Au début du XIXème siècle, Paris manque de lieux de sépulture. L’application tardive de la loi de 1765 qui interdit les cimetières en ville a conduit à la fermeture du cimetière des Innocents le 1er décembre 1780, et du cimetière Saint Joseph en 1796. Le 21 février 1801, le premier préfet de la Seine Nicolas Frochot (1761-1828) valide par arrêté la création de trois nouveaux grands cimetières, au nord le cimetière de Montmartre, au sud de Montparnasse, à l’est du Père Lachaise. La Ville de Paris se porte acquéreuse de l’ancienne propriété de François d'Aix de La Chaise (1624-1709), père jésuite, confesseur du roi Louis XIV durant trente-quatre années. Les dix-sept hectares de Mont-Louis sont consacrés à la création du cimetière de l'Est. L’architecte néo-classique Alexandre-Théodore Brongniart (1739-1813) dessine les plans. Il s’inspire des jardins à l’anglaise, avec bosquets et avenues, trace des contre-allées sinueuses et imagine des monuments funéraires ouvragés à la manière des fabriques.
Pourtant le nouveau cimetière du Père Lachaise officiellement inauguré le 21 mai 1804 ne connaît pas le succès attendu. En 1815, dix ans après son ouverture, il ne compte que six-cent-trente-cinq inhumations. Le transfert en 1817 des sépultures de célébrités le tombeau d’Héloïse et Abélard ainsi que ceux de Molière (1622-1673) et de La Fontaine (1621-1695), devrait assurer son prestige et augmenter sa désirabilité. L’opération est un succès. Pourtant, il est avéré que ces sépultures toutes symboliques n’accueillent pas réellement les dépouilles des gloires défuntes.
Molière décède le 17 février 1673 à son domicile de la rue de Richelieu. Jean-Baptiste Poquelin excommunié du fait de sa profession de saltimbanque n’aurait pas le droit à une sépulture religieuse. L’intervention de Louis XIV auprès des autorités religieuses autorise un enterrement dans le cimetière Saint-Joseph relevant de la paroisse Saint Eustache à condition qu’il soit inhumé de nuit et sans aucune pompe. Les funérailles ont lieu le 21 février 1673. La sépulture officielle se trouve alors au pied de la croix centrale du cimetière. Pourtant selon certains registres paroissiaux, à la suite de cette inhumation particulière, la tombe aurait été déplacée à l’initiative du clergé de Saint Eustache. La dépouille de Molière aurait été ensevelie dans la partie non consacrée du cimetière, le carré des suicidés et des enfants mort-nés. Un doute subsiste concernant cette double sépulture.
Au cours de l’année 1792, les autorités révolutionnaires de la Convention décident de rendre hommage aux grands hommes de la Nation. Le 6 juillet, le père Fleury, vicaire de Saint Eustache est chargé d’exhumer au cimetière Saint Joseph la dépouille de Molière. Pour la retrouver, il se base sur la théorie de la double sépulture et prélève les restes présumés dans une tombe du carré non consacré. Le cercueil est exposé dans la chapelle Saint Joseph afin que tous puissent se recueillir devant. Le 21 novembre, Fleury fait ouvrir la sépulture voisine que de fausses informations attribuent à Jean de La Fontaine afin que ce dernier rejoigne Molière. Pourtant, les registres confirment que le fabuliste a été inhumé en 1695 au cimetière des Innocents. Il n’a jamais reposé à Saint Joseph.
Alors que l’identité des ossements n’est pas assurée, les sarcophages sont longtemps exposés dans la chapelle Saint Joseph. A la suite de sa démolition, ils rejoignent le deuxième étage du corps de garde qui la remplace. Quelques privilégiés s’octroient des passe-droits. Les cercueils ouverts, certains prélèvent des souvenirs macabres, des reliques littéraires. Les restes sont d’ailleurs probablement intervertis lors d’une manœuvre malheureuse. Le 7 mai 1799, les deux dépouilles rejoignent un lieu plus digne, le Musée des monuments française d’Alexandre Lenoir.
Le 6 mars 1817, les sépultures officielles de Molière et La Fontaine sont transférées au cimetière du Père Lachaise. Les cercueils présentés lors d’une messe à l’église de Saint Germain des Prés sont placés dans des sarcophages de la 25ème division. Ces prestigieux résidents reposent cependant plus certainement dans les catacombes où les ossements prélevés dans les cimetières des Innocents et de Saint Joseph à leur fermeture ont été déplacés.
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