Paris : Square d'Orléans, une cité privée aux allures britanniques, témoin de l'urbanisation du quartier de la Nouvelle Athènes au XIXème siècle - IXème


Le Square d'Orléans, situé au 80 rue Taitbout, prend sa forme actuelle sous la houlette de l'architecte anglais Edward Cresy (1792-1858) dans les années 1830. Cette cité privée du quartier de la Nouvelle Athènes, résidence au XIXème de nombreux artistes, est depuis 2020 la propriété du fonds de pension danois PFA. Une restauration d'envergure a favorisé le développement de bureaux de prestige en conservant un nombre plus restreint de logements. L'ensemble immobilier, 14 000m2 sur une parcelle de 5 700m2, se déploie sur trois cours, deux modestes l'entrée et la cour George Sand, une troisième plus importante au coeur de la composition, le Square d'Orléans à proprement parler. La cité surprend par sa quiétude et ses allures résolument britanniques. Quatre corps de bâtiments délimitent la cour principale déployée autour d'un jardinet ovale où chante une fontaine. L'utilisation de colonnes ioniques, assez courantes en Angleterre, plus rares en France, confère à l'ensemble cet esprit anglo-saxon, très exotique à Paris. Le Square d'Orléans est inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 30 décembre 1977.








La rue des Trois Frères est ouverte entre 1777 et 1781, entre la rue Chantereine et la rue Saint-Lazare dans le prolongement de la rue Taitbout et de la rue de la Houssaye. A la fin du XVIIIème siècle, une première cité privée, la Cité des Trois Frères, accessible au 34-36 de la rue Saint Lazare, voit le jour sur les terrains occupés aujourd'hui par le Square d'Orléans. Après 1797, la propriété, qui comprend quelques parcelles à construire et six immeubles bas, appartient à la famille du compositeur Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871).

La Nouvelle Athènes connait un essor particulier à partir de 1810 tandis que sont lotis les derniers terrains constructibles, héritage des domaines propriété des congrégations religieuses, nationalisés à la Révolution. Un quartier résidentiel au charme champêtre, très prisé des artistes, nait de ces grandes mutations. Les spéculations immobilières impriment durablement leur marque sur le tissu urbain. Des investisseurs successifs s'intéressent au sort de la Cité des Trois Frères. En 1822 Mademoiselle Mars, pseudonyme de Anne-Françoise-Hippolyte Boutet (1779-1847), sociétaire de la Comédie française, se porte acquéreur de l'ensemble pour 250 000 francs or. Elle revend la propriété 500 000 francs or en 1824.

En 1829, l'architecte anglais Edward Cresy co-auteur de "The architectural antiquities of Rome" avec George Ledwell Taylor (1788-1873), achète, à son tour, la Cité des Trois Frères. Dans le cadre d'une opération immobilière spéculative, il mène un important chantier de transformation. De 1830 à 1841, l'ensemble prend sa configuration actuelle. La conception générale s'inspire des squares londoniens. Les six immeubles remodelés dans un style d'architecture néo-classique, multiplient les références antiques telles que les colonnes ioniques. En 1835, le square devient la propriété de l'anglais Richardson. Il aménage la fontaine au centre de la cour principale. Sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), la Cité des Trois Frères prend le nom de Cité d'Orléans en hommage à la famille régnante. Elle deviendra Square d'Orléans un peu plus tard. 









En 1853, la rue Taitbout absorbe la rue des Trois Frères et de la Houssaye. Prolongée au Nord entre la rue Saint Lazare et le boulevard en 1859, son nouveau tracé emporte une maison du square où résidait le sculpteur le sculpteur Jean-Pierre Dantan (1800-1869). À cette occasion, l'actuel immeuble sur rue est édifié ouvrant une entrée au 80 rue Taitbout.  Le square est revendu en 1857. Jean-Pierre Normand, homme d'affaires enrichi dans le commerce du cachemire, le rachète en 1863.

La Cité d'Orléans, futur square, accueille de nombreux artistes. En 1831, Alexandre Dumas père (1802-1870), emménage au pavillon 3, avec sa compagne, Belle Kreilssamner (1803-1875) et non Krelsamer comme souvent orthographié, comédienne qui se produit sous le pseudonyme de Mélanie Serres, ainsi que leur fille Marie-Alexandrine Dumas (1831-1878) et Alexandre Dumas fils (1824-1895), sept ans.

En 1842, Frédéric Chopin occupe un appartement au pavillon 9 et George Sand au pavillon 5. Ils quittent le square à quelques moins d'intervalle lors de leur rupture en 1847. Marie Taglioni (1804-1884) danseuse et chorégraphe, habite au numéro 2. Parmi les chanteurs et musiciens résidents, se trouvent Pauline Garcia Viardot (1821-1910) cantatrice et compositrice, soeur cadette de l'artiste lyrique Maria-Felicia Garcia dite la Malibran (1808-1836), Antoine Marmontel (1816-1898) pianiste et musicographe, Friedrich Kalkbrenner (1785-1849) compositeur et pianiste. L'archéologue Maxime du Camp (1822-1894) héberge Gustave Flaubert (1821-1880) en 1856. Plus proche de nous, le peintre Serge Ivanoff (1893-1983) y tient son atelier. 

Square d'Orléans
80 rue Taitbout - Paris 9
Métro Saint Georges ligne 12




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos
Le guide du promeneur 9è arrondissement - Maryse Goldemberg - Parigramme