbalétriers
Accès 38 rue des Francs-Bourgeois - Paris 3

Bibliographie
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Le guide du promeneur 3è arrondissement - Isabelle Dérens - Parigramme

Sites référents
 


Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.