Expo Ailleurs : Paula Rego. The Personal and the Political - Jusqu'au 7 septembre 2025 - DERNIERS JOURS - Musée Folkwang d'Essen - Allemagne

 

Ce sont les derniers jours pour découvrir l'exposition "Paula Rego. The Personal and The Political" au Musée Folkwang d'Essen en Allemagne, qui s'achève le 7 septembre 2025. Cette rétrospective dont le titre renvoie à un slogan féministe des années 1960 rend hommage à l'artiste luso-britannique, Paula Rego (1935-2022). Cent-vingt oeuvres, tableaux, dessins, gravures, polyptiques grand format, papiers variés, ont été réunis afin d'illustrer un parcours artistique et une vie d'engagement. Jouets, figurines en papier mâché, poupées carnavalesques utilisées dans le cadre de ses compositions des années 2000, décors théâtraux, objets devenus oeuvres à part entière, complètent une scénographie limpide et thématique.

L'exposition rendue possible grâce au financement de la fondation Karen et Uwe Hollweg et au soutien du Centre culturel portugais Camões de Berlin, rend compte d'une démarche qui politise une sphère privée inscrite dans un collectif. Chez Paula Rego, l'intimité renvoie à l'expérience universelle. Seule femme du groupe de l'École de Londres, Paula Rego, peintre, graveuse, pastelliste, devient figure du féminisme. Elle questionne les luttes de pouvoir, la hiérarchie, l'ordre établi. Elle interroge la condition féminine, les rôles de genre, les conventions, interroge les injonctions, les coercitions, dénonce les carcans de la famille, la religion, l'État. Les sujets les plus tabous, les plus intimes, isolement, expérience de la douleur, avortement, violences sexuelles sont abordés avec la même frontalité et un ancrage politique identique.







À l'âge de seize, Paula Rego quitte son Portugal natal pour étudier en Angleterre. Son père souhaite ainsi épargner à son enfant le poids d'une société portugaise sous emprise de la dictature de Salazar, société ultra-patriarcale et oppressive. Elle intègre la Slade School of Fine Art à Londres, où elle est distinguée par un Premier Prix avec "Under Milkwood". Elle côtoie Francis Bacon, Lucian Freud, Franck Auerbach, David Hockney. Sa première exposition personnelle à Lisbonne aux Belas Artes en 1963, une série de collages notamment "Salazar vomiting the Motherland", est rapidement censurée par le pouvoir dictatorial, en place de 1933 à 1974. 

Paula Rego délivre un art figuratif puissant, provocateur, incisif qui s'inscrit dans une confrontation directe, sans compromis, à la réalité dans toute sa brutalité. Elle associe la férocité d'une vision pessimiste, d'une noirceur radicale, à la virulence du cri d'alerte, de rage. Ses oeuvres teintées d'ironie grinçante croisent la réalité de l'autofiction à une fantasmagorie aussi cauchemardesque que troublante. L'esthétique macabre emprunte son expressivité noire au XIXème siècle, convoque la littérature, José Maria de Eça de Queiròs, Edgar Allan Poe, Lewis Carroll, les contes et légendes portugaises, à l'instar de "La soupe de pierre", le théâtre, et l'histoire de l'art, Francisco de Goya, Francisco de Zurbaràn, Max Ernst, James Ensor. 







Le réel et la fiction s'entremêlent dans une même expression plastique où la cruauté du conte souligne la lucidité réaliste du propos. Paula Rego puise dans les éléments biographiques, parfois les plus douloureux, pour nous parler du monde actuel, ses enjeux sociaux et politiques. 

Le merveilleux traverse le quotidien. L'étrange s'invite, s'insinue sous forme de dérèglements insidieux, rêves et cauchemars intriqués, enfance et mort fusionnées, passé et présent imbriqués. Les mondes de Paula Rego sont peuplés d'êtres hybrides, sujets de métamorphoses, à l'instar de ses femmes-chiens, de figures grimées s'adonnant à des jeux malaisants, dans des scènes crues parfois insoutenables. 

Elle rencontre des difficultés pour faire entendre sa voix et son art. Les galeries boudent le travail de cette artiste car femme. Le soutien de la fondation lisboète Calouste Gulbenkian lui permet néanmoins de poursuivre son travail. 







Aussi importante que ses confrères Lucian Freud ou Francis Bacon, Paula Rego ne fait pourtant l'objet de sa première rétrospective d'envergure qu'en 1997, à la Tate Gallery de Liverpool. Cette reconnaissance tardive témoigne des inégalités de genre, de la considération du travail des femmes dans le monde de l'art. Les grandes rétrospectives n'interviendront qu'au début des années 2020, peu de temps avant sa disparition, Tate Britain de Londres en 2021, Kunstmuseum de La Haye en 2021-22, Museo Picasso Malage en Espagne en 2022, puis après son décès notamment au Kunstmuseum de Bâle en 2025. Aujourd'hui, Paula Rego a  enfin trouvé la place qu'elle méritait au Panthéon des artistes. 

Paula Rego. Le personnel et le politique
Jusqu'au 7 septembre 2025

Museum Folkwang 
Museumsplatz 1 - 45128 Essen - Allemagne
Tél : +49 201 8845 000
info@museum-folkwang.essen.de



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.