Paris : Musée Jacquemart-André, un musée hommage à l'histoire des grands collectionneurs du XIXème siècle - VIIIème



Le Musée Jacquemart-André, souvent comparé à la Frick collection de New York, a conservé cette atmosphère singulière de grande maison du Second Empire. Cette demeure privée devenue musée selon le souhait posthume de ses propriétaires, Edouard André et son épouse Nélie Jacquemart, possède la particularité de présenter un ensemble d'oeuvres exceptionnelles dans le cadre originel imaginé par ces grands collectionneurs du XIXème siècle. La disposition des lieux jamais modifiée éclaire à la fois la passion commune pour l'art qui liait le couple et le faste de la haute bourgeoisie de la Belle Epoque. Salons d'apparat où se déroulaient de grandioses réceptions, escalier d'honneur monumental, coquet jardin d'hiver, appartements privés figés dans le temps ont trouvé de nos jours une nouvelle vocation, celle d'espaces d'exposition publique. Peintres toscans, artistes de la Renaissance florentine et vénitienne, primitifs flamands, mobilier du XVIIIème siècle aux estampilles prestigieuses, Edouard André et Nélie Jacquemart ont consacré leur vie et leur fortune à réunir ces oeuvres. Légué à son décès en 1912 par Nélie Jacquemart-André à l'Institut de France, le Musée Jacquemart-André est géré par la société Culturespaces depuis 1995. Organisant de nombreuses expositions sur le thème des grandes collections d'hier et d'aujourd'hui, il est devenu aujourd'hui le troisième musée privé le plus important de Paris. [Edit 2023 : Le musée est fermé pour rénovation jusqu'en septembre 2024]










Héritier d'une dynastie de banquiers du Sud-Est de la France, Nîmes, l'une des familles les plus riches du Second Empire, Edouard André (1833-1894) passé par l'école militaire de Saint-Cyr s'engage dans la carrière des armes. Il devient membre de la garde personnelle de Napoléon III, statut au titre duquel il participe à la campagne d'Italie et du Mexique. Lorsqu'il démissionne en 1863, à l'âge de trente ans, il consacre une grande partie de son énergie à sa passion de l'art, réunissant les premières pièces et œuvres qui formeront ses futures collections. Une passion qui se manifestera en 1872, par le rachat de la Gazette des Beaux-Arts qu'il gérera avec Maurice Cottier et son épouse puis plus tard avec Nélie Jacquemart. Edouard André sera en 1892 le Président fondateur de l'Union centrale des Arts décoratifs.

Député du Gard en 1864 à l'instar de son père, Edouard André s'installe à Paris à l'hôtel de Saint- Paul, situé au 3 rue Roquépine. En 1868, il achète pour le montant faramineux de 1 520 000 francs une parcelle de 5 700 m2 sur le tracé du futur boulevard Haussmann afin de construire un nouvel hôtel particulier digne de son rang. A cette occasion, il obtient même de ne pas respecter l'alignement de la rue. Il charge l'architecte Henri Parent de réaliser l'édifice dans l'esprit du XVIIIème siècle. Achevé en 1875, l'hôtel particulier possède toutes les qualités esthétiques monumentales de l'architecture néo-classique et les caractères fonctionnels des innovations techniques de la fin du XIXème siècle.









Surplombant, une haute terrasse édifiée sur un soubassement à refends percées de deux portes cochères, la façade du boulevard Haussmann est encadrée de deux pavillons. Rythmée de pilastres, elle présente un avant-corps central arrondi selon une disposition inspirée du Petit Trianon. Le porche de droite ouvre sur une rampe qui passe sous l'hôtel et menait les voitures à l'entrée principale, côté jardin de la cour d'honneur. De nos jours, la vaste marquise qui protégeait cet accès a disparu. La cour fermée par un mur en hémicycle rythmé de refends et d'arcatures aveugles. 

En son centre, une arche percée rappelle la présence de l'ancien manège couvert d'un dôme en fer ainsi qu'un ensemble comprenant la sellerie, les écuries et la remise pour treize voitures qui ont été remplacés aujourd'hui par un immeuble sans grand intérêt. Il existait à l'origine deux autre accès secondaires par la rue de Courcelles et l'impasse Emery englobée plus tard par le square de Messine actuellement rue du Docteur Etienne Lancereaux. Dans la cour d'honneur, l'avant-corps de la façade principale est percé de baies en plein cintré et orné de quatre colonnes ioniques ponctuées de lions. Au-dessus de l'entrée une grande baie vitrée évoque l'ancien atelier de Nélie Jacquemart-André.










En 1881, Edouard André épouse Nélie Jacquemart (1841-1912), peintre distinguée de la haute bourgeoise qui a réalisé neuf ans plus tôt son portrait. Issue d'un milieu modeste, elle doit son éducation à la générosité de sa protectrice Rose de Vatry, propriétaire du domaine de Chaalis où la jeune Nélie a passé beaucoup de temps enfant. Alors que l'école des Beaux Arts de Paris est interdite aux femmes jusqu'en 1897, Nélie Jacquemart développe ses dons artistiques dans des ateliers privés. Lorsqu'elle épouse Edouard André, l'union est fortement réprouvée par la famille de ce dernier qui y voit une mésalliance. Le mariage civil est noué sous le régime de la séparation de bien.

Très vite Edouard André et Nélie Jacquemart envisagent de transformer leur hôtel particulier en musée. Au cours de leurs nombreux voyages, le couple rassemble des œuvres exceptionnelles. Sous l'impulsion de Nélie Jacquemart qui s'entoure de connaisseurs, érudits, spécialistes, leurs collections se développent au point de faire aménager en 1892 le premier étage de l'hôtel particulier en véritable musée italien où sont exposées des chefs-d'œuvre des Trecento, Quatrocento, Cinquecento, peintures de Mantegna, Bellini, Carpaccio, Botticelli ainsi que le Saint Georges terrassant le dragon de Paolo Uccello. 

Au décès d'Edouard André en 1894, un testament olographe fait de Nélie Jacquemart-André l'unique héritière de son mari au grand dam de sa belle-famille. Les cousins intentent un procès dans l'espoir de récupérer leur part du gâteau mais en vain. En 1902, Nélie Jacquemart-André achète le domaine de l'abbaye de Chaalis où elle a passé son enfance et choisit d'y exposer les collections archéologiques ramenées de ses voyages en Orient.

Dans un souci de préserver l'intégrité de cet ensemble, oeuvre de toute une vie, Nélie Jacquemart-André souhaite léguer l'ensemble du patrimoine comprenant l'entièreté des collections, l'abbaye de Chaalis et l'hôtel particulier du boulevard Haussmann à l'Institut de France à condition que ces derniers soient transformés en musées ouverts au public. Lorsqu'elle décède en 1912, son vœu est exaucé. Le musée Jacquemart-André est inauguré par Raymond Poincaré le 8 décembre 1913.











La disposition de l'hôtel particulier a été préservée afin de refléter l'esprit singulier de ces grands collectionneurs du XIXème siècle. Au rez-de-chaussée se trouvent les appartements de réception. Le vestibule s'ouvre sur le grand salon dont les portes sculptées du XVIIIème siècle ont été installées de façon à être escamotées lors des réceptions. A droite du grand salon, une fresque Triomphe d'Apollon par Pierre-Victor Galland peintre décorateur et ornemaniste de renom orne la salle de musique qui mène au délicieux jardin d'hiver et à son fumoir.

L'escalier d'honneur à deux volées en spirales et colonnes de marbre, complexe et élégant, se termine sur une fresque de Giambattista Tiepolo La Réception d'Henri III par Federico Contarini dont le pendant, Renommée annonçant la visite d'Henri III, a pris place dans la salle à manger où se trouve le Café Jacquemart-André. Les deux fresques proviennent de la Villa Contarini de Mira, près de Venise. La partie gauche du rez-de-chaussée est consacrée à des salons moins officiels, bibliothèque et boudoir qui mènent aux appartements privés où se découvre la chambre de Madame, la chambre de Monsieur, le cabinet de toilette. Tapisseries, tapis ottomans, mobilier du XVIIIème siècle, commodes en laque du Japon, bonheur-du-jour en marqueterie soulignent le grand raffinement des boudoirs et salons. L'abondante collection de dessins complète le faste des meubles, des objets d'art qui ornent les salles d'apparat.










Le Musée Jacquemart-André possède la plus riche collection de peinture italienne après celle du Louvre. Sont représentés Paolo Uccello peintre florentin de la Première Renaissance, Jacopo da Pontormo, école florentine, Andrea Schiavone maniériste de l'école vénitienne, Vittore Carpaccio, Sandro Botticelli, Donatello ou encore Canaletto. Peintres hollandais, flamands primitifs et du XVIIème siècle sont représentés par Rembrandt, Jacob van Ruisdael, Jan van Goyen, Rogier van der Weyden, Hans Memling, Antoine van Dyck, Frans Hals.

Tout au long de la visite, est disposé un ensemble remarquable de sculptures italiennes du XIVème au XVIème siècle avec notamment un superbe Bernin. Médailles, bronzes, objets et mobiliers de la Renaissance entrent en écho avec l'art français du XVIIIème siècle. On trouve des toiles des peintres Jean Siméon Chardin, Jacques-Louis David, Jean-Honoré Fragonard, Jean-Baptiste Greuze, Jean-Baptiste Perronneau, Pierre-Paul Prud'hon, Jean-Marc Nattier, Antoine Watteau, des sculpture françaises, bustes et statuettes de Guillaume Coustou, Antoine Coysevox, Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Baptiste Pigalle, Augustin Pajou, Edmé Bouchardon, Clodion, Jean-Jacques Caffieri, Etienne Falconet, Jacques Saly, Louis-Claude Vassé. 

Musée Jacquemart-André 
158 boulevard Haussmann - 75008 Paris
Tél : 01 45 62 11 59
Horaires :
- Le Musée Jacquemart-André est ouvert tous les jours y compris les jours fériés de 10h à 18h. Nocturnes les lundis jusqu’à 20h30 en période d’exposition. Dernière admission 30 minutes avant la fermeture du musée. 
- La Librairie-boutique culturelle est ouverte aux horaires du Musée, y compris le dimanche.
- Le Café Jacquemart-André est ouvert du lundi au vendredi de 11h45 à 17h30 et à partir de 11h le samedi. Brunch le dimanche de 11h à 14h30. Ouverture en nocturne tous les lundis jusqu'à 19h en période d'exposition (dernière admission 18h30).



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie 
Musées Insolites de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme
Le guide du promeneur 8è - Philippe Sorel - Parigramme

Sites référents
Institut de France
Paris Info
Hérodote