Paris : Passage de l'Ancre, chemin de traverse hors du temps - IIIème



Le passage de l'Ancre, exquise voie privée à ciel ouvert se dissimule  en plein coeur du Marais derrière une discrète porte cochère du quartier Saint-Avoye. A l'abri des regards, cette venelle piétonne est un raccourci méconnu qui prolonge la rue Chapon au milieu des immeubles jusqu'à la rue de Turbigo. Chemin de traverse hors du temps, il est l'un des plus vieux passages de Paris dont la présence est attestée sur les plans de la ville dès le XVIIème siècle. Bordée de boutiques multicolores, cette étroite allée trottine allègrement côté cour, sentier urbain abondamment fleuri. Les riverains entretiennent avec amour fleurs et arbustes en pots qui confèrent au lieu une atmosphère champêtre. Quiétude heureuse, chronique du temps passé, les enseignes pittoresques disputent en charme aux vitrines à l'ancienne des ateliers artisanaux.









Au début du XVIIème, le passage de l'Ancre s'appelle passage du Puit avant de prendre le prendre le nom d'Ancre Royale en référence à l'enseigne d'une auberge nouvellement installée. Il attire alors un entrepreneur d'un genre tout nouveau. A cette époque, à Paris, il n'existe qu'une seule entreprise de chaises à bras à louer créée en 1617. Lorsque l'on ne possède pas de moyen de transport en propre, on va à pieds. 

Vers 1637-40, Nicolas Sauvage, facteur des maîtres de coches d'Amiens imagine d'établir des carrosses toujours attelés stationnant dans des quartiers désignés, à disposition du public. Sa petite affaire prend ses quartiers à l'Auberge du Grand Saint Pierre située à l'angle du passage de l'Ancre Royale et de la rue Saint-Martin. Dans la cour de celle-ci, il remise les vingt premiers attelages publics, les fiacres, ancêtres de nos taxis parisiens. Malheureusement pour Nicolas Sauvage, dès 1657, l'Etat fait main basse sur l'affaire en créant un monopole des voitures de louage.









Après la Révolution, le passage devient passage de l'Ancre Nationale de 1792 à 1805. Il fait partie du réseau piéton déployé entre la rue Saint-Denis et la rue Saint-Martin, pendant parallèle, au sud, du passage Saucède ouvert en 1827, aujourd'hui disparu. Prolongement du passage du Bourg-l'Abbé, le passage de l'Ancre relie alors la rue Saint-Martin à la rue du Bourg-l'Abbé disparue de nos jours, absorbée par les grands travaux d'Haussmann. L'extrémité ouest du passage a été amputé lors du percement de la rue Turbigo et du boulevard Sébastopol en 1854-55. 

L'histoire du passage de l'Ancre est intimement liée à celle de la confection. Dans les années 1930, de nombreux artisans juifs y sont établis. En 1942, la terrible rafle du Vel d'Hiv' emporte une grande partie de ses habitants. Le passage est alors laissé à l'abandon. 








Ce n'est qu'en 1998 qu'une soigneuse rénovation lui redonne vie. Des ateliers de confection s'y réinstalle, une agence de communication, et la singulière boutique Pep's, dernier réparateur de parapluies de Paris, pep étant le mot d'argot auvergnat désignant cet accessoire fort utile sous nos climats pluvieux, assez proche du vocable parisien pébroc. La boutique établie dans le quartier historique des parapluies depuis plus de trente-cinq ans, a été reprise par Thierry Millet avant de trouver place passage de l'Ancre. Fleuron du savoir-faire français, la maison est répertoriée parmi les entreprises du patrimoine vivant. Parapluies, cannes, ombrelles attirent les connaisseurs du monde entier, qu'il s'agisse de réparations de pièces antiques ou de demandes sur-mesure.

Passage de l'Ancre - Paris 3
Accès 30 rue de Turbigo - 221 rue Saint-Martin - Paris 3
Fermé le week-end 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 









Bibliographie
Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Félix et Louis Lazare
Paris et ses passages couverts - Guy Lambert - Editions du Patrimoine Centre des Monuments Nationaux
Les Voitures publiques dans la ville de Paris : les Fiacres et les Omnibus - Revue des Deux Mondes, 2e période, tome 69, 1867 - Maxime Du Camp
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit
Promenades dans toutes les rues de Paris - Félix de Rochegude - Editions Hachette

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