Le Musée Gustave Moreau, au coeur du quartier de la Nouvelle Athènes, témoigne de la démarche du peintre symboliste dans un cadre intime, rare exemple d'une maison-atelier transformée en musée monographique, pensé et scénographié par l'artiste lui-même. Oeuvres lyriques, thématiques bibliques, mythologiques, littéraires, l'institution conserve près de 25 000 pièces, productions de jeunesse et dernières esquisses, vastes collections de plus de 1 200 peintures, des pastels, des aquarelles. 4830 dessins sont présentés dans les armoires et placards à volets pivotants et plus de 7800 conservés en réserve. L'accrochage esthétique par format, muséographie inchangée depuis l'ouverture du musée en 1903, reflète la personnalité de Gustave Moreau (1826-1898), son érudition, sa curiosité vis-à-vis de ses pairs et des jeunes générations.
Dès 1862, Gustave Moreau se préoccupe de la postérité de son oeuvre et note au bas d'un croquis : « Ce soir 24 décembre 1862. Je pense à ma mort et au sort de mes pauvres petits travaux et de toutes ces compositions que je prends la peine de réunir. Séparées, elles périssent ; prises ensemble, elles donnent un peu l’idée de ce que j’étais comme artiste et du milieu dans lequel je me plaisais à rêver ? ». Dans son testament rédigé en 1897, il lègue sa maison et le fonds d'atelier afin d'y développer un musée à l'agencement duquel il oeuvre jusqu'à son décès. Le Musée Gustave Moreau est inauguré le 14 janvier 1903. Inchangé depuis, selon le souhait du peintre, il connait un rayonnement tout particulier auprès des touristes asiatiques et américains.
En 1852, les parents de Gustave Moreau, Louis Moreau (1790-1862), architecte de la Ville, et Pauline Desmoutiers-Moreau (1802-1884) achètent la maison-atelier du 14 rue de la Rochefoucauld. Elle se trouve à proximité de l'atelier de son maître, François-Edouard Picot (1786-1868). Toute la famille s'y installe et y demeure jusqu'à la disparition successive des uns et des autres. Gustave Moreau travaille alors dans un petit atelier originel de 30m2.
En 1895, soucieux de son héritage artistique, de la conservation de ses collections et de ses souvenirs, il imagine la transformation de la maison en musée. L'architecte Albert Lafon (1860-1935) supervise les aménagements nécessaires pour que la résidence privée puisse accueillir un musée. L'hôtel particulier est surélevé de deux étages.
En 1897, Gustave Moreau confie à son ami d'enfance Henri Rupp (1837-1918) le rôle d'exécuteur testamentaire : « Je lègue ma maison sise 14, rue de La Rochefoucauld, avec tout ce qu’elle contient : peintures, dessins, cartons, etc., travail de cinquante années, comme aussi ce que renferment dans ladite maison, les anciens appartements occupés jadis par mon père et ma mère, à l’État, ou, à son défaut, à la Ville de Paris, ou à son défaut à l'École des Beaux-Arts, ou à son défaut à l'Institut de France (Académie des Beaux-Arts), à cette condition expresse de garder toujours - ce serait mon vœu le plus cher - ou au moins aussi longtemps que possible, cette collection, en lui conservant son caractère d’ensemble qui permette toujours de constater la somme de travail et d’efforts de l’artiste pendant sa vie. »
Gustave Moreau décède le 18 avril 1898, à l'âge de soixante-douze ans. Il lègue cent-mille francs à l'Académie des Beaux-Arts pour la fondation d'un prix triennal, et trois-cents-soixante-dix-mille francs à Henri Rupp. Les cent-mille francs refusés par l'Académie et ce dernier don constitue le capital nécessaire à l'entretien du musée. Ces conditions déterminent l'acception du legs par l'État en 1902. Henri Rupp, en tant qu'administrateur du futur musée, mène à bien l'inventaire après décès et finalise l'aménagement en respectant l'accrochage pensé par l'artiste lui-même, en quinconce sans thématique mais plutôt par format.
Le Musée Gustave Moreau est inauguré le 14 janvier 1903. Son premier conservateur, le peintre Georges Rouault (1871-1958), ancien élève du peintre symboliste, occupe ce poste jusqu'en 1929. Le peintre Georges Desvallières (1861-1950) prend la suite. Marie-Cécile Forest, conservatrice du patrimoine, directrice depuis 2002 fait valoir ses droits à la retraite en 2023. Charles Villeneuve de Janti désormais directeur de l’Établissement public des musées nationaux Jean-Jacques Henner et Gustave Moreau, lui succède.
La muséographie inchangée depuis 1903 des ateliers du deuxième et troisième étages a tout de même évolué avec l'ouverture successive d'espaces privés. En 1991, le premier étage rénové est aménagé en "musée sentimental" dans les anciens appartements de la famille Moreau. Sanctuaire, l'enfilade de pièces à vivre étroites s'encombre d'une profusion de bibelots, mobilier, souvenirs, portraits de famille, œuvres des amis du peintre, Théodore Chassériau, Eugène Fromentin, Edgar Degas. Salle à manger, chambre, bureau, bibliothèque restitués dans l'esprit de l'époque, les espaces évoquent les capsules temporelles des musées de la Ville de Paris tels que le Musée Carnavalet.
L'ancien bureau du père, un temps, chambre de Gustave Moreau, a été accommodé en boudoir hommage à Alexandrine Dureux (1836-1890), "meilleure et unique amie" selon les mots du peintre, rencontrée vers 1859, fidèle jusqu'à son décès.
Une grande salle, atelier lumineux à la hauteur sous plafond importante occupe tout le deuxième étage. L'espace présente les plus grands tableaux, toiles monumentales à l'instar de "Tyrsées chantant pendant le combat", "Les Prétendants", "Le retour des Argonautes". Le merveilleux escalier héliocoïdale en fer forgé conduit au troisième étage divisé en deux salles, agrémentés de deux poêles d'atelier en fonte. Deux autoportraits et un grand format "Jupiter et Sémélé" vendu en 1895, restitué au musée en 1903, comptent parmi les oeuvres les plus remarquables. Deux meubles présentoir aux panneaux pivotants, dont le modèle a été imaginé par Gustave Moreau lui-même, permettent de consulter les collections d'aquarelles, lavis, pastels.
En 2003, à l'occasion du centenaire du Musée, le bureau ou cabinet de réception où Gustave Moreau, recevait ses visiteurs durant les deux dernières années de sa vie le dimanche, Henri Matisse, Georges Rouault, Albert Marquet, est ouvert sous la forme d'un cabinet de curiosités.
Entre 2011 et 2014, dans le cadre du "plan Musées" mené par le ministère de la Culture, une campagne de restauration importante réhabilite le rez-de-chaussée. La remise en état des remises originelles dans les sous-sols situés sous le jardin rende possible la création d'un cabinet d'art graphique réservé aux chercheurs. Les six salles du rez-de-chaussée sont ouvertes. Quatre consacrées aux dessins et aux esquisses regroupant ainsi quatre-cents peintures, des centaines de dessins, la précieuse collection d'aquarelles, notamment les plus réputées celles des "Fables de la Fontaine".
Musée Gustave Moreau
14 rue de La Rochefoucauld - Paris 9
Tél : 01 83 62 78 72
Horaires : Ouvert du mercredi au lundi de 10h à 18h - Fermé le mardi - Visites commentées sur réservation
Métro Trinité - d'Estienne-d'Orves ligne 12 / Saint-Georges ligne 12
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos
Le guide du promeneur 9è arrondissement - Maryse Goldemberg - Parigramme
Musées insolites de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme
Enregistrer un commentaire