Paris : À la Mère de Famille, une épicerie confiserie patrimoniale fondée en 1761 - IXème

 


"À la Mère de Famille" revendique le titre de plus ancienne confiserie de Paris. La boutique patrimoniale du 35 rue du Faubourg Montmartre annonce au fronton "depuis 1761". La façade vert bouteille, au décor de verres églomisés à la feuille d'or, est inscrite aux monuments historiques depuis 1984. A l'intérieur, le décor du XIXème siècle, intact, confère un charme particulier au lieu, comptoir et guichet de bois patiné par les ans, carreaux de ciment au sol et achalandage pléthorique de confiseries. Les friandises traditionnelles, pâtes d'amandes, fruits confits, guimauves, chocolats, confitures, côtoient des ajouts plus récents, crèmes glacées, biscuits régionaux, cakes. Depuis 2000, la famille Dolfi a repris les rênes de ce beau vaisseau gourmand dont l'histoire remonte au XVIIIème siècle. L'enseigne "À la Mère de Famille" est devenue une véritable marque dont la réputation traverse les frontières de l'Hexagone. Le groupe égrène les filiales à travers toute la France. En région, il reprend les belles maisons patrimoniales en péril afin de faire vivre les savoir-faire. 









En 1761 Pierre Jean Bernard, jeune épicier originaire de Coulommiers, fonde la Maison Bernard au 35 rue du Faubourg Montmartre, voie commerciale prometteuse. Jean-Marie Bridault, époux de Jeanne Bernard, succède à son beau-père à la tête de l'établissement en 1791. Prématurément veuf, il se remarie avec Marie-Adélaïde, de quelques années sa cadette. A la disparition en 1807 de son mari, c'est elle qui reprend les rênes de l'affaire familiale avec ses quatre filles. Marie-Adélaïde Bridault développe une offre haut de gamme, fait appel à de nouveaux fournisseurs. La réputation de l'épicerie grandit à tel point qu'en 1810, elle fait l'objet d'une critique élogieuse dans l'Almanach des Gourmands. Désormais, à l'enseigne "La Mère de Famille", la boutique séduit une clientèle de fins gourmets. La tendance se confirme sous la direction du fils, Ferdinand Bridault et son épouse Joséphine Delafontaine, qui dès 1825 se rendent compte du potentiel du quartier en plein essor qui attire de nombreux artistes. 

Les années 1850 marquent un tournant dans l'histoire de l'épicerie. Le rayon confiserie prend de l'ampleur. L'expansion de la culture de la betterave sucrière, moins onéreuse que la canne à sucre venue des Antilles, produit d'importation, rend accessible à tous les plaisirs sucrés. En 1856, au décès de Ferdinand, ses deux filles reprennent l'affaire. Elles s'attachent les services d'artisans confiseurs réputés pour séduire une nouvelle clientèle. 









Georges Lecoeur achète la boutique À la Mère de Famille en 1856. Cet homme providentiel apporte à la confiserie prospérité et renommée. Commerçant moderne, Georges Lecoeur a le sens de la réclame et du commerce. Il imagine la façade vert et or, aujourd'hui classée, qui annonce les spécialités de la maison, développe la publicité, fait distribuer prospectus, brochures. De nouvelles denrées apparaissent sur les étals, nouvelles spécialités de la maison, ananas de Singapour, thé de Chine, chocolat de la Compagnie coloniale, hopjes caramel au café de Hollande. Dans le même temps, il poursuit sa collaboration avec des artisans de talent. À l'occasion de l'Exposition culinaire de Paris en 1906, les confitures fines de La Mère de Famille sont distinguées à deux reprises. 

En 1920, Georges Lecoeur transmet La Mère de Famille à son ancien apprenti Régis Dreux. Celui-ci réinvente l'art de la vitrine. Il s'inspire des saisons, des fêtes et met en scène les plus belles créations. Décédé en 1931, sa fille et son mari, les Legrand prennent la suite. En 1950, leur fille Suzanne Brethonneau et son époux Albert, entré comme apprenti en 1936, poursuivent l'aventure. En 1984, la devanture de "La Mère de Famille" est classée aux monuments historiques. Suzanne prend sa retraite en 1985. Un amoureux de l'établissement, Serge Neveu en fait l'acquisition. Artisan chocolatier, il fait de son commerce une référence en ce domaine. 

En 2000, il passe le flambeau à Etienne Dolfi confiseur, ancien fournisseur de "La Mère de Famille" en pommes candies, calissons, nougats. Travaillant en famille, les Dolfi développent un empire de la gourmandise. Les enfants d'Etienne perpétuent aujourd'hui la tradition, Steve à la direction artistique et communication, Sophie DRH, en charge du développement des magasins et des packagings, Jonathan directeur financier, chargé de suivi de la production et Jane aux grands comptes. 









"À la Mère de Famille" compte désormais quinze boutiques à Paris. Quatre-vingt salariés oeuvrent auprès du groupe parmi lesquels soixante artisans à la production de mille-deux-cents références. Fruits confits, pâtes d'amande, chocolats demeurent les confiseries phare. 

Au fil des acquisitions de maisons régionales et de l'expansion du groupe, "La Mère de Famille" entretient les savoir-faire et les spécialités : la Maison Henriet et les rochers de Biarritz chocolat amandes torréfiées orange confite, la Maison Pillon et les pavés du Capitole bonbons feuilletés au praliné amande et noisette, à Toulouse, la Maison Buissière et les paladins, ganaches noires aux noisettes, à Limoges, la Maison Témoins et les toucans, pralinés feuilletés, à Caen, la Maison Au négus, et les Négus de Nevers, caramel tendre au café ou au chocolat. 

La fabrique de Chambray-lès-Tours assure 90% de la production. Depuis 2011, le sucre roux remplace le sucre blanc dans les recettes. Le chocolat est confectionné maison à partir des fèves de cacao en interne, fèves issues de coopératives locales à Madagascar, au Pérou, à Haïti.

En 2017, "À la Mère de Famille" rachète la pâtisserie Stohrer, la plus ancienne de Paris fondée en 1730. Les deux maisons patrimoniales lancent leur première adresse commune au 35 rue Cler dans le VIIème arrondissement en 2018.

À la Mère de Famille
35 rue du Faubourg Montmartre - Paris 9
Métro Richelieu Drouot lignes 8, 9 / Le Peletier ligne 7




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.