Paris : Histoire condensée du Xème arrondissement, création, urbanisation, développement au coeur de la Capitale

Gare du Nord - Paris 10


Les frontières du Xème arrondissement, sur la rive droite de Paris, sont déterminées par la loi du 16 juin 1859, loi qui entérine l'annexion des communes limitrophes au territoire de la capitale. De douze arrondissements, la ville s'accroit pour compter vingt arrondissements. Le Xème, vaste de 289 hectares, se déploie sur quatre quartiers administratifs, Saint Vincent de Paul, de la Porte Saint Denis, de la Porte Saint Martin, de l'Hôpital Saint Louis. Désigné sous le nom d'arrondissement de l'Enclos Saint Laurent en 1860, il devient l'arrondissement de l'Entrepôt en référence à l'Entrepôt des douanes en 1977. Il se limite par le boulevard de la Chapelle, boulevard de la Villette, rue du Faubourg du Temple, boulevard Saint Martin, boulevard Saint Denis, boulevard de Bonne Nouvelle, rue du Faubourg Poissonnière, boulevard de Magenta. Le Xème arrondissement se caractérise par un nombre important de théâtres situés sur les grands boulevards : théâtre Antoine - Simone Berriau, théâtre des Bouffes du Nord (anciennement théâtre Molière), Comédia, théâtre du Gymnase - Marie Bell, théâtre de la Porte-Saint-Martin, théâtre de la Renaissance, théâtre du Splendid, Laurette Théâtre, Palais des Glaces, théâtre de la Scala. Auxquels s'ajoutent deux cinémas le Brady et le Louxor inscrit aux Monuments historiques. 


Église Saint Laurent - Paris 10

Canal Saint Martin - Paris 10


Le territoire du futur Xème arrondissement est établi sur un ancien bras de Seine, dont le cours a dévié, s'est restreinte pour libérer des terres inondables et des marécages. Au Ier siècle avant JC, deux voies romaines le traversent vers l'actuelle ville de Beauvais, la future rue du Faubourg Saint Martin et un chemin vers l'actuelle ville de Saint Denis, la future rue du Faubourg Saint Denis. Les terres difficiles sont travaillées par les petits maraîchers puis les communautés religieuses qui assèchent les marais avant de les exploiter.

Un premier monastère voit le jour à proximité de l'église Saint Laurent originelle du Vème siècle, pour l'accueil des pèlerins sur la route qui mène à l'abbaye de Saint Denis. Église et monastère sont pillés et incendiés par Normands en 885. La nouvelle église Saint Laurent érigée en paroisse en 1180, trop exiguë, sera reconstruite au XVème siècle. Au début du XIème siècle, dans le voisinage direct, l'Ordre des Hospitaliers fonde une léproserie dédiée à Saint Lazare.

À la même époque, la butte de Montfaucon, près de l'actuelle place du Colonel Fabien, devient un lieu de châtiments. Les fourches patibulaires sont remplacées au XIIIème par un gibet en pierre haut de seize mètres destinés aux exécutions capitales. Le gibet de Montfaucon demeure en activité jusque sous Louis XIII. Il est démoli en 1760.


Gare de l'Est - Paris 10

Rue Saint Marthe - Paris 10

 

En 1226, au Sud du territoire du futur Xème arrondissement, Guillaume d'Auvergne (1190-1249) théologien, conseiller et confesseur de Saint Louis, évêque de Paris en 1228, initie la création d'un couvent des Filles-Dieu. Ce lieu de pénitence des "pécheresses" repenties prend de l'ampleur. Le domaine d'envergure, à son apogée au milieu du XIVème siècle, est délimité par les actuelles rues du Faubourg Saint Denis, rue du Faubourg Poissonnière, au Sud les futurs boulevards et au Nord par l'enclos Saint Lazare. En 1360, la couture des Filles-Dieu est déplacé dans Paris intramuros, rue Saint-Denis, tout en conservant ses terres hors les murs. 

Au début du XIVème siècle de nombreux artisans s'installent aux pieds des remparts de l'enceinte Philippe Auguste. Ils y trouvent l'espace nécessaire à leurs ateliers et bénéficient de l'absence de taxes. Maraîchers et vignerons exploitent des parcelles susceptibles de fournir en denrées fraîches la Capitale. Cette population industrieuse constitue peu à peu les faubourgs. Au milieu du XIVème siècle, les limites administratives de Paris sont repoussées vers le Nord pour englober ces nouveaux hameaux. La nouvelle enceinte Charles V est construite de 1356 à 1383.

Au début du XVIème siècle, la léproserie Saint Lazare passent sous la direction des chanoines de Saint Victor. Paris fait face à des vagues de peste en 1562, 1596 et 1605. Henri IV fonde l'Hôpital Saint Louis en 1607. L'institution originelle a pour vocation de désengorger les services de l'Hôtel-Dieu. Destinée aux quarantaines en période d'épidémie, l'hospice est installé hors de Paris, au-delà de l'enceinte défensive et de la Porte du Temple. Les Frères mineurs récollets, ordre issu d'une réforme de l'ordre des Franciscains à la fin du XVème siècle, obtiennent en 1604 l'autorisation de construire un monastère. Le chantier débute en 1614 sur une parcelle offerte par un commerçant, dans le voisinage de l'église Saint Laurent. 

En 1633, la congrégation de la mission de Saint Vincent de Paul reprend les bâtiments de l'hospice Saint Lazare et développent le domaine. L'enclos Saint Lazare participe du rayonnement du Faubourg Saint Denis, vastes terres agricoles et centre intellectuel. À la veille de la Révolution, il se déploie sur cinquante hectares délimités au Nord jusqu'à l'actuel boulevard de la Chapelle, au Sud l'actuelle rue de Paradis, à l'Ouest la rue du Faubourg Poissonnière, à l'Est rue du Faubourg Saint Denis.


Église Saint Vincent de Paul - Paris 10

Carré Saint Lazare - Médiathèque Françoise Sagan - Ancienne prison Saint Lazare - Paris 10


En 1670, Louis XIV fait démolir une première portion de l'enceinte Charles V. Les murailles sont rasées, les fossés comblés. Sur leur tracé sont créés les boulevards, terme militaire qui renvoie au concept de retranchement. Deux arcs de triomphe symboliques qui célèbrent les victoires de Louis XIV, la Porte Saint Denis achevée en 1672, la Porte Saint Martin en 1674, remplacent les anciennes portes. Le Nouveau Cours, promenade plantée d'arbres constitué entre 1674 et 1705, promenade plantée d'arbres, devient un lieu de rencontres, de divertissement populaire. Guinguettes, baraques sans autorisation, échoppes de fortune y fleurissent rapidement.

En 1737, il devient nécessaire de réaménager le Grand Égout, l'ancien ru de Ménilmontant, ruisseau canalisé à ciel ouvert au XVIème siècle. Il suit un tracé qui relie la rue du Château d'Eau à la rue des Petites Écuries et se prolonge en une boucle autour des limites de Paris pour se jeter dans la Seine au niveau de l'actuelle place de l'Alma. Michel Etienne Turgot (1690-1751), prévôt des marchands de Paris de 1729 à 1740, supervise le comblement de l'ancien égout, dans le cadre d'une opération d'assainissement du quartier. En 1740, le creusement d'un nouvel égout très proche de l'ancien maintient les passages sous les ponts. À partir de 1760, l'égout est enfin couvert pour des raisons de salubrité publique. Cette mesure permet de valoriser les quartiers traversés tandis qu'ouvrent de nouvelles rues telle que la rue de Provence. L'implantation en 1773, à l'Ouest, de la caserne des Gardes Françaises augmente la population, l'animation et le nombre de commerces.

L'essor de l'arrondissement va de pair avec celui du quartier des Grands Boulevards où se développent les premiers théâtres autour de la Porte Saint Martin. En 1781, l'inauguration de la nouvelle salle de l'Opéra témoigne de l'embourgeoisement. L'essor des résidences privées se fait au détriment des communautés religieuses. Les terrains à bâtir du Faubourg Poissonnière, libérés par les ventes des terrains propriétés des communautés des Filles-Dieu et de Saint-Lazare, attirent les nouvelles fortunes et les dignitaires. Ils font construire des hôtels particuliers dignes de leur prestige fraîchement acquis. Claude Martin Goupy (1730-1793) seigneur de Meaux, architecte et entrepreneur en bâtiment spécule sur les terrains et participent par ses opérations immobilières de l'urbanisation du quartier. Parmi les hôtels particuliers les plus prestigieux, se trouvent l'Hôtel Chéret dit Benoît de Sainte Paulle entre 1776 et 1783, l'hôtel Bourienne, l'hôtel Botterel de Quintin, l'hôtel Titon, l'hôtel Cardon, l'hôtel de Goys.


Théâtre Antoine - Paris 10

Porte Saint Denis - Paris 10


La rue de l'Échiquier est ouverte en 1772, sur un terrain des Filles-Dieu. La rue de Paradis en 1881, est le fruit du développement d'un chemin le long de l'enclos Saint Lazare. Elle reprend l'appellation d'un lieu-dit, emplacement d'un portager de la couture des Filles-Dieu, indiqué en 1710 sous la dénomination "Les Paradis". La rue d'Enghien est ouverte en 1792 sous le nom de rue Mably. Le lotissement de ces nouvelles rues voit le développement de petits immeubles de rapport, terreau de l'essor commercial au XIXème siècle.

De 1784 à 1790, une nouvelle enceinte fiscale est construite, le Mur des Fermiers Généraux, sans aucune vocation défensive. Au début de la Révolution, en juillet 1789, la population prend d'assaut cette muraille d'octroi. À la suite de la nationalisation des biens du Clergé en 1790, le couvent des Récollet est réhabilité pour devenir en 1802, hospice des Incurables-Hommes. En 1861, le service déplacé à Vitry, l'ancien monastère devient l'hôpital militaire Saint Martin renommé en 1913 hôpital militaire Villemin. Il ferme en 1968. Le jardin Villemin, détaché de l'ensemble, est inauguré en 1977. En 2023, il devient jardin Villemin - Mahsa Jîna Amini. L'enclos Saint Lazare confisqué et nationalisé à la Révolution, l'ancien prieuré devient une prison en 1794. Sur les grands boulevards, les autorités cherchent à restreindre le développement des commerces non autorisés.

Sous le Consulat en 1802, la question de l'approvisionnement de la ville en eau potable est relancée. Le préfet de la Seine Gaspard de Chabrol (1773-1843) considère un projet de canalisation de l'Ourcq, affluent de la Marne, inabouti depuis le XVIème siècle. La création du canal Saint Martin, du canal Saint Denis et du canal de l'Ourcq est envisagée mais le chantier retardé, ne sera relancé que sous la Restauration (1814-1830). L'ingénieur Pierre Simon Girard (1765-1836) mène les travaux. La première pierre posée le 3 mai 1822, le canal est inauguré par Charles X (1757-1836) le 4 novembre 1825.


Hôpital Saint Louis - Paris 10

Square Villemin - Ancien couvent des Récollets - Paris 10

En 1821 l'enclos Saint Lazare fait l'objet d'une opération immobilière menée par un consortium financier à la tête duquel se trouve le banquier d'affaires Jacques Laffitte (1767-1844), président du Conseil de Louis-Philippe en 1830, les banquiers André et Cottier, et l’architecte Auguste Constantin. Le lotissement de l'ancien domaine permet la création du nouveau quartier Poissonnière. En 1824, débute la construction de l'église Saint Vincent de Paul sur les plans des architectes Jean-Baptiste Lepère et Jacques Ignace Hittorff. Le lieu de culte est érigé à l'emplacement d'une parcelle détachée de l'ancien enclos Saint-Lazare, devenue place Frantz-Liszt. Le chantier s'achève en 1844.

Sur les terres de l'ancienne communauté religieuse, de nouvelles artères sont percées. La rue Charles X, intégrée à la rue La Fayette ouverte, entre la rue du Faubourg-Saint-Martin et la rue du Faubourg-Poissonnière, entre 1823 et 1830, la rue Chabrol en 1822, la rue de Dunkerque en 1827, la rue de la Barrière Poissonnière en 1827 devenue rue du Nord en 1833 et élargie sous le Second Empire en boulevard de Magenta en 1859.

Les grands boulevards se trouvent au coeur des événements des Révolutions de 1830 et 1848. Les barricades se multiplient et des combats sanglants se tiennent autour des Portes Saint Denis et Saint Martin. Au cours de la Monarchie de Juillet (1830-1848), sur le boulevard de Bonne Nouvelle, la Galerie du Commerce et de l'Industrie préfigure dès 1837 l'avènement de la société de consommation et des grands magasins. 

Sous le Second Empire (1852-1870), les grands travaux d'Haussmann influent sur la configuration du Xème arrondissement. Le boulevard de Strasbourg est percé en 1852. En 1854-55, la caserne du Prince-Eugène, place du Château-d'Eau, future place de la République, est construite sur les plans de Gabriel Davioud par un architecte militaire commandant du Génie, soit Legrom soit Degroves.  Ouverte en 1857, elle est achevée en 1860. Par la suite, elle prend le nom "caserne du Château-d'Eau", puis "caserne Vérines". Cette création mène à une première réhabilitation de la place du Château-d'Eau.  



Gare du Nord - Paris 10

Canal Saint Martin - Paris 10


Le développement du chemin de fer et du réseau ferroviaire national influe sur l'évolution du Xème arrondissement. La Gare de Strasbourg, future gare de l'Est, dessinée par l'architecte François-Alexandre Duquesney (1790-1849), est inaugurée en 1849. La Gare du Nord, conçue sur les plans de Jacques Hittorf (1792-1867), est mise en service en 1846. À partir des années 1860, rue de Paradis trouve une nouvelle vocation. Les grands noms de la cristallerie de l'Est de la France, installent entrepôts et élégantes boutiques sur rue, Baccarat, Saint Louis ainsi que les maisons prestigieuses de la porcelaine et la faïence, les enseignes Boulanger, l'Union faïencière. L'Hôpital Lariboisière ouvre en 1859. La façade de l'église Saint Laurent est reconstruite en 1863-67. Sous le Second Empire, les boulevards deviennent une promenade élégante. Établissements luxueux, théâtres, cafés-concerts, boutiques, restaurants voient le jour.

Les grands travaux d'Haussmann se poursuivent au début de la Troisième République (1870-1940). Au Sud, un nouveau réaménagement de la place du Château-d'Eau qui prend le nom place de la République transforme radicalement les lieux dans les années 1880. Un grand monument en bronze et pierre, réalisé par les sculpteurs Léopold et Charles Morice, est officiellement présenté au public dans sa version de bronze en 1883. Construite entre 1888 et 1896 sur les plans de Joseph-Antoine Bouvard (1840-1920), alors architecte de la Ville de Paris, La Bourse du Travail de Paris remplace rue du Château d'eau le Grand Café de Paris. La Mairie d'arrondissement, projet de l'architecte Eugène Rouyer (1827-1901), 72 rue du Faubourg-Saint-Martin, est inaugurée en 1896.  


Hôpital Saint Louis - Paris 10

Rue de l'Aqueduc - Ancienne caserne Château Landon - Paris 10


À la fin du XIXème siècle, la clientèle aisée boude le Xème arrondissement pour reporter son attention sur les boutiques de la rue de Rivoli et du Faubourg Saint Honoré. Les maisons de la cristallerie quittent le quartier de la rue de Paradis qui se reconvertit dans le commerce de la fourrure.

Le long du canal Saint Martin, l'industrie se développe dès le début du XXème siècle. Les fabriques et entrepôts fleurissent sur les rives du cours d'eau artificiel, signe de la paupérisation progressive d'un arrondissement désormais ouvrier. Le manque d'intérêt des spéculateurs préserve le quartier des transformations radicales des années 1960 et 1970. Le parc immobilier vétuste échappe à la bétonisation. 

Aujourd'hui, les promoteurs proposent de réhabiliter les bâtiments industriels en espaces de travail destinés aux professions créatives, open spaces. Le rayonnement de l'arrondissement au XXIème siècle procède de sa gentrification avec l'essor des commerces de bouche, restaurants, cafés branchés, bars à vins ou encore boutiques de mode et de design. 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.