Paris : Folies Bergère, mythique salle de music-hall - IXème

 


Les Folies Bergère, mythique salle de music-hall inaugurée en 1869, perpétuent la légende depuis plus de cent-cinquante ans. La façade Art Déco aux lignes épurées, les bas-reliefs dorés signés Maurice Pico sont reconnus dans le monde entier. Le cabaret a inspiré "Un bar aux Folies Bergère" (1882) tableau d'Édouard Manet, des pages de l'histoire littéraire dans "Bel Ami" de Maupassant en 1885. Sur scène, les plus grands se sont produits : Loïe Fuller, Mistinguett, Joséphine Baker, Maurice Chevalier, Charles Trenet, Jean Gabin, Charlie Chaplin. Aujourd'hui, Les Folies Bergère s'illustrent par les comédies musicales, les concerts et les spectacles d'humour. Récemment le "Fashion Freak Show" de Jean-Paul Gaultier, les revues de Dita Von Teese, les concerts de Vincent Delerm, Ben Harper, Zazie, Benjamin Biolay, le seul-en-scène d'Alex Lutz ont enflammé les spectateurs. Aujourd'hui, Les Folies Bergère sont inscrites aux Monuments historiques, par arrêté du 7 novembre 1990. Show must go on !







En 1860, "Les Colonnes d'Hercule", magasin de meubles et literies, succursale de la maison mère rue de Rambuteau, "Le Colosse de Rhodes", ouvre sur des terrains propriété de l'hospice des Quinze-Vingts. À partir de 1863, l'annexe de la boutique mute en salle de spectacle, "la salle des sommiers élastiques". Le premier directeur Albert Boislève cherche un nom. Le terme "folies" fait référence aux maisons de plaisance, villégiatures édifiées dès la fin du XVIIIème siècle à proximité des grandes villes pour abriter discrètement les amours adultères des bourgeois et aristocrates. Le directeur imagine baptiser son théâtre "Folies Trévise" du nom de la rue sur laquelle ouvre l'entrée des artistes. Mais le duc de Mortier Trévise s'offusque à l'idée que son nom puisse être associé à une salle de spectacle. Ce sera donc "Folies Bergère" autre rue voisine. 

En 1867, la salle de spectacle a absorbé le magasin de sommiers. L'architecte Plumeret, inspecteur des bâtiments de la Couronne, en charge de la reconstruction d'une structure plus adaptée imagine une maison d'opéra. La salle de music-hall est officiellement inaugurée le 2 mai 1869. Lieu entre le café-concert et le théâtre, il s'y dispense des numéros acrobates, danses, prestidigitation, attractions variées, tours de chant. Les activités festives suspendues durant la guerre contre la Prusse en 1870 puis la Commune en 1871, le cabaret se fait salle de réunions politiques.

En novembre 1871 Léon Sari (1824-1890), tour à tour directeur du théâtre des Délassements-Comiques puis de l'Athénée, figure majeure des Grands Boulevards sous l'Empire, reprend les Folies Bergère. Il voit grand, fait élargir la façade, créé un promenoir et un jardin d'hiver en avant de la salle le futur Grand Foyer. À la réouverture en septembre 1872, le programme propose opérettes, pantomimes, numéros de cirques, revues de danseurs peu vêtues, opéras comiques, chansons populaires, spectacles d'acrobatie, intermède comique. Les demi-mondaines de la Belle Époque la Cavaliéri, la Tortojada, Caroline Otéro, Liane de Pougy, Emilienne d'Alençon, Cléo de Mérode se produisent sur scène. Tandis que les Vénus mercenaires monnaient leurs charmes au promenoir, réputation sulfureuse. La Préfecture met fin à ces divertissements un peu trop lestes. Léon Sari tente de se retourner avec des concerts de musique classique, sans succès. Il est contraint de vendre son théâtre.

En août 1886, Mr et Mme Allemand, limonadiers marseillais reprennent le cabaret avec l'aide d'Édouard Marchand, époux de leur nièce. Ce dernier engage les artistes les plus en vue de l'époque et déniche des talents encore méconnus : les frères Isola, illusionnistes, Nala Damajenti, charmeuse de serpent, la Troupe Zoulou, la Famille Birmane. La danseuse Loïe Fuller (1862-1928), reprend la danse serpentine, chorégraphie créée à New York en 1882.

En 1894, les frères Émile et Vincent Isola reprennent la direction associant revues et tableaux sensationnels. Vers 1900, Victor de Cottens, directeur artistique, fait apparaître les premières plumes pour mieux habiller-déshabiller les danseuses. Il invite à Paris une troupe de girls anglaises, les Barrison Sisters. En 1905, Paul Ruez et Clément Banel, puis ce dernier seul à partir de 1908, dirigent le théâtre. Le jeune débutant à succès, Maurice Chevalier, est engagé pour trois saisons. Des travaux donnent aux Folies Bergère une temporaire façade Art Nouveau signée Edouard-Jean Niermans (1859-1928).






Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, après un temps de flottement quant à la direction des Folies Bergère, l'arrivée de Paul Derval (1880-1966) marque une étape importante. Grâce à lui, la réputation à l'international des Folies Bergère va prendre un essor remarquable. Il créé des revues écrites quasiment exclusivement par Lemarchand, et plutôt que de plomber les budgets avec le salaire des vedettes, embauche des débutants prometteurs et investit dans des décors somptuaires, des costumes mirifiques, des scénographies épatantes. En 1912, il décide du premier nu féminin intégral. "Les petites femmes nues" vont devenir l'attraction phare des Folies Bergère.

En 1926, Paul Derval mène une rénovation d'envergure. La salle est agrandie, la façade transformée. Le directeur souhaite rénover les Folies Bergères sans interrompre les représentations. Des panneaux muraux pré-fabriqués en atelier sont fixés dans un temps record sur place. Pour la façade, l'opération nécessite la construction d'un mur provisoire à l'intérieur même du théâtre. Derrière ce rempart, l'ancienne façade Art Nouveau est démolie pour faire place à la nouvelle Art Déco. Puis le mur provisoire est à son tour supprimé. La célèbre façade Art Déco se pare des oeuvres de Maurice Picaud dit Pico (1900-1977), composition en bas-relief représentant la danseuse russe Lila Nikolska (1904-1955), et masque de théâtre sur les bas-côtés, le tout patiné à la feuille de cuivre. Feuille de cuivre remplacée par la feuille d'or lors de la restauration en 2012. Pico signe également le décor du bar du théâtre. Le promenoir est aménagé dans des décors d'Erté (1892-1990). 

Maurice Chevalier, Yvonne Printemps, Fernandel, Mistinguett chantent sur cette nouvelle scène. En 1926, première apparition de Joséphine Baker avant même la célèbre "Revue Nègre" du Théâtre des Champs Élysées https://www.parisladouce.com/2023/08/theatre-des-champs-elysees.html qui se tient en 1929. En 1933, c'est le retour de Mistinguett. En 1936, la nouvelle revue avec Joséphine Baker en vedette permet au jeune Michel Gyarmathy de dessiner ses premiers décors pour le music-hall. Cette expérience marque le début d'une collaboration longue de cinquante-six ans. Et c'est encore aux Folies Bergère que Joséphine Baker fait ses adieux à la scène en 1949. 

En août 1974, s'ouvre une nouvelle ère avec l'arrivée à la tête de la salle, de "limpératrice de la nuit", Hélène Martini, un temps mannequin sur la scène des Folies Bergère vingt-cinq ans plus tôt. Propriétaire de dix-sept cabarets et clubs au faîte de sa gloire, les Bouffes Parisiens, Mogador, la Comédie de Paris, mais aussi des cabarets clubs comme le Raspoutine et le Shéhérazade, elle fait montre d'un flair redoutable. Sous sa direction, la programmation modernisée voit paraître les premières comédies musicales telles que "Fame".

Le groupe Lagardère achète les Folies Bergères en 2011. A la suite de la crise sanitaire, le groupe annonce en 2020 vouloir se séparer de trois salles de spectacle, le Bataclan, le Casino de Paris et les Folies Bergère. Pas de suite à ce jour.

Les Folies Bergère
32 rue Richer - Paris 9
Métro Cadet ligne 7



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos
Le guide du promeneur 9è arrondissement - Maryse Goldemberg - Parigramme