Au fin fonds de la Virginie, dans les années 1980. Lors d’une soirée pyjama entre lycéennes, Maren, dix-sept ans, prise d’une pulsion irrépressible, mord le doigt d’une camarade jusqu’à la mutiler. Déboussolée par son acte, elle s’enfuit chez elle. Son père qui l’élève seul prend en main la situation, prépare leurs affaires pour disparaître. L’incident a eu des précédents. Mais cette fois, dépassé par les graves problèmes psychologiques de sa fille, cette addiction carnassière, le père de Maren choisit de l’abandonner à son sort en lui laissant de l’argent, un certificat de naissance, une cassette expliquant son geste. Pour comprendre ce mal peut-être héréditaire qui la ronge, Maren décide de se confronter à son passé et retrouver sa mère dont elle ne conserve aucun souvenir. Rejetée par la société, par ses propres parents, en quête d’identité, elle part sur les routes du Midwest. Maren se pensait la seule atteinte de cette étrange maladie. Ses errances l’amènent à croiser la route de semblables. Elle découvre que leur odorat surdéveloppé leur permet de se reconnaître entre eux. Elle fait la connaissance de Sully, sinistre vieil homme. Et de Lee, jeune vagabond, avec qui elle s’échappe dans une Chevrolet bleue volée. Tandis que l’amour nait entre ces deux parias, ils tentent en vain de contrôler leur pathologie et font d’inquiétantes rencontres.
Singularité et radicalité, désir et amitié, spleen et addiction, obsession morbide et actes barbares, sur fond de passage à l’âge adulte, de périple intime métaphorique, Luca Guadagnino livre une réinvention du mythe du vampire. L’affection héréditaire dont sont atteints Maren et Lee, peut se traduire comme une forme de déterminisme social. Sous cet angle, « Bones and all » prend une dimension alternative, regard d’un réalisateur italien sur la société à l’ère Reagan, évocation de la marge, les exclus du rêve américain, les laissés-pour-compte.
Les deux anti-héros, cannibales amoureux, luttent contre l’emprise de la maladie, de cette nature indomptable. Ils sont des tueurs en série assoiffés de sang frais malgré eux tandis que d’autres atteints du même syndrome révèlent leur pleine sociopathie. Taylor Russell, prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir, interprète de façon très convaincante le vacillement permanent entre vulnérabilité et force, sensibilité expressive et réserve. Timothée Chalamet, allure dégingandée, dépenaillée, déploie les charmes vénéneux d’un Lee inquiétant, explosif. Chloë Sevigny méconnaissable, livre une performance glaçante. Objet cinématographique fascinant, « Bones and all » intrigue et dérange.
Bones and all, de Luca GuadagninoAvec Timothée Chalamet, Taylor Russell, Mark Rylance, Chloë Sevigny
Sortie le 23 novembre 2023
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