Paris : Histoire condensée du IXème arrondissement, création, urbanisation, développement au coeur de la Capitale

 


Le IXème arrondissement de Paris a connu une urbanisation tardive. Fruit des grands lotissements aux XVIIIème et XIXème siècles, il témoigne du développement de la ville vers l'Ouest dès le règne de Louis XIV. Les grands travaux d'Haussmann et la spéculation immobilière privée, qui a donné naissance à des quartiers entiers à l'instar de la Nouvelle Athènes, ont imprimé leurs marques dans la physionomie actuelle de l'arrondissement. Le IXème, vaste de deux-cents-dix-huit hectares, se divise en quatre quartiers administratifs Saint Georges, Chaussée d'Antin, Faubourg Montmartre, Rochechouart. Son nom officiel, arrondissement de l'Opéra, peu utilisé, fait référence à l'Opéra Le Peletier inauguré en 1821, détruit par un incendie en 1873 et non à l'Opéra Garnier datant de 1875.

Le IXème se distingue par son offre culturelle pléthorique et son nombre de salles de spectacle : théâtre de la Comédie de Paris, théâtre Edouard VII, Folies Bergères, théâtre de l'Athénée, théâtre Fontaine, théâtre La Bruyère, théâtre de la Petite loge, théâtre de la Grande Comédie, Opéra Garnier, Casino de Paris, l'Olympia. L'arrondissement regorge de petits musées au charme irrésistible, musée Gustave Moreau, musée de la Vie romantique, musée Grévin, musée du Parfum Fragonard, musée de la Franc-maçonnerie. Les boulevards ont conservé deux cinémas patrimoniaux, le Max Linder et le Gaumont Opéra. Au XIXème siècle, grandes entreprises, banques et assurances ont fait bâtir des sièges sociaux monumentaux, dans le quartier de l'Opéra, reflets de leur réussite. Aujourd'hui, on y trouve les sièges français de Netflix, Sony Music, Google.


Opéra Garnier - Paris 9

Richelieu-Drouot - Paris 9

À la Préhistoire, un bras primitif de la Seine recouvre toute la plaine limitée au Nord par la Butte Montmartre à l'Est par la colline de Ménilmontant, territoire de l'actuel IXème arrondissement. Le retrait progressif du fleuve libère des terres marécageuses sur la rive droite. Des fouilles archéologiques menées au XIXème siècle, ont mis à jour un mammouth entier sous le square Montholon, des outils taillés avenue de Clichy, des ossements de mammouths et de cervidés place de l'Opéra, des tombes gallo-romaines rue Ballu. Dès l'époque gallo-romaine, les carrières de gypse de la Butte Montmartre sont exploitées afin d'en extraire des matériaux de construction. 

Sur les contreforts de la Butte, se développe au Moyen-Âge, un pèlerinage sur les traces de la légende de Saint Denis, martyr décapité vers 250. Au XIème siècle, est édifiée la chapelle des Martyrs, sur l'actuelle rue Yvonne le Tac. Au XIIème siècle, les premiers vignobles apparaissent sur les pentes de la Butte. Sur le Bas-Montmartre, les anciens marais assainis au IXème siècle, sont la propriété du chapitre de l'église Saint Opportune. À la fin du XIIème siècle, l'autorisation royale de mise en couture permet d'y établir terres agricoles, pâturages, potagers, vergers et jardins.

L'abbaye de Montmartre, communauté bénédictine fondée en 1133 par le roi Louis VI et la reine Adélaïde, détermine l'activité principale de la Butte et du Bas-Montmartre en contrebas. Viticulture et maraîchage. En 1246, l'ordre Trinitaire de la rue Saint Jacques dit des Mathurins loue les vingt-deux hectares de son domaine, sous la forme de parcelle à de petits paysans et d'une ferme plus grande à l'emplacement de l'actuel magasin du Printemps. Les religieux de l'Hôtel Dieu possèdent une ferme au niveau de l'actuelle rue Saint Lazare. 


Les toits de l'Opéra Garnier - Paris 9

Villa Ballu - Nouvelle Athènes - Paris 9


À la fin du XIIIème, les grands axes de circulation, notamment le chemin de Saint Lazare au Roule ont pris leur tracé originel. Les faubourgs se constituent, à cette époque, au pied des murailles défensives successives, enceinte Philippe Auguste édifiée à partir de 1190, puis Charles V entre 1358 et 1383. Les deux faubourgs principaux sont le Faubourg Montmartre, et le Faubourg Saint Denis, dont fait partie le Faubourg Poissonnière. Le nom de ce dernier fait référence au chemin de la marée depuis le Nord de la France jusqu'aux halles de Paris. Les paroisses rurales Saint Pierre de Montmartre, Clichy, Sainte Madeleine de la Ville l'Évêque, Saint Eustache, Saint Roch s'établissent progressivement. Le long du chemin de Saint Lazare au Roule, en 1290, se trouve la vaste propriété d'André Pocheron sur laquelle est construit, en 1310, un château autour duquel se constitue un hameau "Porcherons" par déformation. 

À partir du XIVème, l'influence de l'abbaye de Montmartre s'étend jusqu'à l'actuelle rue Blanche, territoire de Clichy et de la rue du Faubourg Poissonnière, au Sud rue Richer, rue de Provence. Le domaine de la Grange Batelière fief ecclésiastique qui dépend de l'archevêché de Paris devient laïc au XVIème siècle. En 1631, une ordonnance royale avance le projet d'englober les Faubourgs Saint Honoré, Montmartre et la Villeneuve dans l'enceinte défensive Louis XIII ou des Fossés jaunes qui est achevée en 1647. La muraille entourée de fossés, scandée de bastions, possède six portes Poissonnière, Montmartre, Richelieu, Gaillon, Saint Honoré et de la Conférence.

En 1670 Louis XIV fait démolir une vaste portion de l'enceinte Louis XIII entre la Bastille et la Porte Saint Denis, démolition qui se prolonge ne 1676 à l'Ouest de la Porte Saint Denis jusqu'à la Porte Saint Honoré. Sur le tracé des fossés comblés, sont aménagés des boulevards, promenade plantée d'arbres, à l'origine des futurs grands boulevards de la Madeleine, des Capucines, des Italiens, Montmartre et Poissonnière. Le Sud résidentiel voit se construire d beaux hôtels particuliers, tandis que le Nord dédié aux divertissements, multiplient cafés, restaurants, théâtres. Les faubourgs sont investis par les artisans sans pourtant se spécialiser comme le Faubourg Saint Antoine. Sellerie, menuiserie, charronnerie, les métiers sont variés.

À partir de 1640, l'absence de taxe sur le secteur du Bas-Montmartre favorise le développement du commerce du vin. De la rue des Martyrs jusqu'au village des Porcherons, se trouvent des guinguettes et cabarets dont l'activité déborde jusqu'aux terres maraîchères qui séparent les villages de l'enceinte, futur terrain de la Chaussée d'Antin. Le village de la Nouvelle France se forme en 1644, au gré d'un lotissement de terrains occupés jusque-là par des vignobles au bord de la rue du Faubourg Poissonnière entre les rues Bleue et de Bellefond. Guinguettes et débits de boissons en constituent l'activité principale.

L'augmentation de la population permet, en 1646, la création de la chapelle Notre-Dame de Lorette surnommée Notre Dame des Porcherons. Un arrêt royal de 1646 annexe la Nouvelle France au faubourg Saint Denis. Le village désormais soumis à l'octroi devient Faubourg Sainte Anne à la construction de la chapelle Sainte Anne en 1656.


Hôtel des ventes Drouot - Paris 9

Cité Trévise - Paris 9


En 1702, les faubourgs sont rattachés aux vingt quartiers de Police : le Faubourg Montmartre est rattaché à la rue Montmartre, 6ème quartier, le Faubourg Saint Denis à la rue Saint Denis 9ème quartier. La frontière de la ville se fixe sur la rue du Faubourg Poissonnière et l'instauration des bornes limites en 1728 la matérialise.

Au décès de Louis XIV en 1715, la cour fait son retour à Paris sous la régence du duc d'Orléans. En 1720, une ordonnance autorise la création du nouveau quartier de la Chaussée d'Antin à l'extérieur des remparts au-delà de la porte Gaillon. À l'Est de la Chaussée d'Antin, le propriétaire du domaine de la Grange Batelière vend des parcelles à partir de 1717. Les financiers Laborde, Bouret de Vézelay investissent dans le quartier en développement, valorisé par la canalisation du Grand Égout entre 1737 et 1740 puis sa couverture entre 1771 et 1775. Cette dernière donne naissance à la rue Richer en 1782. À la suite du Traité de Paris en 1763, qui marque la fin de la guerre de Sept Ans entre la France, la Grande-Bretagne et l'Espagne, le quartier de la Chaussée d'Antin prend de l'ampleur, prisé des aristocrates à l'instar des Faubourgs Saint Germain et Saint Honoré.

En 1765, une déclaration royale autorise à nouveau la construction des faubourgs au-delà de l'enceinte défensive, interdiction valable depuis 1548 et pourtant peu respectée. Lotissement, investissements, opérations immobilières menées par des architectes et des financiers créent de toute pièce de nouveaux quartiers où surgissent de terre hôtels particuliers, petits immeubles de rapport destinés à la vente ou la location. À l'Est, le Faubourg Poissonnière se développe entre les villages de la Nouvelle France et de la Villeneuve-en-Gravois. Au Sud du boulevard, la population d'artisans se composent de marbriers menuisiers, maçons.

De 1770 à 1790, la Chaussée d'Antin devient le lieu d'expérimentation des architectes les plus réputés de l'époque parmi lesquels Ledoux et Bélanger. Ce dernier entre 1763 et 1787 dirige le chantier de l'hôtel des Menus Plaisirs du roi et de ses magasins entre les rues du Faubourg Poissonnière, Bergère et Richer.

Au XVIIIème siècle, le couvent des Mathurins, maison parisienne de l'ordre des Trinitaires fondée au début du XIIIème siècle, rencontre des difficultés financières. Entre 1758 et 1761, l'ordre se résigne à la vente de terrains contigus à la propriété de Laborde et son domaine de la Grange Batelière. La situation de la communauté ne s'améliore pas, elle se résout à la vente de l'ensemble de ses biens dès 1767.

En 1780, l'entrepreneur Sandrié des Fossés, désormais propriétaire de l'ancien marais des Mathurins, développe un lotissement autour du couvent des Capucines dans le prolongement de la rue Thiroux, portion de l'actuelle rue Caumartin ouverte en 1772. Aubert et Marin de la Haye oeuvrent au lotissement du bas de la rue Caumartin vers le boulevard. Le démembrement d'anciens hôtels particuliers, tels que l'hôtel de Thélusson domaine compris entre les rues de Provence et de la Victoire qui permet l'amorce en 1779 de la rue Saint Georges, ouvre de nouvelles perspectives.  

Au pied de la butte Montmartre du XVIIème au XVIIIème siècles, une trentaine de folies, villégiatures avec de grands jardins, sont construites. La rue Taitbout est tracée en 1777. L'architecte Samson Nicolas Lenoir promoteur du quartier, fait percer les rues Riboutté, de Montholon et Papillon en 1780. En 1784, la décision d'élever le mur des Fermiers Généraux, une barrière d'octroi, impôt d'origine médiévale, détermine les nouvelles frontières de la ville. Dès 1785, l'enceinte fiscale longue de vingt-cinq kilomètres, différente des murailles défensives antérieure, déploie ses futures cinquante-quatre portes. Hormis les barrières de Rochechouart et de Poissonnière, les barrières de la Croix-Blanche ou Blanche, Pigalle et Montmartre puis des Martyrs sont à l'instar des autres portes ponctuées de pavillons conçus sur les plans de l'architecte Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806). Ces nouveaux remparts séparent la commune de Montmartre du Bas-Montmartre qui sera annexé au territoire de Paris le 25 juin 1790. Lors des émeutes révolutionnaires de juillet 1789, la population prend d'assaut la très impopulaire barrière d'octroi. L'impôt aboli en 1791, est rétabli en 1798. À la Révolution, le domaine de l'abbaye de Montmartre confisqué, est nationalisé en 1790 puis morcelé. En 1795, Paris compte douze arrondissements, découpage qui perdure jusqu'en 1860. 


Square Opéra Louis Jouvet - Paris 9

Musée du Parfum Fragonard - Paris 9


Les lieux de divertissement prennent de l'ampleur autour des barrières et sur les domaines réhabilités des anciennes folies Boutin, Bouëxière, Richelieu et Ruggieri. Guinguettes, restaurants, bals rivalisent. Parmi les plus célèbres, on compte les bals Tivoli, ancien Tivoli au coin de la rue de Clichy et de la rue Saint-Lazare, le nouveau Tivoli ouvert en 1826 place de Vintimille, le célèbre bal Tabarin de 1904 à 1953 rue Victor Massé.

Sous le Premier Empire (1804-1814), les abattoirs de Montmartre sont construits près de la barrière de Rochechouart, l'un des cinq grands abattoirs établis en 1810 qui remplacent des nombreuses tueries présentes à l'intérieur de Paris. Ils déterminent le percement de l'avenue Trudaine dont la rive côté des numéros pairs entre la rue Bochart-de-Saron et rue Turgot ouvertes en 1821 marquent la limite des abattoirs. Et le tracé de la future place d’Anvers créé en 1868 lorsqu'ils sont démolis.

Sous la Restauration (1814-1830), les terrains disponibles à l'Est du futur IXème arrondissement intéressent les nouveaux industriels. Ils y implantent les premières usines à gaz. En 1824, Camille Pleyel ouvre sa fabrique de piano rue de Rochechouart. En 1860, des ateliers de la firme Godillot, fournisseur officiel aux armées, producteur de selles, chaussures et tentes, s'installent dans le voisinage.

Les opérations immobilières privées sont soutenues par les banques et la municipalité afin de faire face à la crise du logement, liée à l'accroissement de la population. Vers l'Ouest du futur IXème arrondissement, entre la rue de Provence et l'enceinte de l'octroi, les lotissements des anciennes terres maraîchères comme la plaine des Errencies entre les actuelles rues Blanches et des Martyrs, donnent naissance à des quartiers résidentiels. Le quartier de l'Europe est loti de 1821 à 1826, la Nouvelle Athènes entre 1819 et 1824, le quartier Saint Georges développé à partir de 1824 autour de la nouvelle église Notre-Dame-de-Lorette édifiée entre 1823 et 1836.

La crise économique de 1828 suspend le mouvement qui reprend sous la Monarchie de Juillet (1830-1848). L'architecture du Bas-Montmartre fortement marqué par l'esthétique de cette époque. Ouvertures de la rue Bréda en 1830, du square d'Orléans inauguré en 1841, le passage Montmartre en 1825 devenu cité Bergère en 1842, la cité d'Antin en 1829 par la compagnie Delaunay, la cité de Trévise en 1838 témoignent de cette effervescence.  

À la fin du XVIIIème siècle, le développement des passages couverts, annonce les prémices d'une nouvelle société de consommation qui trouvera son plein épanouissement avec les grands magasins du XIXème siècle. Le Palais Royal connait ses dernières heures alors que les salles de jeu sont fermées en 1837. Le passage Jouffroy est construit en 1836 et le passage Verdeau en 1847.

Sur les boulevards, promenade prisée des Parisiens, lieux de divertissement, est édifiée en 1821 l'Opéra Le Peletier. Théâtres, cafés, boutiques élégantes, restaurants à l'instar de la célèbre Maison Dorée, ouverte en 1841 boulevard des Italiens participent de l'essor économique du futur IXème arrondissement. Le développement du quartier de l'Europe est altéré par l'implantation du chemin de fer à partir de 1835. Les limites administratives de Paris modifiées, sont déterminées par l'enceinte de Thiers longue de trente-six kilomètres à partir de 1841.


Passage Jouffroy - Paris 9

Square Montholon - Paris 9


Le Second Empire (1852-1870) marque un tournant dans l'urbanisation du IXème arrondissement. Les frontières du IXème arrondissement sont définies par la loi du 16 juin 1859. Il est circonscrit à l'Ouest par les rues Vignon, Tronchet, du Havre et d'Amsterdam, à l'Est par la rue du Faubourg Poissonnière, au Nord les boulevards de Rochechouart et de Clichy, au Sud les boulevards Poissonnière, Montmartre, des Italiens, des Capucines, de la Madeleine. À la suite de l'annexion des communes limitrophes au territoire de la ville, Paris est divisé en vingt arrondissements. L'enceinte d'octroi est supprimée. Sur son tracé, sont dessinés les boulevards Rochechouart et de Clichy.

Les grands travaux haussmanniens atteignent le territoire du IXème arrondissement. Peu à peu se dessine une ville moderne aux voies larges. La rue La Fayette se prolonge à travers tout l'arrondissement. Les rues sont élargies, allongées quitte à procéder à des éventrations à travers le tissu urbain ancien. Ces mesures radicales permettent la création de places monumentales, telle que la place d'Estienne-d'Orves sur laquelle est édifiée l'église de la Trinité, entre 1861 et 1867, sur les plans de l'architecte Théodore Ballu. Architecture et urbanisme sont au centre des évolutions du IXème arrondissement. Le Palais Garnier, opéra inauguré en 1875, le Grand Hôtel de la Paix en deviennent des monuments emblématiques.

Au Nord, l'urbanisation progresse avec le lotissement du "nouveau quartier Milton" et les terrains libérés par la fermeture des abattoirs de Montmartre remplacés par les vastes infrastructures de la Villette. Les boulevards subissent la nouvelle concurrence des cabarets montmartrois. Les grands organes de presse s'installent autour de la Bourse, la rue Réaumur dont la première section est percée entre 1854 et 1858.

Dans le quartier de l'Opéra, les grands magasins assument leur monumentalité tandis que se multiplient les sièges des grandes banques d'affaires Laffitte, Rothschild, Comptoir d'Escompte, Crédit de France, Société Générale ainsi que la grande majorité des compagnies d'assurance, qui prennent souvent l'initiative du percement de nouvelles voies.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.