Lundi Librairie : 5 récits de voyage, à dévorer tout au long de l'été

 


Les récits de voyage, ouvrages parfaits pour accompagner l'été et nos propres périples, emportent les lecteurs sur les pas des écrivains curieux d'ailleurs. A la découverte d'horizons lointains, les paysages inconnus oscillent entre nature sauvage et grands sites urbains. En vogue depuis le XIIIème siècle et "Le livre des merveilles" de Marco Polo, le récit de voyage connait aujourd'hui un engouement inédit. Les nouveaux auteurs détournent les codes et réinventent l'image de l'écrivain voyageur, journaliste. Leurs témoignages empruntent les chemins d'une une vision plus personnelle, plus intimiste. Poussés par la curiosité, le désir de périple en solitaire, ou l'envie d'aventures dans des contrées inconnues, ces auteurs s'échappent hors de leur quotidien, quelques mois, une année. De descriptions en comparaisons, de pensées philosophiques en impressions triviales cocasses, leurs récits nourrissent les imaginaires de ceux qui rêvent devant des atlas ou des périodiques tels que Géo ou National Geographic. Ils disent les conditions variées d'exploration, les imprévus, les vicissitudes, les petits bonheurs, les grandes joies. Journal de bord des rencontres, compilation de réflexions personnelles, éclairage sensible sur une expérience personnelle, ces textes relatent les choses vues, entendues, nouant un lien puissant avec le lecteur. Les projections littéraires teintées tour à tour d'humour, de mélancolie, invitent à s'ouvrir au monde, à reconnecter avec ses propres racines ou encore à passer le pas de ces fameux "voyages qui forment la jeunesse". La rédaction de Paris la douce a sélectionné pour vous cinq récits à glisser dans votre valise pour les vacances.



1/ New York - États-Unis

"Carnets de New York" - Paolo Cognetti - Editions Stock - Collection La Cosmopolite

Paolo Cognetti a vingt-cinq ans lorsqu’il se rend à New York pour la première fois en 2003. Le coup de foudre est immédiat. Attiré tout d'abord par les quartiers emblématiques, il se prend rapidement d’affection pour les lieux empreints l’histoire, parfois abandonnés, les anciennes zones industrielles, les usines désaffectées, les terrains vagues. Jusqu’en 2006, il multiplie les séjours professionnels dans la Grosse Pomme en tant que réalisateur d’une série documentaire au sujet de la littérature américaine. Puis happé par sa passion naissante, il ne cessera de revenir arpenter les rues de la ville, crayons et carnets en poche. Publiés en 2010 en Italie sous le titre « New York è una finestra senza tende » aux éditions Laterza, ces récits d’escales à la rencontre de la cité l’entraînent sur les pas de ses auteurs fétiches. Les textes de ses flâneries sont ponctués de nombreuses citations puisées dans leurs œuvres.  

Paolo Cognetti se glisse dans l’ombre de ses maîtres en littérature, Walt Whitman, Herman Melville, Truman Capote, J-D Salinger, Jack Kerouac mais également les contemporains comme Colson Whitehead. Par association, il découvre le Manhattan des gratte-ciels, le Brooklyn des écrivains, le Queens, les rives de l’Hudson et de l’East River. Il se penche particulièrement sur les quartiers populaires où les vagues successives d’immigration ont formé des creusets de civilisations. L'auteur arpente les rues de la ville qui ne dort jamais, polymorphe, kaléidoscope, jpour nous conter les liens noués. Il a un faible pour les anti-conformistes, les rencontres inattendues. C’est un bonheur rare de suivre Paolo Cognetti dans ses virées.





2/ Tour du monde : Djerba en Tunisie, Polynésie, Medellin en Colombie, Rio de Janeiro au Brésil, Bollywood en Inde, Mozambique, Tanzanie, Suisse

"Touriste" - Julien Blanc-Gras - Editions Au Diable Vauvert - Poche Le Livre de Poche

Gamin, Julien Blanc-Gras se passionne pour la géographie, les cartes et planisphères à tel point que le doudou avec lequel il s’endort le soir est un globe-terrestre en plastique offert un peu inconsciemment par ses parents. Il développe une fascination pour les voyages, l’ailleurs mais plutôt que de devenir explorateur ou aventurier, il rêve d'être touriste professionnel, un visiteur traînant certes une mauvaise réputation mais qui « traverse la vie, curieux et détendu. » Pour assouvir sa passion et financer sa bougeotte, il se fait journaliste et écrivain ce qui parfois le contraint à accepter voyages de presse, périples organisés par des tours opérateur et autres séjours dans des clubs de vacances. Tourisme de masse à Djerba, karaoké chinois, bidonville de Medellin, favela de Rio, surf en Polynésie, Bollywood et enfant dieu en Inde, jungle inviolée au Mozambique et en Tanzanie, aéroports suisses, Julien Blanc-Gras qui décidément ne trouvera « pas de repos dans l’immobilité » passe au-delà des clichés et nous emmène en sa compagnie savourer des instants suspendus au bout du monde.

Carnet de route désopilant, "Touriste" est un récit de voyage d’un genre un peu particulier. Si l’auteur ne se prend pas au sérieux, il développe pourtant une compréhension intime du monde qui donne à ses écrits une portée politique teintée d’humour salutaire. Entre errance et exotisme, vagabondage et découvertes singulières, cette série de cartes postales trace d’une plume affûtée servie par un sens drolatique de la formule, un portrait saisissant de notre planète. Julien Blanc-Gras manie avec esprit l’autodérision et le comique de situation. Au fil des anecdotes, des rocambolesques accidents de parcours et diverses turbulences, il ne s’épargne jamais, relevant à l’occasion le désenchantement qui le saisit.





3/ Lac Baïkal en Sibérie - Russie

"Dans les forêts de Sibérie" - Sylvain Tesson - Editions Gallimard - Poche Folio

Sylvain Tesson s’était fait la promesse de consacrer, avant ses quarante ans, six mois de sa vie à une retraite solitaire au fin fond de la Sibérie. En février 2010, il s’installe dans une isba sur la rive occidentale du lac Baïkal, à cinq jours de trajet du village le plus proche. Loin du confort moderne, il mène alors une vie rudimentaire, sans contraintes, détachée de tous les engagements contemporains. Il renoue le lien avec les gestes élémentaires ancestraux : couper du bois pour se chauffer, pêcher dans un trou percé à travers la glace, préparer les repas. Il prend le temps se perdre dans la contemplation du paysage, de fumer des cigares, de lire.

Sylvain Tesson choisit de partir loin et seul, se dérobe à sa vie sociale pour mieux se retrouver. Tempérament d’aventurier, il s’étourdit de solitude et de vodka. Ses réflexions personnelles marquées par l’humour et le goût des aphorismes disent l’instant capturé, ré-apprivoisé. Par le récit de cette ascèse illuminée volontiers éthylique, mystique dipsomane, renaissance éblouie, Sylvain Tesson nous invite à vivre le présent, hors du temps, hors du monde. 





4/ Paris - France / Harlem, New York - États-Unis

"C’est beau une ville la nuit" - Richard Bohringer - Editions Denoël - Poche Folio

Un vagabond céleste erre sans itinéraire. Un écorché vif traverse la nuit à Paris, à Harlem. Consumé par la vie, par les sentiments trop grands d’un cœur trop vaste, des débuts trop difficiles, il confesse le spleen des petits matins gris, les amours perdus, les femmes qui partent, les vénus mercenaires au cœur froid, aux bras chauds. Il dit l’amour inconditionnel d’une grand-mère, les grandes amitiés. Il peint le tableau vivant de sa complicité avec ses frères humains, les amis à la vie à la mort, ceux disparus trop tôt emportés par la came, l’alcool, la misère, ceux qui riment avec toujours. La camaraderie des beuveries se retrouve des bas-fonds aux lieux à la mode jusqu’aux troquets les plus improbables. 

Dans ce recueil de textes déchirants, stridences et fulgurances, Richard Bohringer, poète, évoque ces êtres à la marge, douloureux, perdus. Avec des accents rimbaldiens, il convoque le souvenir de la bohème, la débrouille, les petits larcins de gamin. Il raconte les dérives vertigineuses et les éblouissements au fond du caniveau, au bout du monde. On songe à Jack Kerouac et ses cloches magnifiques, Charles Bukowski et ses récits intimes. La comédie flirte toujours avec la tragédie, s'ébattant dans la fange et le sublime. 





5/ New York - États-Unis / Port-au-Prince, Petit-Goâve - Haïti

"L’Énigme du retour" - Dany Laferrière - Éditions Grasset - Poche Le Livre de Poche

A Montréal, un écrivain haïtien en exil passe de longues heures en méditation dans son bain rêvant des livres à venir. Une nuit, un appel lui annonce le décès de son père. Quinze années séparent les destins similaires du père et du fils, contraints à l’expatriation, l’un par la dictature de Papa Doc, l’autre par celle de Bébé Doc, le fils au Canada, le père à Brooklyn. L’écrivain se rend à New York pour les funérailles d’un homme presque inconnu. Puis, après trente-trois ans d’exil, le narrateur s’envole vers Haïti afin de partager le deuil avec sa famille. Retour aux sources de son imaginaire, il s’engage dans les pas du petit garçon surnommé Vieux-Os. Avec nostalgie, il retrouve les anciens camarades de classe, les souvenirs d’un temps révolu puis part à la découverte du village natal de son père.

Dany Laferrière confronte la mémoire heureuse de l'enfance à la réalité contemporaine de la misère, de la violence. Il en vient à questionner ses souvenirs. Il cherche les repères familiers, s’interroge sur la transmission d’une culture, la filiation. La vie volée par l’histoire. Dany Laferrière exprime la culpabilité de l’exilé parti en laissant les autres derrière lui, sa mère et sa sœur. Hymne au peuple d’Haïti, chant d’ouverture au monde, « L’Énigme du retour » est un livre magnifique, douloureux, émouvant.




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.