Spectacle : Réda Seddiki - Deux mètres de liberté - Le Lucernaire



A 17 ans, Réda Seddiki a quitté l’Algérie et son village natal de Tlemcen, afin de poursuivre des études de mathématiques et de cryptographie au sein d’une prestigieuse université parisienne. La France, il en rêvait mais quand l’idéal rencontre la réalité, les désillusions sont nombreuses. Réflexions sur le monde tel qu’il est, sans pathos, ni tabou, ni démagogie, le spectacle de Réda Seddiki s’inscrit dans une mise en perspective élargi de la condition humaine observé par le prisme de sa propre histoire. Le grand jeune homme dégingandé, silhouette longiligne qui a gardé quelque chose de l’enfance, interroge le monde et propose sa vision de notre temps en interprétant un personnage lunaire et sensible qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Et c’est grâce à cette part autobiographique que l’humoriste parvient à questionner la capacité de chacun à accepter l’autre qui débute par celle qui consiste à s’accepter soi-même.




Spectacle atypique, seul-en-scène poétique, Deux mètres de liberté possède un rythme singulier. Ici pas de vannes mitraillettes ni d’argot grinçant, la langue est soutenue, la plume élégante. Le texte efficace fait appel à la réflexion. Réda Seddiki se glisse avec bonheur dans la peau de personnages hauts en couleur, des tontons du bled au Parisien pur jus, révélant toutes les facettes de son talent. Il y a beaucoup d’esprit dans son travail d’écriture et une grande générosité dans son jeu subtil. 

Sincère, il interroge sa propre identité à cheval entre deux pays pour lesquels il revendique un même amour. Il pointe les absurdités de la société française, les aberrations de l’administration tout en portant un regard lucide et caustique sur l’Algérie. Il ausculte avec intelligence l’idée de la place de l’étranger, celui dont les racines culturelles diffèrent. En scientifique, il pose théorèmes et démonstrations, dont celle de l’impossibilité mathématique de concilier liberté, égalité, fraternité. 




Réda Seddiki traite des sujets d’actualité avec honnêteté et pertinence en prise directe avec les préoccupations de notre temps. La politique, les valeurs universelles, la colonisation, les présidents français qui valsent au gré des élections, le président algérien indéboulonnable, le racisme, le mariage pour tous, la polygamie, sa réflexion englobe tous les champs de notre société dans un propos philosophique qui prône la réconciliation. Avec Réda Seddiki, le vivre-ensemble débute par le rire-ensemble. Le prof de math extrémiste, le ramadan culturel, la dame parano dans le métro, Daech, les « fichiers-bien », la théorie de l’hypocrisie positive et la circoncision sont autant d’occasion d’ouvrir le débat citoyen et renverser les dictateurs de la pensée unique, de la bien-pensance niaise.

Se jouant des stéréotypes, Réda Seddiki se fait barde de l’altérité et du respect de l’autre. Energique, joyeux, son seul-scène est un condensé corrosif qui brille par sa liberté de ton.

Réda Seddiki - Deux mètres de liberté
Vendredi et samedi à 21h30, dimanche à 19h
Jusqu’au 2 septembre 2018

Théâtre Le Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs - Paris 6
Réservation : 01 45 44 57 34



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.