Paris : Passage de la Trinité, destinée singulière de l'hôpital de la Trinité depuis le Moyen-âge - IIème



Le passage de la Trinité, tracé sur l'ancienne ruelle qui menait à l'entrée de l'hôpital et de l'enclos de la Trinité, est l'une de ses étroites venelles aussi discrètes que peu fréquentées dont Paris a le secret. Sinuant sur quelques soixante mètres, le passage évoque la topographie sensible d'une ville médiévale. Et pourtant il n'est pas tout à fait d'époque. Sa réalité dans la nomenclature parisienne ne remonte qu'au début du XIXème siècle. L'histoire du passage est intimement liée à celle de l'hôpital de la Trinité, successivement asile de nuit pour les pèlerins au XIIIème siècle, congrégation hospitalière, foyer du premier théâtre français, hospice pour les orphelins indigents et école de formation aux arts et métiers. Revenons sur cette curieuse destinée.









L'Hôpital de la Trinité qui s'étendait approximativement du 142 au 164 de notre rue Saint-Denis contemporaine est tout d'abord une maison hospitalière fondée en 1201 sous le nom Croix-de-la-Reine par deux frères, Wilhem (Guillaume) Escuacol et Jean de la Paslée (ou Palée). Située sur une parcelle au carrefour de nos actuelles rues Saint-Denis et Greneta, elle a alors comme vocation d'héberger les pèlerins sur la route de Saint-Denis arrivés après la fermeture nocturnes des portes de Paris sur l'enceinte de Philippe Auguste (portes de Saint-Denis et des Peintres). 

Dès 1210, les Prémontrés en assurent la gestion. L'évêque de Paris prend la maison sous son autorité et négocie avec le Chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois pour installer sur le terrain une église dédiée à la Trinité. Dans l'enclos est établi un cimetière destiné à accueillir les victimes de la peste.

En 1402, des lettres patentes émises par Charles VI autorisent la Confrérie de la Passion et de la Résurrection de Notre Seigneur qui montent des pièces naïves inspirées par les récits de la Bible, les mystères, a joué en public le dimanche et les jours de fête. La confrérie loue la grande salle de l'hôpital de la Trinité et bientôt rejoint par les Enfants-Sans-Souci se diversifient en sotties, farces et moralités. Le premier théâtre parisien est né.









En 1545, les religieux de la Trinité cessent d'exercer l'hospitalité. L'hôpital est affecté aux orphelins, enfants pauvres et invalides, hospice des Enfants Bleus en référence à la couleur de leur habit. Son enclos par privilège de Henri II devient un lieu d'asile. Les ouvriers y travaillent en franchise, les artisans compagnons prenant en apprentissage les jeunes indigents qui trouvent là un moyen de s'extraire de leur condition. 

L'hôpital de la Trinité devient alors un lieu de formation aux arts et métiers, une école dont l'excellence est reconnue dans tout le pays. L'un des plus brillants élèves, le tapissier Dubourg auteur des tapisseries de Saint Merri datant de 1594, sera même nommé à la tête de la Manufacture royale des Tapis et de la Savonnerie par Henri IV. Les artisans accourent dans ce lieu de formation prestigieux. Peu à peu, des ruelles sont ouvertes dans l'enclos, des maisons se construisent. 







Au XVIIIème siècle, ateliers et boutiques d'artisans recouvrent entièrement l'aire de l'ancien cimetière. Les commerces organisés en deux cours accèdent par de courtes ruelles aux rues Saint-Denis et Greneta. L'une d'elle est l'ancêtre de notre passage de la Trinité. 

En 1790, au lendemain de la révolution, l'hôpital de la Trinité est supprimé et ses biens attribués à l'administration générale des hospices. L'église vendue en 1812 est démolie en 1817. L'enclos originel est transformé en rues et passages parisiens. Le passage de la Trinité voit officiellement le jour. De nombreuses fabriques et ateliers d'artisans s'établissent sur ces nouvelles voies prolongeant la tradition.







En 1854, le percement du boulevard du Centre futur boulevard Sébastopol bouleverse le quartier qui est profondément transformé par les grands travaux d'Haussmann.  Le passage de la Trinité est menacé de destruction par un décret du 29 septembre 1854 qui prévoit sa suppression. Il ne sera jamais appliqué.

Aujourd'hui, le passage de la Trinité est une curiosité du tissu urbain traversé par un ruisseau axial d'un autre temps dont le charme s'il est un peu décrépi n'en demeure pas moins certain.

Passage de la Trinité - Paris 2
Accès 164 rue de Saint-Denis et 21 rue de Palestro



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Editions Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit
Promenades dans toutes les rues de Paris - Félix de Rochegude - Editions Hachette

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