Expo : Otani Workshop - Contes d'Awaji - Galerie Perrotin - Jusqu'au 11 mai 2019



Otani Workshop, littéralement l’atelier d’Otani, est depuis 2005 le nom d’artiste derrière lequel travaille seul Shigeru Otani. Ce plasticien japonais s’inspire de la nature pour réaliser des œuvres selon des techniques ancestrales, une tradition qui nourrit un propos contemporain. Ses créatures, silhouettes presque naïves, couleurs sourdes, surfaces texturées, appartiennent au domaine de l’enfance hantée par les contes. Du rêve au fantasme, il déploie les légendes d’un monde intérieur sensible. Pour la première fois hors d’Asie, la galerie Perrotin présente son travail à travers une vaste exposition, Contes d'Awaji, délicieusement décalée et poétique.










Otani Workshop explore sans relâche la relation entre la matière et la forme. La dimension rustique, brute du matériau, le plus souvent une argile rugueuse, contraste avec la sophistication de l’imaginaire. Visages humains, bestiaire classique, les pièces minuscules à monumentales se déclinent en bronze, en céramique, en plâtre en bois. 

Il porte un intérêt particulier aux matières naturelles, aux matériaux de récupération qui transmettent à ses œuvres leurs qualités organiques pas exemptes d’une certaine rusticité. Les propriétés physiques de l’argile, les effets incontrôlables des différentes techniques lui soufflent les idées de nouvelles expérimentations. Sous ses mains, l’imperfection devient beauté. Ses sculptures se parent de fêlures, de fissures, assument leur forme irrégulière, la craquelure le long de la surface polie.




 





Céramiste de grand talent, Otani Workshop embrasse pleinement la tradition qu’il réinvente à l’aune de son inspiration. La céramique japonaise ancestrale trouve dans la beauté immédiate de l’objet, un vaisseau de la signification, du concept inhérent à l’oeuvre. La forme, la texture, la matière illustrent des valeurs, une signification philosophique qui prolongent la réalité formelle physique. 

La simplicité des créations d’Otani Workshop et souvent leur fonction usuelle s’inspirent du mouvement Mingei. Ce courant célèbre les traditions et la beauté des objets domestiques du quotidien, ceux fonctionnels avant même d’être décoratifs. Modestes mais de qualité, bon marché mais solides, ils possèdent des qualités de sincérité et de naturel que prêchent les préceptes de l’art japonais. Accepter la fragilité, la fugacité, l’imperfection fait référence au concept esthétique wabi-sabi. La notion de wabi convoque la plénitude et la modestie ressenti devant l’expression des phénomènes naturels tandis que sabu renvoie au sentiment éprouvé face aux choses altérées par la patine du temps ou le travail des hommes.











Au début des années 2000, étudiant à l’Université des Arts de la préfecture d’Okinawa, Otani Workshop choisit de quitter provisoirement les cours pour sillonner l’archipel nippon durant un an. Son errance créative le mène sur les traces du patrimoine culturel de son pays. Musées, temples, cimetières, monuments sont autant de lieux de rencontres où appréhender les savoir-faire, les matières, les formes. L’influence des Haniwa, ces figures funéraires en terre-cuite retrouvées dans les tombes de la période Kofun, du IIIème siècle au VIIème siècle va durablement marquer son œuvre. Il termine ses études en 2004. 

Un temps assistant de l’artiste Yoshimoto Nora, Otani Workshop installe son atelier dans sa ville de naissance à Shigaraki préfecture de Shiga à l’est de Kyoto, région réputée pour sa production de céramique et la qualité de son argile. En 2008, à l’occasion d’une exposition monographique qui lui est consacrée à Shiga, il est remarqué par Takashi Murakami qui le prend sous son aile et devient son mentor.  Puis en 2017, il déménage son studio sur l’île d’Awaji dans une ancienne usine de tuiles. Le four monumental de la fabrique lui donne l’occasion de réaliser des pièces d’une toute nouvelle envergure. Ses œuvres prennent des dimensions monumentales.










La maîtrise des savoir-faire techniques a donné à Otani Workshop l’opportunité de développer à travers son histoire de la pratique une expérience personnelle de la tradition. Expérimentations, improvisations, inspirations, son évolution esthétique s’exprime dans la virtuosité les bronzes, la subtilité des patines, l’éclat des céramiques. L’exposition qui se déroule à la galerie Perrotin pose un regard introspectif éclairant sur le travail de l’artiste, son culte de l’imperfection. Quête de la forme alternative, tradition ancestrale et propos contemporain, l’art du potier, art de la pièce unique, semble s’ériger en remède à l’homogénéisation des normes culturelles. 

Otani Workshop - Contes d’Awaji
Jusqu’au 11 mai 2019

Galerie Perrotin
76 rue de Turenne - Paris 3
Horaires : Du mardi au samedi de 11h à 19h - Fermé lundi et dimanche
Entrée libre



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.