L’exposition « Difé » imaginée par Minia Biabiany au Palais de Tokyo, sous le commissariat de Yoann Gourmel, prolonge et complète l’installation présentée dans le cadre de l’évènement collectif « Shéhérazade, la nuit ». Les œuvres de la plasticienne déchiffrent les tensions du territoire caribéen et soulèvent des questionnements identitaires. Dans une volonté de reconsidérer les luttes passées désormais placées sous silence, elles remettent en question l’héritage géopolitique. Minia Biabiany invite à une prise de conscience. La structure de ses installations reprend dans la forme le concept d’opacité du récit officiel afin de dénoncer les modèles normatifs façonnés par la colonialité. Elle nous parle de la mémoire de l’esclavage, du scandale sanitaire du chlordécone, exploitation des corps et de la terre, du déracinement des populations et de la racialisation des rapports sociaux. « Difé », le feu en créole, raconte l’histoire d’un territoire martyr. A l’ombre du volcan, la Soufrière, la Guadeloupe a été modelée par l’activité volcanique, surgissement des îles, sols enrichis et nature généreuse. Les terres autrefois fertiles ont été irrémédiablement polluées par les pesticides. Le chlordécone utilisé en toute conscience de sa dangerosité par les industriels de l’agroalimentaire, avec la complicité de l’Etat français, empoisonne les populations, les condamne à la maladie, aux handicaps sévères.
Les installations immersives de Minia Biabiany font appel aux sensations, aux émotions, expérience physique d’une narration politique ancrée dans l’histoire de la Caraïbe. Née en Guadeloupe à Basse-Terre en 1988, Minia Biabiany vit et travaille entre le Mexique et Saint-Claude. Dans le prolongement de son travail plastique, en tant que chercheuse elle conçoit des outils pédagogiques d’apprentissage autonome. Ses œuvres interrogent les implications d’une représentation biaisée du monde. Minia Biabiany éclaire sous un angle plastique la violence insidieuse des stratégies d’assimilation qui engendrent uniformisation, acculturation, négation des identités, de l’altérité. Elle affirme, dénonce, s’indigne afin d’initier un processus de guérison.
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