Grand Palais - Port des Champs Élysées - Paris 8 |
Le VIIIème arrondissement de Paris, vaste de 3,88km2, est constitué de quatre quartiers administratifs Champs Élysées, Faubourg du Roule, Madeleine et Europe. Son territoire connait un développement tardif au fil d'opérations immobilières d'envergure menées au XVIIIème et au XIXème siècle. Son urbanisation est comparable, à quelques siècles d'écart, à celle du Marais. La loi du 16 juin 1859 détermine ses frontières actuelles : boulevard des Batignolles, boulevard de Courcelles au Nord, avenue de Wagram, avenue Marceau à l'Ouest, la Seine, le cours Albert Ier, le Port de la Conférence, le cours de la Reine au Sud, la place de la Concorde, la rue Saint Florentin, la rue Vignon, la rue du Havre, rue d'Amsterdam à l'Est. L'architecture cossue du VIIIème arrondissement, associée aux différents mouvements esthétiques, témoigne d'une homogénéité sociale et économique qui perdure dans le temps. Les réseaux de voies en étoile, particularité de l'arrondissement, déterminent le rayonnement d'avenues et de boulevards depuis de vastes places à l'instar du Rond-Point des Champs Élysées.
Le VIIIème regroupe un certain nombre d'institutions politiques, telles que le Palais de l'Élysée, résidence officielle des présidents de la République ou le ministère de l'Intérieur. Il compte sept ambassades de pays du G20, États-Unis, Grande-Bretagne, Japon, Canada, Brésil, Chine, Arabie Saoudite. Parmi les entreprises du CAC 40, nombreuses y ont implanté leur siège, Bouygues, Vivendi, LVMH, Hermès, L'Oréal, Sanofi. Les cercles de pouvoir s'y mutliplient Institut Montaigne, Club des Cent, Travellers Club, Jockey Club, Automobile Club de France, Cercle de l'Union Interalliée.
Arrondissement touristique de prestige, le VIIIème séduit par le luxe de ses avenues commerçantes, avenue Montaigne, avenue des Champs-Élysées et le faste de ses palaces, le Bristol, le Crillon, le Fouquet's Barrière, le George V, le Plaza Athénée, le Royal Monceau. Les lieux patrimoniaux, Arc de Triomphe, jardins des Champs Élysées, parc Monceau, Gare Saint Lazare, attirent autant que les nombreux espaces de cultures. Les musées, le Grand et le Petit Palais, le musée Jacquemart-André, musée Cernuschi rivalisent en nombre avec les théâtres, théâtre du Rond-Point fondé en 1860, théâtre Marigny en 1883, Espace Pierre Cardin ancien théâtre des Ambassadeurs en 1840, théâtre Michel en 1908, théâtre des Mathurins en 1897, théâtre de la Madeleine ne 1924 et quelques salles de spectacle, le Lido et le Crazy Horse.
Hôtel Salomon de Rothschild - Paris 8 |
Grand Palais - Paris 8 |
Jusqu'au Moyen-Âge, le futur territoire du VIIIème arrondissement, plaine marécageuse en bordure de Seine et zone inondable connait un développement restreint, du fait des risques de crues et de la modestie des congrégations religieuses présentes. Une route ancienne traverse le territoire du futur VIIIème arrondissement de l'Est à l'Ouest de Melun à Paris. Elle correspond à la rue Saint Antoine puis se prolonge sur la rue Saint Honoré, le Faubourg Saint Honoré, en direction de Rouen, Saint Cloud et Saint Germain en Laye. Le réseau est complété par un éventuel chemin le long de la Seine depuis l'église de Saint Germain l'Auxerrois vers la colline de Chaillot. Le ru de Ménilmontant, ancien bras de la Seine, est transformé en Grand Égout à ciel ouvert dès le VIIIème siècle, entre les actuelles rue de Penthièvre et La Boétie jusqu'au fleuve au niveau de la place de l'Alma.
À partir du Xème siècle, le territoire du VIIIème arrondissement dépend en grande partie de la paroisse Saint Germain l'Auxerrois. Au cours du Moyen-Âge, deux villages se constituent progressivement la Ville-l'Évêque et plus à l'Ouest le Roule. À la fin du XIème siècle, le Nord de l'ancien marécage est alloué aux chanoines de Sainte Opportune. Ils assèchent les marais pour ouvrir de nouveaux espaces cultivables entre les actuelles rues de Chaillot et de Montmartre, terres maraîchères qui produisent des denrées fraîches à destination de la capitale.
Le long de la Seine perdure un domaine couvert de bois, de garennes, de champs. Au Nord du fleuve, il y a désormais trois villages, le Faubourg Saint Honoré le long de l'actuelle rue Saint Honoré, la Ville l'Évêque paroisse détachée de Saint Germain l'Auxerrois dès le début du XIIIème siècle et desservie par la première église de la Madeleine, et finalement le Roule. En 1223, un acte reconnait la suzeraineté des domaines de la Ville-l'Évêque à l'évêque de Paris. Le roi se réserve les droits de justice sur les principales routes. Au début du XIIIème siècle, des ouvriers de la Monnaie fondent une maladrerie pour accueillir les malades de la lèpre, nombreux parmi ces artisans. La chapelle du Roule, érigée en 1217, est dédiée à saint Jacques et saint Philippe. Les habitations se construisent autour de celle-ci pour former le hameau dit du Bas-Roule tandis qu'à l'Ouest se constitue le Haut Roule. L'ensemble dépend alors de la paroisse de Villiers la Garenne. La chapelle du Roule n'est érigée en paroisse qu'en 1699.
Sur la limite Sud de l'actuel arrondissement, au-delà de l'actuelle avenue Marceau, le village de Chaillot se configure dans le voisinage du couvent de Sainte Marie de Chaillot. À l'Ouest, la communauté des Oratoriens acquiert de nouvelles terres destinées aux cultures maraîchères. En 1491, Charles VIII autorise par lettres patentes la première reconstruction de l'église de la Madeleine de la Ville l'Évêque.
Arc de Triomphe - Paris 8 |
Avenue des Champs Élysées - Paris 8 |
En 1612 les bénédictines de Montmartre, avec l'appui de Catherine d'Orléans Longueville fondent une nouvelle communauté, indépendante à partir de 1647 sous le vocable de Notre-Dame des Grâces. Le couvent s'étend, selon la toponymie actuelle, de la rue de l'Arcade aux rues de Castellane et Tronchet jusqu'à la place de la Madeleine. La reine Marie de Médicis (1575-1642) fait aménager à partir de 1616 une allée plantée, voie bientôt connue sous le nom de cours de la Reine, empruntée par les souverains pour se rendre depuis le palais des Tuileries vers les chasses de Saint-Germain-en-Laye.
Au Nord, la création d'une porte sur les remparts du XVIème siècle en 1633 détermine les nouvelles limites du faubourg Saint Honoré. Les spéculateurs particuliers se disputent les parcelles sur la rive Sud de la rue du Faubourg Saint Honoré. La reconstruction de la chapelle du Roule vétuste est envisagée dès 1639. Elle est érigée en paroisse en 1699. En 1659 le couvent d'Augustines de Sainte Geneviève, Sainte Pétrine, s'installe entre les actuelles avenue Georges V et avenue Marceau. La même année, débute la deuxième reconstruction de l'église de la Madeleine.
Tout au long de son règne, Louis XIV (1638-1715) favorise le développement de la ville vers l'Ouest. Mouvement dont témoigne l'installation de la cour à Versailles. Sous l'influence de son ministre Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), le souverain initie le développement des promenades vertes dans le prolongement de la perspective du jardin des Tuileries. La Couronne achète des terrains afin d'ouvrir une perspective plantée depuis les Tuileries jusqu'à l'actuel Rond-Point des Champs-Élysées. En 1667, André le Nôtre (1613-1700), jardinier du roi Louis XIV de 1645 à 1700, aménage le prolongement désigné sous le nom de Champs Élysées à partir de 1709. En 1715, le retour de la cour à Paris sous l'impulsion du régent, le duc d'Orléans (1674-1723) marque un tournant.
À partir de 1702, au Nord, les promoteurs transforment les anciennes voies de village de la Ville-l'Évêque. De nouvelles rues desservent le marché d'Aguesseau créé en 1723. Au Sud, la rue du Faubourg Saint Honoré se développe sous l'impulsion des spéculateurs et des familles aristocratiques qui font construire des hôtels particuliers dont les grands jardins rejoignent ceux des prestigieuses résidences de l'avenue des Champs Élysées. La multiplication est telle qu'une ordonnance royale de 1724 interdit jusqu'en 1765 l'extension des maisons à porte cochère au-delà de l'hôtel d'Évreux, actuel Palais de l'Élysée, construit en 1718 par Armand Claude Mollet (1660-1742). Le hameau du Roule est rattaché au faubourg de la Ville l'Évêque, faubourg depuis 1702, et réuni à Paris en 1722. En 1739 l'ancienne chapelle vétuste est rasée. Le ru du Ménilmontant devenu Grand Égout depuis le XVème siècle est couvert en 1740.
Église de la Madeleine - Paris 8 |
Petit Palais - Paris 8 |
La destruction en 1733 de la porte Saint-Honoré, à l'angle de la rue Saint-Honoré, annonce les grandes transformations à venir. Jusqu'au milieu du XVIIIème "l'esplanade du Pont Tournant", dénomination référence au pont de bois qui enjambe le fossé entre la terrasse du jardin des Tuileries et la future place Louis XV, actuelle place de la Concorde, hésite entre le pâturage et le terrain vague. L'aménagement de l'esplanade débute en 1755. Le comte d'Artois reçoit de son frère Louis XV (1710-1774) la majorité des vastes terrains libérés par le déménagement de la pépinière royale, cadeau à l'origine du premier grand lotissement de l'arrondissement.
En 1741, le roi offre l'une des parcelles de l'ancienne pépinière afin d'y édifier une nouvelle église. Le projet abandonné du fait de la fragilité des sous-sols traversés par le grand égout, le terrain devient cimetière. La rue Royale voit le jour à partir de 1758, sur les plans de façade uniforme imaginés par Ange-Jacques Gabriel (1698-1782), Premier architecte du roi. Le lotissement réalisé pour l'essentiel par l'architecte et entrepreneur Louis Le Tellier donne l'occasion à ses pairs les plus prestigieux de s'exprimer. Il ne demeure rien de ces constructions aujourd'hui.
L'église Saint-Philippe-du-Roule est construite de 1772 à 1784 sur les plans de l'architecte Jean-François Chalgrin (1739-1811). Le tracé de la barrière des Fermiers Généraux est modifié, repoussé de la rue Boissy d'Anglas jusqu'au niveau de la rue de Monceau. Cette altération ouvre de nouveaux terrains constructibles.
Au XVIIIème siècle, la spéculation prend différentes formes : association de financiers et d'architectes qui achètent des terrains pour les bâtir et ensuite les louer ou les vendre. Réunion de terrains lotis par des particuliers, ou enfin création de domaines par des grandes fortunes à l'instar du duc d'Orléans. Ainsi, entre 1781 et 1783, le financier Nicolas Beaujon (1718-1786) aménage la Folie Beaujon, domaine de douze hectares qui s'étend des actuelles avenue de Wagram, place Charles-de-Gaulle, avenue des Champs-Élysées, à la rue Washington et rue du Faubourg-Saint-Honoré.
Pavillon Ledoyen - Jardin des Champs Élysées - Paris 8 |
Hôtel de la Païva - avenue des Champs Élysées - Paris 8 |
Au XIXème siècle, le futur VIIIème arrondissement finalise son urbanisation par un développement d'une ampleur inédite. Au cours du Premier Empire (1804-1814), les quartiers à proximité des Tuileries et du pouvoir sont très prisés des dignitaires de la nouvelle cour. L'hôtel d'Évreux Pompadour, futur Palais de l'Élysée, sera la dernière résidence de Napoléon Ier déchu et celle du président Louis-Napoléon Bonaparte, à la veille du coup d'état de 1851.
Sous la Restauration (1814-1830), des opérations d'urbanisme transforment le futur VIIIème arrondissement. Les grands lotissements privés donnent naissance à de nouveaux quartiers à l'instar du quartier François Ier, déployé à partir de 1823, dont la conception s'inspire des squares londoniens avec végétation abondante et voies en plan rayonnant. Le quartier de l'Europe en 1824, reprend également le plan en étoile depuis la place de l'Europe et la place de Dublin mais voit sa destinée altérée lorsqu'il est traversé par la première voie de chemin de fer ouverte en 1837 qui relie Paris à Saint-Germain-en-Laye. La crise immobilière de 1828 ralentit l'évolution.
La Monarchie de Juillet (1830-1848) marque l'aboutissement de nombreux chantiers. L'Arc de Triomphe de l'Étoile, entamé en 1806, s'achève en 1836 sous Louis-Philippe (1773-1850). La troisième reconstruction de l'église de la Madeleine troisième, chantier perturbé par les grands événements de l'Histoire, débutée en 1763, prend fin en 1842. Le décor de la place de la Concorde trouve son aspect définitif tandis que les lieux de divertissement des jardins des Champs Élysées voient le jour. À partir de 1838, l'architecte Jacques Hittorff (1792-1861) joue un rôle important dans l'aménagement de l'avenue des Champs-Élysées.
La loi du 3 mai 1841, rédigée dans le cadre du développement du réseau ferroviaire, autorise l'expropriation dans l'intérêt public. Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau (1781-1869), préfet de la Seine de 1833 à 1848 entérine des préceptes esthétiques inspirés des mails et boulevards du XVIIème siècle, adaptés aux boulevards et avenues arborées du XIXème siècle. Ils préfigurent les grands bouleversements haussmanniens et, déjà, favorisent l'homogénéité en largeur et hauteur des constructions, vision dont témoigne la rue Tronchet.
Petit Palais - Jardin des Champs Élysées - Paris 8 |
Place de la Concorde - Paris 8 |
Sous le Second Empire (1852-1870), la loi du 16 juin 1859 scénarise l'annexion les communes limitrophes au territoire de la ville de Paris. La Capitale compte désormais vingt arrondissements divisés chacun en quatre quartiers administratifs, limites et numérotation mises en oeuvre en 1860. Les grands travaux du préfet Haussmann atteignent rapidement le VIIIème arrondissement. Napoléon III souhaite transformer Paris en ville moderne sur le modèle de Londres. La cité médiévale fait place à la ville Lumière Chantier d'envergure, le lotissement de la Plaine Monceau, autour du parc, offre l'opportunité aux nouvelles fortunes, de la banque, de l'industrie et des affaires, de faire construire des hôtels particuliers somptueux à l'instar des familles Rothschild, Pereire, Camondo, Cail, Menier.
La place de l'Étoile et son réseau rayonnant d'avenues prend sa forme finale. L'église Saint Augustin est édifiée entre 1860 et 1871, pont des Invalides entre 1854 et 1856, le pont de l'Alma entre 1854 et 1856. Les derniers terrains constructibles se hérissent d'hôtels particuliers, d'immeubles de rapport. Palais et grands pavillons des Expositions Universelles de 1855 et 1867 marquent le paysage urbain de manière éphémère.
Le Siège de Paris en 1870 interrompt temporairement la progression de la ville nouvelle. Le palais des Tuileries incendié sous la Commune en 1871 est rasé. L'Hôtel d'Évreux devient le Palais de l'Élysée, siège du pouvoir de la IIIème République. Les jardins des hôtels particuliers disparaissent progressivement, objets d'opérations immobilières. Puis les hôtels eux-mêmes sont remplacés par des immeubles. Les quartiers des Champs-Élysées et François Ier voient se développer les grands hôtels de voyageurs. Les Expositions Universelles livrent leurs trésors, en 1889, la Tour Eiffel, en 1900 le Petit Palais et le Grand Palais.
Gare Saint Lazare - Paris 8 |
Fontaine des Ambassadeurs - Jardin des Champs Élysées - Paris 8 |
Dans les années 1910, le béton armé, la fonte, le fer, l'acier confèrent une modernité nouvelle aux salles de spectacle, le théâtre des Champs Élysées, la salle Gaveau, la salle Pleyel. Dans les jardins des Champs Élysées, les cafés-concerts remplacent les bals Les grandes maisons de luxe installent leurs sièges le long de l'avenue, Guerlain, Hermès, Louis Vuitton.
Au cours de la Première Guerre Mondiale, les grands hôtels sont réquisitionnés et peinent la paix revenue à retrouver leur vocation initiale. La tombe du soldat inconnu, sous l'Arc de Triomphe de l'Étoile, devient lieu de commémoration nationale et républicaine. Durant l'Entre-Deux-Guerres, les opérations immobilières transforment à nouveau l'avenue des Champs-Élysées. Les hôtels particuliers cèdent définitivement la place à des immeubles de prestige, galeries marchandes, cinémas et cafés.
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les grands hôtels ferment les uns après les autres. À partir des années 1965, le patrimoine architectural subit d'importantes destructions tandis que Le Corbusier (1897-1965), André Laprade (1883-1978) impriment leur empreinte. La pratique du façadisme se développe, vidant les bâtiments d'origine pour ne conserver que les façades. Les années 1990, marquent le retour en grâce des palaces dont le redéploiement est soutenu par les investissements étrangers notamment les pétro fortunes des pays du Golfe, qui conservent un goût du faste et une forme de nostalgie de la ville du XIXème siècle.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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