Paris : 10 fontaines contemporaines, 10 fontaines modernes à Paris

 


Paris compte près de trois-cents fontaines d’époques et de styles d’une grande variété. Leur vocation originelle, alimenter au quotidien la population en eau, évolue au fur et à mesure. Depuis le XVIIème siècle, les fontaines d’agrément détachées de toute fonction triviale symbolisent le prestige de la ville, la prospérité. Architecturales, mémorables, majestueuses, allégoriques, artistiques, elles marquent la ville de leur caractère, soulignent l’architecture, contrastent avec l’environnement. Ces virgules poétiques convoquent le plaisir de l’eau, la sensorialité, le murmure, la fraîcheur sur la peau, les reflets de la lumière, invitations à la contemplation. Disséminées à travers la ville, les créations témoignent de l’histoire de Paris et de l’histoire de l’art. Au cours des années 1980, la Ville lance une série de concours afin de créer de nouvelles fontaines dans les quartiers transformés par les travaux de la décennie précédente, Belleville, Les Halles. Le programme d’aménagement de l’est parisien, développé à partir de 1983, reprend la tradition de la fontaine décorative qui dynamise l’espace, redonne une forme de vitalité à la cité minérale. Les fontaines publiques, accessibles à tous questionnent l’environnement urbain. Dans ce dialogue noué, elles imposent leur propre esthétique, intègrent l’art et le démocratisent sous une forme avenante. Patrimoine souvent négligé du fait d’un cruel manque d’entretien, d’un budget réduit à peau de chagrin, elles contribuent pourtant au charme de Paris. Aujourd’hui, près de la moitié des fontaines parisiennes sont à sec. Nombreuses sont menacées. Tour d’horizon des 10 plus belles fontaines contemporaines.




Place Stravinsky - Paris 4
Métro Hôtel de Ville lignes 1, 11 Rambuteau ligne 11

A la croisée des arts, la fontaine Stravinsky ou fontaine des Automates fait le lien entre la modernité du Centre Pompidou et les arches gothiques de l’Eglise Saint Merri. Œuvre in situ, elle associe à son esthétique singulière aux éléments architecturaux du lieu et souligne le dynamisme propre à ce quartier de Paris. Elle offre un contraste saisissant entre le plan d’eau de 580m2 et l’espace minéral de la place. Spectacle musical et chamarré, théâtre nautique, cet ensemble exubérant de sculptures batifolant dans l’eau réenchante la réalité quotidienne à travers une appropriation poétique du concret. La fontaine-sculpture imaginée comme une invitation à l’insouciance et à la joie par le couple mythique du Nouveau Réalisme, Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, a été inaugurée en mars 1983. Pierre Boulez, fondateur et directeur de l’IRCAM - Institut de Recherche et de Coordination Acoustique Musique - dont les cinq niveaux souterrains se trouvent sous la place Stravinsky est à l’origine du projet de cette commande publique de la Ville de Paris en partenariat avec le Ministère de la Culture et le Centre Pompidou. Hommage au compositeur russe qui a donné son nom au parvis, la fontaine-sculpture reprend des éléments figuratifs de son œuvre tout en évoquant le rythme et la musicalité. Effet acoustique de l’élément liquide, recherche cinétique sonore, Jean Tinguely la décrit comme « jouée et éclaboussée par l'eau [...] tentation de rendre visible la musique ».





Place de Jussieu - Paris 5
Métro Jussieu ligne 10

La Bouche de la Vérité, une fontaine-sculpture imaginée par l’artiste Guy Lartigue a été inaugurée en 1994 place Jussieu à l’entrée principale du campus universitaire. Au centre d’un large bassin circulaire, un disque en granit clair est percé d’un trou. L’eau est censée le traverser d’une gerbe jaillissant à la base du bloc. Il semble que le débit soit actuellement un peu faible pour mener à bien le projet. La démarche de Guy Lartigue s’inscrit dans un désir de dynamiser l’espace. Il joue sur les propriétés des matériaux, lumière du métal, chaleur du cuivre, réflexion de l'inox, matité du granit afin de composer avec l’architecture.





Place du Québec - Paris 6
Métro Saint Germain des Prés ligne 4

Offerte par le gouvernement québécois, la fontaine « L’Embâcle » a été inaugurée le 25 octobre 1984 à l’occasion des festivités du 450ème anniversaire de la découverte du Canada par le navigateur Jacques Cartier. Au croisement de la rue Bonaparte et de la rue de Rennes, la petite place du Québec aux vitrines chamarrées s’orne de cette sculpture-fontaine, œuvre du plasticien québécois Charles Daudelin (1920-2001.) Le Conseil de Paris donne ce nom à la place en 1980, hommage à la province francophone du Canada, rappel des liens forts qui unissent la France et cet état fédéré. La sculpture se compose de quatre éléments de bronze. Ils semblent soulevés par le flot, perçant les dalles du trottoir comme les eaux du Saint-Laurent percent les glaces au moment du dégel. « L’Embâcle » évoque les forces de la nature, le bouillonnement des énergies vitales à l’œuvre lors de la débâcle du printemps. Huit mètres de long, six mètres de large, un mètre quatre-vingt-dix de haut, cette fontaine est plutôt discrète en journée. La sculpture se compose de quatre éléments de bronze. Ils donnent l'illusion d'être soulevés par le flot, et percent les dalles du trottoir comme les eaux du Saint-Laurent les glaces au moment du dégel. "L’Embâcle" évoque les forces de la nature, le bouillonnement des énergies vitales à l’œuvre lors de la débâcle du printemps. Huit mètres de long, six mètres de large, un mètre quatre-vingt-dix de haut, cette fontaine est plutôt discrète en journée. Ramassée sur le sol, elle émerge en douceur dans la continuité des plaques de gré rose. Illuminée en soirée, elle se révèle dans des jeux de géométrie, angles minéraux et éclat métallique rappelant les brisures de givre, entre art abstrait et figuratif, élément architectural devenu incontournable.




2 rue Jacob - Paris 6
Métro Mabillon ligne 10 ou Saint Germain des Prés ligne 4

La Fontaine-sculpture de la rue Jacob, oeuvre de Guy Lartigue, se niche au cœur d’un délicieux confetti vert d’inspiration japonisante et planté de graminées. Cette charmante réalisation illustre une intégration heureuse de l’art contemporain au cœur du tissu urbain ancien de Saint-Germain-des-Prés, quartier tourné vers toutes les formes d’expression artistique. La sphère distribuée en lamelles de marbre se déploie en superposition de disques clairs. L’eau jaillit du sommet et ruisselle jusqu’à un bassin circulaire convexe. Guy Lartigue inscrit sa démarche dans une dynamisation de l’espace en instaurant un jeu de lignes entre l’horizontalité de la fontaine et le quadrillage du treillage en trompe-l’œil sur le mur. L’oeuvre est dédiée au fils de l’artiste comme l’atteste une plaque à moitié dissimulée par la végétation. La sobre élégance de cette sculpture-fontaine semble avoir conquis le cœur des riverains qui se sont mobilisés afin qu’elle soit récemment remise en eau.




107 bis rue du Faubourg Saint Denis - Paris 10
Métro Gare de l’Est lignes 4, 5, 7

Le square est aménagé en 1963 à l’emplacement de l’ancien enclos Saint-Lazare - probable déformation de Saint-Ladre - léproserie transformée en prison à la Révolution, puis prison pour femme rasée en 1935. La municipalité édifie l’hôpital Saint-Lazare dont l’activité prend fin en 1998. En 1990, alors qu’il est toujours en activité, la Ville offre au square une fontaine colorée en mosaïque à laquelle font écho des bancs et des murets ornés de motifs chamarrés. L’architecte Jean-Luc Giraud est chargé de concevoir les nouveaux aménagements. L'artiste céramiste Michel Duboscq réalise une fontaine décorative en 1992. Les mosaïques s’inspirent des oiseaux lunaires de Joan Miró. Les couleurs primaires des motifs chatoient sous le flot d’une eau jaillissant en fins jets au sommet d’un cône. Les volatiles du quartier y prennent grand plaisir. Les piafs du pigeonnier municipal tout proche se sont appropriés cette jolie création pour en faire leur spa privé. Le quartier et le square ont fait l’objet de réaménagements drastiques en 2020 afin de valoriser les infrastructures, une halte crèche, un centre social, un centre culturel, un gymnase, et une bibliothèque ainsi qu’une école maternelle.





Square Saint Eloi dit square de la Baleine Bleue
Accès par le 11 rue du Colonel Rozanoff (ruelle piétonne juste à la sortie du métro au niveau de la Poste) ou par la rue Sainte Claire Deville - Paris 12
Métro Montgallet ligne 8

A l’occasion des travaux d’agrandissement du square Saint Eloi, menés en 1982, l’architecte Michel Le Corre imagine une fontaine surmontée d’un sympathique cétacé azur. La réalisation est confiée à la sculptrice Gabrielle Brechon. Elle recouvre la forme en résine polyester d’une mosaïque rappelant la gamme de couleurs des fonds marins, dégradés aquatiques céruléens. La fontaine a été rénovée récemment.




Square des Saint-Simoniens - 151 rue de Ménilmontant - Paris 20
Métro Saint Fargeau ligne 3bis

Fasciné par la calligraphie, Marnix Raedecker, issu d’une famille d’artistes, a longuement étudié la langue et la civilisation chinoise avant de s’inscrire aux Beaux-Arts en 1975. Son œuvre porte l'empreinte de sa passion pour l’Asie. Elle laisse transparaître l'influence de certains dogmes de beauté et d'harmonie, principes fondamentaux de l'art en Extrême-Orient. Son travail mêle l’eau et la lumière, cherche à transmuter les formes solides en formes liquides. Les jets libres de la Fontaine des Anonymes, purs mouvements, jaillissent joyeusement jusqu’au sommet de la fontaine, bouillonnent à sa base et s’apaisent enfin en rejoignant le bassin rectangulaire. Le cercle symbolise la dynamique de l’infini dont les lignes sont soulignées par l’eau vive dans la fantaisie mesurée du yin et du yang, subtil équilibre entre la vie et la mort, le féminin et le masculin.




Square Marcel Mouloudji - 74 avenue Jean Jaurès - Paris 19
Métro Laumière ligne 5

La fontaine monumentale œuvre de Davos Hanich entourée d’un bassin siège au centre du square Mouloudji. Formé auprès de Fernand Léger, dont il fut l’élève et l’assistant, Davos Hanich (1922-1987) s’est illustré en tant que sculpteur et peintre. Le square a été aménagé en 1986, à l'occasion de la réhabilitation du bassin de la Villette, îlot verdoyant arboré en retrait du canal. Marcel Mouloudji, enfant de Belleville était comédien et l’un des interprètes des chansons de Boris Vian. Le paysagiste Jean Camand a paré l’écrin de béton moderne d’érables, de platanes, de massifs de roses et de laurier-thym. Le jardin valorisé par la chaleur végétale est apprécié pour sa quiétude accueillante dans tout le quartier. La fontaine de Davos Hanich y chante aux beaux jours, rondeur de lune et angles aigus de flèches sidérales.





Place Gambetta - Paris 20
Métro Gambetta lignes 3, 3bis

La fontaine de la place Gambetta, création monumentale de verre et d’acier, a été aménagée au centre du rond-point en 1992, juste en face de la mairie du XXème arrondissement. Enserrée dans un bassin circulaire en pierre de 15 mètres de diamètre, la fontaine dresse vers le ciel une imposante structure qui, effet d’optique et transparence de la matière, disparaît presque au soleil. Le squelette métallique soutient des lames de verre affûtées, blocs de verre taillés évoquent les formes baroques et acérées des cristaux de collection. La conception originelle évoque le jaillissement d’un geyser. Si en dix ans, je ne l’ai jamais vue en eau, les jets sont néanmoins supposés s’élever à plus de 5 mètres de hauteur. Illuminée la nuit, l’esthétique particulière de la fontaine prend toute son ampleur en révélant les détails d’une découpe tranchante. La fontaine de la place Gambetta est l’oeuvre conjointe de l’architecte Alfred Gindre, du maître-verrier Jean-Louis Rousselet et du plasticien Jean Dixmier, auteur notamment de la sculpture intitulée Mélusine qui orne le jardin du presbytère de la commune de Ferré en Bretagne ainsi que les décors du clocher de l’église de La Salle en Beaumont en Isère. 





Place des Fêtes - Paris 19
Métro Place des Fêtes lignes 7bis, 11

« La Fontaine-Labyrinthe » de Marta Pan a été inaugurée en 1987 place des Fêtes, sur les hauteurs de Belleville. Aux alentours, le quartier hétérogène est marqué par une spectaculaire dichotomie architecturale entre le vaste environnement minéral de la place, large esplanade de béton entourée de tours qui dévorent le ciel et les petites rues pittoresques du Vieux Paris. En 1980, la Mairie encourage par un concours la création de nouvelles fontaines dans la capitale, créations destinées aux lieux déstructurés par l’urbanisme des années 60. Les œuvres d’art public introduites dans le tissu urbain cherchent à redonner une certaine forme de vie spirituelle. Alicia Penalba et Alberto Guzman participent à ce concours. Le projet de Marta Pan (1923-2008), sculptrice française d’origine hongroise - et accessoirement épouse de l’architecte André Wogenscky, collaborateur de Le Corbusier durant vingt ans, est choisi pour orner la place des Fêtes. « La Fontaine Labyrinthe » représente de manière stylisée le flux des ruisseaux naturels, agora à taille réduite pavée de galets blancs, amphithéâtre miniature sur lequel ruisselle l’eau dans une ronde scintillante. Le courant d’eau inversé de bassin en bassin accroit visuellement la vitesse du débit.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.